Africa-Press – Gabon. Trente détenus préventifs, transférés à la prison de Makokou depuis décembre 2024, n’ont toujours pas été auditionnés par un juge. Leurs parents ont pris la parole ce 13 octobre 2025 pour dénoncer les violations de la loi et réclamer un traitement équitable de leurs dossiers, invoquant l’engagement du président Oligui Nguema en faveur d’une justice transparente et respectueuse de l’État de droit.
Les parents de 30 détenus préventifs ont brisé le silence ce lundi 13 octobre 2025 pour dénoncer publiquement les conditions de détention de leurs enfants, transférés à la prison centrale de Makokou par la Direction générale des Services spéciaux (DGSS). Arrêtés pour des faits présumés de trafic de drogue, d’association de malfaiteurs et de blanchiment de capitaux, ces jeunes gens, dont six Gabonais, croupissent en isolement depuis près d’un an sans avoir été entendus par un magistrat instructeur.
«Nos enfants, pour certains, ont été arrêtés depuis août 2024. Certains ont été gardés au palais, il me semble, entre trois semaines et trois mois. Et ensuite, ils ont été emmenés à Makokou, sans que les parents soient au courant, sans qu’ils aient été auditionnés», a déclaré Lucie Edzang épouse Mbele Loussou, porte-parole du collectif des parents. Selon elle, le transfert vers Makokou s’est effectué le 7 décembre 2024, dans des conditions opaques et en violation des procédures légales
Les familles pointent du doigt l’absence totale d’instruction. La juge du cabinet spécialisé numéro 1, censée se déplacer à Makokou pour auditionner les détenus, n’aurait jamais effectué le voyage, invoquant l’attente de frais de mission de la DGSS. «Ils n’ont même pas été entendus monsieur. La juge devait se déplacer et à chaque fois elle nous disait qu’elle attendait les frais de mission de la DGSS pour pouvoir y aller», a regretté la porte-parole.
Un ping-pong institutionnel insoutenable
Les parents dénoncent également un renvoi permanent de responsabilités entre les institutions. «Quand on est au palais de justice, on nous dit que c’est le problème de la DGSS. Quand on va à la prison, on nous dit que ce sont les prisonniers de la présidence de la DGSS, on ne peut pas les voir», a expliqué Lucie Edzang. Cette situation kafkaïenne a conduit les familles à saisir directement la DGSS par courrier le 26 septembre 2025, sans succès tangible.
Les avocats eux-mêmes se heurtent à un mur. Munis de permis de communiquer délivrés par la juge d’instruction, ils se voient systématiquement refuser l’accès aux détenus. «Il y a un avocat qui en a vu certains, peut-être deux minutes, une seule fois. Le reste du temps ça n’a pas été possible», a précisé la porte-parole du collectif.
L’appel au respect de la parole présidentielle
C’est dans ce contexte que les familles invoquent le discours prononcé par le président Brice Clotaire Oligui Nguema lors de l’audience solennelle de rentrée judiciaire du 6 octobre 2025. Le chef de l’État avait alors réaffirmé son engagement pour une justice indépendante, fondée sur la transparence, l’intégrité et la loyauté. «Le président a fait un discours disant qu’il voulait que la loi soit respectée et que tout se passe selon la loi. Voilà pourquoi on est là. On demande la même chose que lui», a souligné Lucie Edzang.
Les parents réclament le retour immédiat des détenus à Libreville, leur audition devant un juge et un jugement équitable. «Ceux qui sont coupables, qu’ils soient jugés quand même, et ceux qui sont innocents, qu’on les libère parce qu’on a dit qu’on les garde pour nécessiter d’enquête. Ça fait un an que l’enquête dure. Donc eux, ils savent très bien qui est coupable et qui n’est pas coupable», a-t-elle martelé.
Ce collectif de parents, accompagné de conseils juridiques, incarne aujourd’hui un acte citoyen qui interroge le fonctionnement de l’État de droit gabonais. Leur démarche, au-delà de la détresse personnelle, pose une question fondamentale: comment concilier les discours officiels sur la justice avec la réalité d’une détention prolongée sans procès? Les prochaines semaines diront si les autorités judiciaires et sécuritaires sauront apporter des réponses à la hauteur des principes affichés lors de la dernière rentrée judiciaire.
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