Culture Africaine en Chine: L’Institut de Zhejiang et Son Rôle

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Culture Africaine en Chine: L'Institut de Zhejiang et Son Rôle
Culture Africaine en Chine: L'Institut de Zhejiang et Son Rôle

Africa-Press – Gabon. À Jinhua, dans la province chinoise du Zhejiang, l’Institut d’études africaines de l’Université Normale abrite le premier musée africain créé dans une université chinoise. Fondé en 2007, cet établissement est devenu un centre majeur de recherche sur l’Afrique, soutenu par les ministères chinois de l’Éducation et des Affaires étrangères. Le Professeur Yoro Diallo, ancien diplomate malien et muséologue, y défend une approche éthique de la collection d’objets africains, dans un contexte où les questions de restitution du patrimoine africain agitent les musées occidentaux.

Lors de la visite de journalistes gabonais le 17 novembre 2025, le Professeur Yoro Diallo a présenté l’Institut d’études africaines de l’Université Normale du Zhejiang (IASZNU), premier institut complet dédié aux études africaines parmi les universités chinoises. Ancien chercheur au Musée national du Mali pendant une décennie et diplomate pendant 22 ans (dernier poste: premier conseiller à l’ambassade du Mali à Pékin), le professeur Diallo dirige le centre d’études des pays francophones d’Afrique créé en 2018.

L’institut, qui compte aujourd’hui quatre départements de recherche et neuf centres spécialisés, s’est considérablement développé avec la création de l’École des études régionales et nationales africaines en 2022. Mais c’est surtout ses deux institutions muséographiques qui retiennent l’attention: l’une retrace l’évolution de la coopération sino-africaine depuis le 10e siècle, l’autre présente la culture traditionnelle africaine à travers une collection d’objets dont la provenance suscite naturellement des questions.

Face aux interrogations des visiteurs gabonais sur l’origine des objets exposés, le professeur Diallo a tenu à rassurer sur l’éthique de leur acquisition. «Tous les objets qui sont ici, je peux vous assurer qu’ils ont été achetés sur le marché des arts ici, et ça c’est très rare d’ailleurs, mais les 90% sont des donations», affirme-t-il. Selon lui, ces donations proviennent principalement de deux sources: les diplomates africains qui, constatant l’absence de représentation de leur pays, font des dons, et les diplomates chinois en poste en Afrique. «Chez eux, le cadeau n’est pas à eux en tant que diplomate, le cadeau appartient à leur pays. Donc ils trouvent une institution à qui donner ce cadeau-là pour le pays, pour que ça puisse servir de moyen de communication avec la jeunesse», explique-t-il.

Fort de son expérience de «membre du conseil international des musées, président du conseil international des musées au Mali pendant six ans, deux mandats», où il s’est opposé au trafic d’objets à l’UNESCO, le professeur Diallo garantit la légalité de ces acquisitions. Cette insistance sur la provenance éthique contraste implicitement avec les controverses entourant les collections africaines des musées occidentaux, accusés de détenir des objets issus du pillage colonial.

Au-delà de la conservation matérielle, l’institut se positionne comme un lieu de redécouverte culturelle, y compris pour les Africains eux-mêmes. «Le hasard fait aussi qu’il y a certains jeunes africains ici qui découvrent leur culture dans notre musée parce qu’ils sont nés dans les grandes villes, les capitales, rarement ils vont dans les villages et rarement ils sont en contact avec cet aspect traditionnel des cultures africaines», observe le professeur Diallo.

L’institut emploie trois chercheurs africains (Mali, Nigeria, Cameroun) aux côtés de chercheurs chinois, et collabore avec des universités africaines en Afrique du Sud, Tanzanie, Nigeria, Gabon et Togo. Ces partenariats s’inscrivent dans la dynamique du Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC), notamment après le sommet de septembre 2024 où le président Xi Jinping a élevé la coopération sino-africaine au rang de «coopération globale concernant tous les aspects du développement». Pour le professeur Diallo, l’ampleur de cette coopération est indéniable: «Il n’y a aucun pays africain sur les 54 pays, sur les 53 qui ont des relations diplomatiques avec la Chine, dans lesquelles la Chine n’a pas posé un acte durant ces dernières années».

Cette initiative chinoise soulève néanmoins des questions sur les dynamiques de pouvoir dans la représentation culturelle africaine. Si l’institut se présente comme un préservateur de la culture africaine et un pont entre les jeunesses chinoise et africaine, il incarne aussi une forme de soft power où la Chine contrôle le narratif sur l’Afrique auprès de sa population. La présence d’un musée retraçant la coopération sino-africaine depuis le 10e siècle, aux côtés d’objets traditionnels africains, suggère une volonté de légitimer historiquement l’influence chinoise actuelle sur le continent.

Par ailleurs, l’asymétrie demeure: combien d’instituts d’études chinoises de cette envergure existent-ils en Afrique? Les donations diplomatiques sont-elles toujours aussi volontaires qu’affirmé? Et surtout, cette préservation de la culture africaine en Chine ne traduit-elle pas, paradoxalement, une forme de dépossession symbolique, où les Africains doivent traverser des milliers de kilomètres pour redécouvrir leur propre patrimoine? Des interrogations qui, au-delà de l’éthique indéniable des acquisitions défendue par le professeur Diallo, questionnent les rapports de force dans la coopération sino-africaine.

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