Africa-Press – Gabon. Le risque d’une pandémie de grippe aviaire chez les humains devient de plus en plus inquiétant. Déjà, parce que la circulation de ce virus augmente chez les oiseaux, mais aussi chez des mammifères. Mais aussi parce que le corps humain n’aurait pas les outils nécessaires pour s’en défendre, si jamais ce pathogène devenait transmissible entre humains. C’est notamment le cas de la fièvre, une de nos premières armes contre les infections, mais qui serait inutile face au virus de la grippe aviaire (H5N1), selon une étude publiée le 27 novembre 2025 dans Science par des chercheurs des universités britanniques de Glasgow, Cambridge, Oxford et Édimbourg (Royaume-Uni).
Le virus de la grippe aviaire est habitué à des températures élevées
Commençons par un petit rappel: la température corporelle des oiseaux est plus élevée que celle des humains. De ce fait, il serait tout à fait normal que le virus de la grippe aviaire soit adapté pour survivre à ces températures normales chez les oiseaux (pouvant aller jusqu’à 42°C), mais qui seraient considérées comme de la fièvre chez nous. Particulièrement dans nos voies respiratoires supérieures, porte d’entrée des virus de l’influenza, où la température est beaucoup plus basse (autour de 33°C, contre 37°C pour les poumons).
Pour vérifier si cette adaptation aux oiseaux rendait bien le virus de la grippe aviaire plus résistant à la chaleur fébrile chez l’humain, les chercheurs ont analysé la capacité de ce virus à se répliquer dans des cellules de poumon humaines à différentes températures. Résultat: ce virus se portait bien à 37°C, mais aussi à 40°C, alors que le virus de la grippe saisonnière avait du mal à survivre dans cette dernière température.
La fièvre ne suffit pas pour contrôler l’infection
Cette résistance contre la chaleur était observée aussi in vivo. Des souris infectées par ce virus étaient exposées à une forte chaleur (34°C) pour augmenter mécaniquement leur chaleur corporelle. Cette expérience parvenait à éliminer le virus de la grippe saisonnière et à protéger les animaux, mais avec le virus de la grippe aviaire, cela ne suffisait plus, et ils perdaient beaucoup de poids, signe que le corps n’arrivait pas à contrôler l’infection. Ce qui pourrait expliquer la haute mortalité causée par ces virus chez notre espèce: « Les humains n’ont pas tendance à être infectés par ces virus de la grippe aviaire, heureusement, mais on voit quand même des dizaines de cas chaque année, avec un taux de mortalité qui est très inquiétant, autour de 40% », souligne dans un communiqué Sam Wilson, chercheur à l’Institut d’immunologie thérapeutique et maladies infectieuses à l’Université de Cambridge et directeur de l’étude.
La protéine responsable de cette résistance est identifiée
Ce superpouvoir de l’influenza aviaire dépend, au moins en partie, d’un fragment de sa polymérase, une protéine nécessaire à la transcription et la réplication de l’ARN viral. Les chercheurs ont identifié un segment de cette protéine, nommé PB1, dont la version contenue par le virus de la grippe aviaire est différente de celle du virus de l’influenza qui infecte les humains. Des analyses sur l’activité de cette polymérase montraient qu’elle résistait à la température lorsqu’elle possédait le segment originaire des volatiles. C’est donc grâce à la résistance de cette protéine, octroyée par ce fragment PB1, que ce virus peut continuer à se répliquer malgré la fièvre.
Puis, en testant différentes versions mutées de ce segment, les chercheurs sont parvenus à pointer du doigt les acides aminés (les blocs qui forment les protéines) qui diffèrent chez les virus des oiseaux par rapport à ceux qui infectent les humains, et qui causent cette résistance. Une connaissance qui pourrait nous servir à élucider les mécanismes qui permettent à cette protéine de devenir plus résistante grâce à ces changements: « Comprendre ce qui permet au virus de la grippe aviaire d’avoir des effets graves pour les humains est crucial pour nous préparer à une éventuelle pandémie », martèle Sam Wilson.
La fièvre est une arme très utile contre le virus de la grippe saisonnière
La deuxième conclusion de cette étude est l’importance de la fièvre comme outil pour lutter contre les infections. La hausse de températures corporelles parvenait en effet à contrôler rapidement le virus de la grippe saisonnière. Et ceci sans pour autant générer une réponse proinflammatoire qui pourrait alerter le système immunitaire, ce qui veut dire que c’est vraiment la chaleur fébrile qui attaque les virus directement.
Selon les auteurs, ceci pourrait expliquer en partie pourquoi les personnes âgées, qui ont des températures corporelles plus basses et chez qui la réponse fébrile est moins marquée, sont plus à risque d’être gravement malades à cause du virus de la grippe saisonnière. Ils proposent même que la fièvre devrait être davantage considérée comme un mécanisme normal et protecteur (lorsqu’elle n’est pas trop élevée ou prolongée). Et que la prise de médicaments pour faire baisser la fièvre lors d’une grippe pourrait être contreproductive: elle diminuerait nos capacités innées pour lutter contre le virus, le laissant se répliquer davantage, ce qui peut être négatif pour l’individu infecté, mais aussi pour son entourage, car cela augmenterait le risque de contagion.





