Procès Ou Politique? La Défense Sur L’Estrade

5
Procès Ou Politique? La Défense Sur L'Estrade
Procès Ou Politique? La Défense Sur L'Estrade

Africa-Press – Gabon. Le Dr Emmanuel Thierry Koumba* n’a pas du tout apprécié les propos de Me François Zimeray, tenus récemment sur RFI, au sujet du verdict prononcé lundi par la Cour criminelle spécialisée à l’encontre de Sylvia Bongo Ondimba et Noureddin Bongo Valentin. Dans cette nouvelle tribune, il dénonce la stratégie médiatique de l’avocat qui, selon lui, vise à déplacer le procès du terrain judiciaire gabonais vers l’opinion publique française. Il rappelle que le Gabon, en tant qu’État souverain, peut légitimement recourir à l’entraide internationale pour contrer les manœuvres d’avocats non régulièrement constitués. En s’appuyant sur des précédents internationaux, Dr Koumba souligne que la justice ne saurait tolérer l’instrumentalisation d’une procédure nationale depuis l’étranger.

Introduction

Le procès ouvert à Libreville le 10 novembre 2025 contre Sylvia Bongo Ondimba et Nourredine Bongo Valentin marque un moment charnière pour la justice gabonaise. Pourtant, à l’ombre de l’audience, la défense portée par des avocats français continue d’exploiter un angle médiatique: absence physique, dénonciation de «procédure illégale de A à Z» et, désormais, l’accusation ouverte du procureur général Eddy Minang qualifié de «menteur» par Me Zimeray. Cette stratégie mérite d’être scrutée: quels objectifs réels poursuivent ces conseils, et comment l’État gabonais peut-il répondre sans fragiliser sa posture de justice souveraine?

Un boycott stratégique et une posture publique calculée

Me François Zimeray a officiellement déclaré que la procédure est «illégale de A à Z», qu’aucune convocation n’a été signifiée à ses clients et qu’il s’agirait de traitements inhumains et dégradants. De plus, le procureur Eddy Minang a publiquement affirmé que les avocats français intervenant aux côtés des Bongo ne seraient «pas régulièrement constitués». Cette posture — absence volontaire à l’audience, recours aux médias français plutôt qu’aux tribunaux de Libreville — vise manifestement à déplacer le débat du terrain judiciaire vers la scène internationale, à mobiliser l’opinion publique française et à engager une «procédure de dénonciation» plutôt qu’une défense sur le fond. Pendant ce temps, l’audience se déroule. L’État gabonais doit ici maintenir deux impératifs: faire valoir sa souveraineté judiciaire, et entamer l’entraide internationale pour faire valoir le droit et la coopération.

Affirmation de la souveraineté judiciaire et recours à l’entraide internationale

Le Gabon, en tant qu’État souverain, a le droit de juger les infractions commises sur son sol ou par ses ressortissants. Le fait que des avocats étrangers interviennent doit respecter la législation gabonaise (constitution d’avocat local, procédure d’élection de domicile, etc.). Parallèlement, étant donné que les avocats français multiplient les interventions depuis la France, l’État gabonais peut déclencher une entraide judiciaire internationale: demander à la France l’échange d’informations, la vérification de la constitution des avocats et, le cas échéant, la constatation d’éventuels comportements délictueux à l’étranger (diffamation, entrave à la justice, association de malfaiteurs, etc.). Cette voie permet de répondre légitimement sans recourir à des mesures arbitraires. En même temps, le message est clair: «La justice gabonaise ne tolérera pas qu’on instrumentalise une procédure nationale depuis un autre pays.»

III. Le précédent d’avocats condamnés: un rappel historique nécessaire

Lorsque des avocats dépassent la simple défense et entrent dans la complicité ou l’obstruction, des sanctions peuvent tomber.

Aux États-Unis, l’avocate Lynne Stewart a été condamnée le 15 juillet 2010 à 10 ans de prison pour avoir transmis des messages codés de son client Omar Abdel-Rahman à Al-Gama’a al-Islamiyya, une organisation terroriste. Pat Swindall, avocat et ancien parlementaire, a été emprisonné en octobre 1988 pour parjure devant un grand-jury et blanchiment d’argent lié à un cartel de drogue colombien.

En Italie, Cesare Previti, avocat et homme politique, a purgé plusieurs années de prison après avoir été condamné à 11 ans en 2003 pour corruption de magistrats et à 5 ans pour une autre affaire.

En France, Thierry Herzog, avocat de Nicolas Sarkozy dans l’affaire des écoutes, a été condamné le 1er mars 2021 à 3 ans d’emprisonnement, dont 2 ans avec sursis et confirmé le 17 mai 2023 avant la décision définitive du 18 décembre 2024.

Ces exemples illustrent que la profession d’avocat ne dispense pas de la loi et que la justice peut sanctionner les comportements qui sortent du cadre déontologique ou pénal. En miroir, l’État gabonais peut faire valoir que l’absence d’un avocat « constitué régulièrement » ou la conduite d’avocats depuis l’étranger, connectés à la médiatisation plutôt qu’à l’acte de plaider, n’est pas qu’un choix stratégique: c’est aussi un terrain de vulnérabilité procédurale.

Conclusion

Au travers de ce procès, le Gabon est confronté à un double défi: mener une procédure rigoureuse et transparente, tout en neutralisant les tentatives d’affaiblissement de sa juridiction depuis l’étranger. L’attitude des avocats français ne doit pas être ignorée: elle traduit une stratégie globale de communication et de pression. Mais la réponse gabonaise peut être à la fois ferme et crédible: application stricte du droit national, recours à l’entraide internationale, et maintien de la transparence. Ainsi, non seulement la justice gabonaise affirme sa souveraineté, mais elle démontre qu’un État de droit n’est pas à la merci des plateaux médiatiques étrangers.

*Docteur Emmanuel Thierry Koumba, Enseignant à l’Université Omar Bongo et à EM-Gabon, Citoyen gabonais, Essayiste et Observateur de la vie publique

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Gabon, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here