Immunité et Indignité: Une Sénatrice Accusée d’Escroquerie

1
Immunité et Indignité: Une Sénatrice Accusée d'Escroquerie
Immunité et Indignité: Une Sénatrice Accusée d'Escroquerie

Africa-Press – Gabon. À peine élue sénatrice de l’Ogooué-Létili avec une victoire écrasante au second tour (62,5% des voix), Grace Landimi Ndjeri se retrouve dans les locaux de la DGR, interpellée dans le cadre d’une affaire d’escroquerie présumée portant sur la vente frauduleuse de véhicules automobiles. Entre plaintes multiples de citoyens floués et course contre la montre pour bénéficier de l’immunité parlementaire avant sa prise de fonctions prévue le 24 décembre, cette affaire illustre avec une acuité troublante la question récurrente de l’intégrité morale de nos élus et la perméabilité de nos institutions face aux dérives individuelles.

Grace Landimi Ndjeri, 43 ans, fraîchement élue sénatrice indépendante de l’Ogooué-Létili le 22 novembre dernier, se trouve au cœur d’une tourmente judiciaire qui interroge cruellement la qualité morale de nos représentants. Alors qu’elle devrait préparer sa première session parlementaire prévue le 24 décembre, l’élue fait l’objet d’une garde à vue à la Direction générale des recherches (DGR) pour des faits présumés d’escroquerie portant sur plusieurs millions de francs CFA.

Aux dernières nouvelles, l’autorité judiciaire a demandé à la DGR de lever la mesure de garde à vue, des garanties de représentation ayant été apportées pour le compte de l’intéressée. Si cette décision lui permet de rentrer chez elle, elle n’évacue nullement la question fondamentale de la moralité qui demeure entière.

Les accusations sont accablantes. Début 2025, cette agent du Trésor public aurait perçu des sommes oscillant entre 6,5 et 16 millions de francs auprès de compatriotes crédules, promettant l’importation et la livraison de véhicules automobiles. Le stratagème, d’une banalité confondante, révèle une ingéniosité déplacée: vendre parfois le même véhicule à plusieurs acquéreurs, encaisser les acomptes, puis disparaître dans les méandres administratifs. Certaines sources évoquent jusqu’à cinq victimes pour un même véhicule fantôme.

L’affaire transcende le simple fait divers pour devenir un révélateur sociologique inquiétant. Comment une personne faisant l’objet de plaintes multiples peut-elle briguer puis remporter un mandat sénatorial avec 62,5% des suffrages? Cette interrogation lève le voile sur une défaillance systémique: l’absence criante de filtres moraux dans notre processus électoral et la légèreté déconcertante avec laquelle les électeurs accordent leur confiance.

Plus troublant encore, la stratégie présumée de l’intéressée: gagner du temps jusqu’à son investiture officielle pour bénéficier de l’immunité parlementaire et échapper ainsi aux poursuites pénales. Ce calcul cynique, s’il se vérifiait, transformerait un privilège démocratique en bouclier pour délinquant, pervertissant l’esprit même de l’institution parlementaire.

Le précédent, en 2008, d’un célèbre homme politique aujourd’hui opposant au régime de transition, incarcéré quelques jours avant son retour à l’Assemblée nationale, démontre que la justice peut agir. Mais le signal envoyé reste ambigu: nos institutions sont-elles vraiment capables de sanctionner l’indignité ou se contentent-elles d’accommodements opportunistes?

Cette affaire pose une question fondamentale: quelle République bâtissons-nous lorsque l’urne devient l’antichambre de l’impunité?

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here