Africa-Press – Gabon. Les législatives, locales et sénatoriales n’ont pas été abordées selon une stratégie d’ensemble. Si l’Union démocratique des bâtisseurs (UDB) en avait une, elle visait à asseoir son hégémonie et pas à structurer la majorité présidentielle.
Jusque-là présenté comme le héraut de «l’inclusivité», Brice-Clotaire Oligui Nguéma est de plus en plus perçu comme un homme d’appareil. Entamée le 05 juillet dernier avec la création de l’Union démocratique des bâtisseurs (UDB), cette mutation se reflète dans la composition des bureaux des deux chambres du Parlement. Devenu président-fondateur d’une écurie politique, le président de la République a naturellement fait la part belle à ses coreligionnaires. En à peine cinq mois, ses principaux soutiens de l’après-30 août semblent être passés de la lumière à l’ombre. Si certains membres de son directoire de campagne apparaissent encore çà et là, beaucoup parmi ses directeurs locaux de campagne semblent déboussolés, ne sachant plus à quel saint se vouer. Cet état de fait confirme une chose: les législatives, locales et sénatoriales n’ont pas été abordées selon une stratégie d’ensemble. Si l’UDB en avait une, elle visait à asseoir son hégémonie et pas à structurer la majorité présidentielle.
La bourrasque UDB
S’étant, dès le départ, défini comme «le parti présidentiel», l’UDB est vite apparu non pas comme un allié, mais comme un concurrent des autres formations de la majorité présidentielle, s’adonnant à des débauchages. La création de ce parti avait déjà déclenché bien des polémiques. Son penchant hégémonique a généré doutes et inquiétudes. Enivrée par des résultats électoraux acquis aux forceps, il a tôt fait de «tout prendre». Reste maintenant à voir quelle sera la composition des commissions générales permanentes, singulièrement celles en charge des lois et des finances. Reste aussi à savoir si d’autres groupes parlementaires pourront se constituer. Reste enfin à attendre l’ouverture de la prochaine session ordinaire pour jauger la qualité et la tonalité des débats.
Derrière ces questions se cache une autre, moins institutionnelle mais plus politique: quel avenir pour l’informelle coalition constituée autour de Brice-Clotaire Oligui Nguéma? Déjà, Raymond Ndong Sima semble avoir pris du champ. «On est dans la continuité du système qu’on était supposé avoir écarté pour le bien de tous», avait-il lancé au lendemain des législatives, ajoutant: «Une victoire construite sur du mensonge (…) ne présage rien de bon. Elle préfigure même des lendemains inquiétants.» Venant de l’ancien Premier ministre de la Transition, cette sortie aurait dû alerter sur la nécessité de reconsidérer la stratégie. Las… Tel un véhicule lancé à vive allure, l’UDB a suivi sa trajectoire. Le résultat est éloquent: de tous les soutiens de la première heure, seul le Parti démocratique gabonais (PDG) a peu ou prou résisté à la bourrasque UDB. Quant aux principales figures de la Transition, elles sont toutes, ou presque, passées à la trappe.
À la croisée des chemins
Le tableau d’ensemble ne correspond plus aux ambitions affichées par la Transition: au lieu de renvoyer l’image d’une démocratie pluraliste, dynamique et revivifiée, le paysage politique et institutionnel rappelle furieusement celui du début de l’ère Ali Bongo. À maints égards, il accrédite l’idée d’un surplace et, peut-être même, d’un recul. Avec 103 députés et 47 sénateurs, l’UDB domine outrageusement le Parlement. Du coup, l’on se demande si ces chambres introuvables ne vont pas se révéler contre-productives, «plus royalistes que le roi», au point de devenir handicapantes ou de nuire à l’image du président de la République. En coulisses, certains dénoncent la naissance d’un «nouveau parti-Etat». D’autres parlent de «parti unique». Il s’en trouve aussi pour se gausser des autres forces politiques, les accusant de naïveté ou d’avoir passé un «marché de dupes». C’est dire si les certitudes d’hier se sont envolées. C’est aussi dire si la confiance s’est étiolée. C’est enfin dire si la majorité présidentielle est à la croisée des chemins.
Certes, des personnalités d’autres partis ont parfois bénéficié du coup de pouce discret mais déterminant de l’UDB. Mais tout ceci reste marginal. Tout ceci relève non pas d’une stratégie d’ensemble, mais d’affinités personnelles. Dans les rangs des alliés de la première heure – Alliance patriotique, Rassemblement pour la patrie et la modernité (RPM), Union nationale (UN), PDG et même une partie de la société civile -, c’est la grande désillusion. Si elle est sourde, l’amertume est grande. Si le président de la République ne resserre pas les boulons au plus vite, l’ambiance pourrait aller se dégradant. Or, les prochaines législatives auront lieu dans cinq ans soit… deux ans avant la prochaine présidentielle.





