Africa-Press – Gabon. «Entre souveraineté monétaire et stabilité économique, le temps des ambiguïtés est terminé», décrète Dr Emmanuel Thierry Koumba* dans cette tribune. Alors que le président français Emmanuel Macron est attendu ce dimanche à Libreville, l’enseignant des universités et grandes écoles appelle Oligui Nguema à poser sur la table la nécessité d’un débat public et inclusif sur l’avenir monétaire du Gabon, soulignant que la jeunesse gabonaise, informée et connectée, rejette le franc CFA comme symbole d’un héritage colonial et exige une rupture politique. Pour lui, la visite du chef de l’État français représente un test de cohérence: accompagner la réforme du CFA ou rester prisonnier des logiques de la Françafrique.
Introduction
La visite annoncée d’Emmanuel Macron au Gabon intervient à un moment charnière de notre histoire politique et économique. Au centre des attentes, une question aussi sensible que taboue: le franc CFA. Pour une grande partie de la jeunesse africaine, cette monnaie est devenue le symbole d’un lien colonial qui ne dit pas son nom. Pour les dirigeants, elle reste un outil de stabilité. Entre ces deux perceptions, le président Oligui Nguema devra trouver une ligne de crête: parler vrai sans casser la relation avec la France, ouvrir l’avenir sans précipiter le pays dans l’inconnu.
1. Une jeunesse qui refuse l’«enclos monétaire»
Dans un monde où de plus en plus de pays assument leur propre monnaie, le Gabon apparaît enfermé dans une sorte d’« enclos » monétaire hérité de l’histoire. La jeunesse, connectée, informée, observe. Elle voit les débats en Afrique de l’Ouest, elle suit les expériences d’autres régions du monde, elle réclame une rupture avec ce qu’elle perçoit comme une tutelle. Ignorer cette aspiration serait politiquement suicidaire. La question du CFA n’est plus technocratique, elle est devenue éminemment politique et symbolique.
2. La méthode Oligui Nguema à l’épreuve
Le style du président Oligui Nguema – concertation, apaisement, recherche de consensus – est présenté par certains de ses adversaires comme une faiblesse. Pourtant, sur un dossier aussi explosif que le franc CFA, cette méthode peut être une force. Il ne s’agit ni de se coucher devant Paris ni de jouer les révolutionnaires de tribune. Il s’agit d’obtenir de la France qu’elle accompagne une évolution inévitable, plutôt que de la subir dans la rue et sur les réseaux sociaux. La vraie fermeté, ici, consistera à poser le débat publiquement, à associer les experts, les institutions régionales et la jeunesse, et à exiger un calendrier clair d’évolution.
3. Macron face au test de la rupture avec la Françafrique
Pour Emmanuel Macron, cette visite sera aussi un test de crédibilité. Peut-il continuer à se présenter comme celui qui veut tourner la page de la Françafrique tout en défendant bec et ongles le statu quo monétaire? La France doit accepter une évidence: les États africains décideront tôt ou tard de réaménager ou de quitter le CFA. Elle a le choix entre accompagner ce mouvement ou apparaître, une fois encore, comme une puissance crispée sur ses anciens privilèges.
Conclusion
Le face-à-face Oligui Nguema – Macron, sous le regard exigeant de la jeunesse gabonaise et africaine, peut marquer un tournant. Si les deux hommes savent tenir un langage de vérité – reconnaître la charge symbolique du CFA, annoncer un processus de réforme, associer les peuples – alors cette visite ne sera pas un simple rituel diplomatique de plus. Elle pourrait devenir le point de départ d’une refondation de la relation franco-africaine, enfin libérée de ses chaînes monétaires. À eux de choisir: accompagner l’histoire ou la subir.
*Docteur Emmanuel Thierry Koumba, Enseignant à l’Université Omar Bongo et à EM-Gabon, Citoyen gabonais, Essayiste et Observateur de la vie publique
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