Africa-Press – Gabon. Il ne faut pas céder à l’émotion. Il faut militer pour un procès dans les règles de l’art: à charge et à décharge.
À compter du 10 novembre prochain, la justice se penchera sur les cas Sylvia Bongo et Noureddin Bongo Valentin. Elle parlera de faux, de détournement de fonds publics, de blanchiment d’argent, de falsification de documents… Les accusations portées contre l’épouse et le fils aîné d’Ali Bongo sont lourdes. Mais, personne n’est surpris. Pendant près de cinq ans, ces personnalités ont assuré une forme de régence. Au fait des limites physiques et cognitives du président de la République, elles s’étaient substituées à lui. Sous le regard complice des institutions, elles avaient pris le contrôle de l’appareil d’Etat, initiant lois et réformes à l’emporte-pièce, engageant le pays sans en avoir qualité ni compétence, faisant et défaisant les carrières, plaçant copains et coquins aux postes les plus sensibles. Dès lors, leur procès sera celui de la gouvernance en vigueur entre 2018 et 2023. Au-delà, il sera celui des élites en fonction durant cette période.
Chacun doit situer sa responsabilité
Ce constat ne relève ni de la diversion ni d’une volonté de leur trouver des circonstances atténuantes. Il procède d’une lecture froide et circonstanciée du passé récent. Toutes les décisions de Sylvia Bongo étaient entérinées puis mises en œuvre par des agents publics en proie au doute et payés pour défendre l’intérêt général. Tous les actes de Noureddin Bongo Valentin étaient validés, défendus et même vantés par des commis de l’Etat conscients de la situation, mais déterminés à conserver leurs privilèges. Si l’usurpation de pouvoir a été possible, c’est parce que les détenteurs de l’autorité publique avaient abdiqué, refusant de jouer leur rôle respectif. Si elle a prospéré, c’est en raison de leur lâcheté. Pour cette raison, il ne faut pas céder à l’émotion. Il faut plutôt militer pour un procès équitable, mené dans les règles de l’art: à charge et à décharge.
Certes, Sylvia Bongo, Noureddin Bongo Valentin et leurs compagnons d’infortune sont les principaux accusés. Certes, ils doivent le demeurer. Mais, pour l’équilibre de la justice, il faut situer les faits dans leur contexte. Pour écarter tout soupçon de partialité, il faut faire éclore la vérité en produisant des preuves matérielles et en s’astreignant au principe du contradictoire. On ne peut parler de faux dans l’administration publique sans recueillir le témoignage du secrétariat général du gouvernement voire du Conseil d’Etat. On ne peut évoquer des détournements de deniers publics sans interroger le ministère du Budget et le Trésor public. On ne peut ergoter sur le blanchiment d’argent sans interpeler les institutions financières de la place. On ne peut discourir sur la falsification de documents sans questionner le gouvernement. Pour chaque chef d’accusation, tous les maillons de la chaîne décisionnelle doivent se prononcer. Chacun doit situer sa responsabilité.
Manquement au devoir leurs charges
Au demeurant, il aurait sans doute été plus sage de recourir à la justice transitionnelle. Cette option aurait eu le mérite de combiner mesures judiciaires et non-judiciaires. Elle aurait permis d’éviter la logique de châtiment individuel pour ouvrir une perspective plus large visant la réconciliation nationale. L’Etat ayant fait le choix de la justice classique, on se satisfera d’un procès en bonne et due forme: conformément au Code de procédure pénale, «toute personne dont l’audition paraît utile à la manifestation de la vérité» devra être invité à comparaître. Sans doute, certains y verront un coup du sort voire une injustice. Mais ni Sylvia Bongo ni Noureddin Bongo Valentin n’auraient pris autant de liberté si les détenteurs de l’autorité publique avaient joué leur rôle consciencieusement. À l’encontre des agents publics, on peut déjà parler de manquement au devoir leurs charges respectives.
Même s’ils ont profité du flottement né de l’accident vasculaire et cérébral d’Ali Bongo, son épouse et son fils aîné ont surtout surfé sur l’absence de culture républicaine et de vertu publique. Si leur procès doit servir pour le futur, il faut mettre les détenteurs de l’autorité publique face à leurs responsabilités. Il faut leur rappeler la nécessité d’agir non par pour eux-mêmes, mais pour la communauté, dans le respect des lois. Pour ainsi dire, tous les témoins potentiels doivent être invités à comparaître. Aux côtés de Sylvia Bongo ou Noureddin Bongo Valentin et consorts, on doit retrouver certains hauts fonctionnaires et hommes politiques, y compris ceux aujourd’hui planqués dans l’entourage du président de la République, au Parlement de la Transition ou à l’Union démocratique des bâtisseurs (UDB). Pour la justice, ce procès se présente déjà comme l’épreuve du feu.
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