Sous-Traitance et Pollution: la Dérive Colas Gabon

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Sous-Traitance et Pollution: la Dérive Colas Gabon
Sous-Traitance et Pollution: la Dérive Colas Gabon

Africa-Press – Gabon. Dans un article au vitriol publié ce 13 octobre 2025, l’hebdomadaire gabonais ‘La Loupe’ révèle qu’un sous-traitant réclame à Colas Gabon plus de 660 millions FCFA pour rupture abusive de contrat et mise en danger de la vie humaine. Une affaire explosive où se mêlent accusations d’abus de pouvoir, manquements à la sécurité et soupçons d’influence dans les milieux judiciaires.

Les “palabres” du BTP gabonais ont rarement atteint une telle intensité. Ce qui n’était, à l’origine, qu’un différend contractuel entre un prestataire et un géant du génie civil s’est mué en une querelle judiciaire au parfum de scandale industriel. En croisant les témoignages recueillis par La Loupe et les éléments du dossier, c’est tout un pan de la culture d’impunité des grandes entreprises opérant au Gabon qui refait surface.

Des contrats brisés et des vies mises en péril

Le litige remonte à 2010, lorsque le plaignant, prestataire de Colas Gabon, assure la gestion des navires destinés au transport d’agrégats. Après un premier accord non exécuté en 2014, un second contrat de quatre ans est signé le 1er avril 2019, reconductible tacitement. Mais selon La Loupe, «plusieurs articles et termes dudit contrat n’ont pas été respectés», notamment sur les frais de gestion de navires et la conformité technique des équipements.

Les griefs s’étendent bien au-delà du simple différend commercial: «Colas Gabon aurait géré le contrat sans respect des normes d’éthique et de sécurité, des normes anti-pollution, des paramètres de navigation et de construction», rapporte encore l’hebdomadaire. Bollards inadaptés, voies d’eau obturées au ciment, soudures non conformes, surcharge des barges, ordres d’appareillage nocturnes: la liste des anomalies donne le vertige.

Derrière ces termes techniques se cache en réalité un ensemble de fautes graves qui, dans n’importe quel pays respectueux des normes maritimes, auraient entraîné la suspension immédiate des opérations. Les bollards (ces pièces d’amarrage censées maintenir les navires en place) auraient été fabriqués de manière artisanale, «trop larges et trop hauts», selon La Loupe, compromettant la stabilité des barges à quai. Les voies d’eau, normalement destinées à évacuer l’humidité et les liquides stagnants, auraient été grossièrement bouchées au ciment, empêchant toute circulation de l’eau dans le fond de coque et augmentant le risque de corrosion ou de rupture de structure.

Les soudures, mal exécutées, fragilisaient les coques déjà affaiblies par des années de service, tandis que la surcharge des barges – au mépris des obligations de la Marine marchande – exposait le personnel à des risques d’accident majeurs. Pire encore, des ordres d’appareillage auraient été donnés en pleine nuit, avec des ouvriers à bord et un seul moteur opérationnel. Autrement dit, des hommes envoyés sur l’eau sans sécurité, dans des navires hors normes et potentiellement mortels.

Silence assourdissant et soupçons d’influence

Le point de rupture survient en février 2024, lorsque le prestataire s’oppose à la mise à l’eau de la barge Jeannette 2, jugée dangereuse pour la vie des ouvriers et l’environnement. Colas Gabon riposte en l’accusant d’abus de confiance, avant de lui interdire l’accès au chantier sans avenant.

Le sous-traitant, qui avait dirigé l’usine d’enrobés de Barracuda et la carrière de Kinguélé, réclame désormais «660 millions FCFA en termes de dédommagement». À défaut, la multinationale devrait verser, selon une source citée par La Loupe, «45 695 250 francs en sus». Depuis la rupture du contrat, ses activités sont à l’arrêt.

Mais ce qui scandalise le plus le milieu judiciaire, c’est le silence des institutions. «Jusqu’à ce jour, la plainte reste sans suite, sans doute sous l’influence de ce puissant opérateur économique», estime La Loupe dans une phrase qui claque comme une accusation directe. Contactée par l’hebdomadaire, Colas Gabon n’a pas daigné répondre.

Derrière ce contentieux, c’est la question plus large de la responsabilité sociale et juridique des grands groupes étrangers au Gabon qui se pose. Quand l’influence économique semble primer sur la justice, les barges du scandale flottent dangereusement entre impunité et naufrage moral.

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