Décès Du Dernier Juriste Debout Jean De Dieu Moukagni

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Décès Du Dernier Juriste Debout Jean De Dieu Moukagni
Décès Du Dernier Juriste Debout Jean De Dieu Moukagni

Africa-Press – Gabon. Jean De Dieu Moukagni Iwangou, ancien ministre d’État et figure de l’opposition gabonaise, est décédé le 1er novembre 2025 à Libreville à l’âge de 65 ans. Magistrat hors hiérarchie, il incarnait une certaine idée de la justice: droite, exigeante et sans complaisance envers le pouvoir.

L’ancien ministre d’État et figure remarquable de l’opposition gabonaise, Jean De Dieu Moukagni Iwangou, s’est éteint le 1er novembre 2025 à la clinique El Rapha de Libreville, à l’âge de 65 ans. Magistrat hors hiérarchie, homme de principes et redoutable orateur, il laisse l’image d’un combattant du droit, parfois controversé, toujours entier.

Sa disparition marque la fin d’une génération d’intellectuels politiques pour qui le droit n’était pas une science froide, mais une arme de dignité nationale. L’homme qui avait choisi la rigueur contre la ruse et la parole contre la compromission s’en est allé, fidèle à sa ligne de vérité.

Une fin digne, entre souffrance et silence

Depuis plusieurs mois, son absence prolongée de la scène nationale laissait présager un déclin de santé. Selon ses proches, Jean De Dieu Moukagni Iwangou s’était récemment rendu à l’hôpital de Bongolo, tenu par l’Alliance Chrétienne, dans la Ngounié. Fragilisé, il en était sorti affaibli avant de rechuter. Ramené d’urgence à Libreville jeudi dernier, il a été admis à la clinique El Rapha. Les médecins ont tenté de stabiliser une détresse respiratoire aiguë, sans succès. Il s’est éteint dans la soirée du 1er novembre, entouré des siens.

Les causes exactes n’ont pas été rendues publiques – discrétion fidèle à une tradition gabonaise où la santé des figures politiques demeure domaine réservé. Mais l’on sait qu’il souffrait depuis plusieurs années de séquelles liées à un mystérieux empoisonnement survenu en 2013, épisode qu’il avait lui-même attribué à un règlement politique sous le régime Bongo-PDG.

Le juriste indomptable et le politique de l’équilibre

Magistrat rigoureux, formé dans la culture du droit et du verbe, Moukagni Iwangou fut radié de la magistrature pour avoir refusé à deux reprises d’intégrer les gouvernements d’Omar et d’Ali Bongo. Ce refus de compromission fit de lui un symbole: celui de la résistance par la probité. Il incarna l’une des dernières figures d’un Gabon intellectuel, pétri de droit et de foi républicaine, pour qui l’État devait demeurer une architecture morale avant d’être une machine politique.

Après la mort de Pierre Mamboundou, fondateur de l’Union du Peuple Gabonais (UPG), le parti entra dans une phase de division. Moukagni Iwangou prit la tête de l’aile dite «Loyaliste» et s’imposa comme président de cette faction, qu’il fit exister à travers ses interventions précises, ses propositions politiques et sa maîtrise du langage juridique et populaire. En 2015, à la tête du Front Uni de l’Opposition pour l’Alternance (FUOPA), il tenta de fédérer vingt-sept partis autour d’un candidat unique à la présidentielle de 2016. Fidèle à son exigence de cohérence, il s’opposa à la candidature de Jean Ping, qu’il jugea «irrégulière», acte qui lui valut autant de respect que d’isolement.

En 2019, à la surprise générale, il accepta d’intégrer le gouvernement d’Ali Bongo comme ministre d’État chargé de l’Enseignement supérieur. Ce ralliement, interprété comme une trahison par certains, fut pour lui une tentative d’action concrète à l’intérieur du système. Il y mena des réformes sur la transparence dans l’attribution des bourses et la nomination des recteurs d’université, sans jamais renier sa ligne morale. «Je suis entré par la porte du devoir, je sortirai par la porte de la dignité», confiait-il à ses proches.

L’héritage d’un esprit debout

Après son départ du gouvernement, il connut des années de silence et de précarité. Privé de revenus stables, vivant de la générosité de ses amis, il ne se plaignait jamais. Ceux qui l’ont côtoyé disent de lui qu’il «parlait toujours comme un homme debout, même malade». Son combat contre la maladie – discret, stoïque, presque ascétique – fut à l’image de sa vie: obstinée, élégante, silencieuse.

Jean De Dieu Moukagni Iwangou laisse l’image d’un homme d’État contrarié, d’un intellectuel indocile et d’un patriote lucide. Sa disparition clôt un chapitre du Gabon politique où la parole avait encore le poids de la pensée. Pour beaucoup, il représentait l’exemple rare d’un juriste habité par une idée morale du pouvoir, un homme que ni la menace, ni la misère, ni la maladie n’avaient pu plier.

Il s’en va comme il a vécu: droit, discret et souverain dans la douleur. Une figure de la rigueur, du courage et du verbe s’éteint, mais son ombre continuera de hanter les consciences de ceux qui savent encore que, dans un pays qui vacille, la justice demeure la dernière forme de résistance.

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