
Africa-Press – Guinee Bissau. Qui n’a jamais égaré son téléphone ? Dans ces moments-là, après un petit moment de panique, on essaie de visualiser et de revivre mentalement les dernières minutes passées afin de se souvenir de chaque détail susceptible de nous indiquer où on l’a laissé.
Cette capacité à “revivre” des moments passés s’appelle le “voyage mental dans le temps”, ou chronesthésie. Cette faculté de se projeter dans le passé ou même dans le futur est un aspect essentiel de la mémoire dite “épisodique”. On a longtemps pensé que cette mémoire épisodique était propre à l’Homme. Mais ces dernières années, des études ont montré que les rats et quelques autres animaux en sont également capables à leur échelle.
Des chercheurs de l’Université de Cambridge (Royaume-Uni) ont mené une étude publiée le 15 mai 2024 dans la revue Plos One et qui montre que les geais des chênes (Garrulus glandarius), une espèce de passereaux visible en France, sont eux aussi capables de “revivre” des moments passés.
Une capacité à mémoriser des détails insignifiants
A la différence d’une simple association d’idées, il faut comprendre que le concept de chronesthésie implique une méthode de “gravure” des informations dans le cerveau bien particulière.
“Lorsque nous nous souvenons d’une expérience spécifique, nous pouvons nous souvenir de détails de cette expérience qui n’avaient aucune importance pour nos besoins, nos pensées ou nos désirs à ce moment-là, expliquent les chercheurs. Ces informations “accessoires” sont néanmoins encodées automatiquement comme faisant partie du souvenir et sont ensuite remémorées lorsque l’on se souvient d’un moment.”
Les geais des chênes sont connus pour être dotés d’une grande intelligence et être capables de comportements sociaux sophistiqués. Étant donné qu’ils savent cacher des aliments pour les consommer ultérieurement, les chercheurs ont émis l’hypothèse que ce type de mémoire a pu évoluer chez ces oiseaux pour faciliter la mémorisation du contenu, de l’emplacement de leurs cachettes. Pour tester cette hypothèse, sept geais ont effectué une série d’expériences tout d’abord très basiques. Ils ont été testés les uns après les autres, séparément.
Dans un premier temps, les oiseaux ont donc observé les chercheurs placer de la nourriture (des vers) sous un des quatre gobelets rouges identiques présentés devant eux. Les scientifiques ont ensuite demandé aux geais de choisir sous quel gobelet se trouvait la récompense. Après avoir répété ce processus plusieurs fois avec chaque geai pour s’assurer que leurs bonnes réponses n’étaient pas dues au hasard, les chercheurs ont légèrement modifié l’expérimentation sans “prévenir” les oiseaux.
Lors de la deuxième partie de l’expérience, les gobelets rouges étaient désormais chacun marqués par un indicateur visuel distinct, comme des formes ou des petites cartes colorées posées sur le dessus du verre en carton, suffisamment visibles pour que les geais puissent les remarquer. Comme les premiers tests consistaient à retrouver l’emplacement spatial et non pas le gobelet spécifiquement, ils n’avaient donc aucune raison apparente de se souvenir des éléments de celui-ci. Les chercheurs précisent également que ces cobayes n’avaient jamais été entraînés à prêter attention à des caractéristiques visuelles sur des gobelets auparavant.
Les geais ont identifié le bon gobelet dans 70% des cas
Presque comme les fois précédentes, cinq vers ont cette fois-ci été placés sous l’un des quatre gobelets. Mais pour ce test, les oiseaux ont été éloignés des verres en carton pendant dix minutes, sans aucun moyen de les voir. Les chercheurs ont alors modifié complètement l’ordre des gobelets.
Puis les oiseaux étaient invités à revenir et choisir le bon gobelet. Malgré le changement de position des gobelets et une attente de dix minutes afin “d’éloigner” le souvenir de leur mémoire, les oiseaux ont identifié correctement le bon verre en carton en se basant sur ses caractéristiques visuelles dans 70% des cas.
“Comme les geais étaient capables de se souvenir de détails qui n’avaient aucune valeur ou pertinence spécifique au moment où le souvenir a été créé, cela suggère qu’ils sont capables d’enregistrer, de se rappeler et d’accéder à des informations non primordiales lorsqu’ils tentent de se les rappeler”, expliquent les auteurs. Exactement comme la chronesthésie humaine.
Les chercheurs précisent cependant que “même si cette étude fournit des preuves convaincantes suggérant que les geais des chênes peuvent encoder, retenir, et accéder à des informations visuelles anodines, cette capacité pourrait être limitée aux informations associées à la cache de nourriture, et n’est peut-être pas aussi flexible que l’est la mémoire épisodique humaine”.
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