Africa-Press – Guinee Bissau. A-t-on déjà vu jumelles plus différentes ? Si la Terre et Vénus partagent, à peu près, les mêmes dimensions, l’une accueille des conditions propices à la vie tandis que l’autre est beaucoup trop chaude avec une température de surface moyenne autour de 460°C. Cette différence s’explique, en partie, par une insolation supérieure pour Vénus, plus proche du Soleil, et la présence d’une atmosphère dense autour. L’eau constitue une petite proportion des gaz de cette atmosphère qui est majoritairement composée de CO2. Une présence qui signe l’existence d’un petit réservoir d’eau à l’intérieur de Vénus. Mais celui-ci pourrait être bien plus conséquent, selon une étude publiée dans la revue Nature par une équipe dirigée par Franck Selsis, directeur de recherche au laboratoire d’astrophysique de Bordeaux.
Un nouveau modèle pour comprendre les atmosphères planétaires
Au moment de leur formation, la Terre et Vénus ont incorporé une grande quantité d’eau en s’agrégeant. Cette eau, sous forme de vapeur, s’est condensée sur Terre en océans. Mais sur Vénus, l’insolation trop forte a empêché ce processus et l’eau est restée dans l’atmosphère, s’en échappant progressivement. “Notre travail porte précisément sur les planètes de type terrestre entourée d’une atmosphère épaisse dominée par la vapeur d’eau. Longtemps on a supposé que ces atmosphères étaient responsables d’un effet de serre intense et provoquaient la fusion de la croûte rocheuse, ce qui donnait naissance à un océan de magma. En fait, notre travail indique que ce n’est pas souvent le cas, sauf circonstances particulières” explique Franck Selsis.
Pour le comprendre, avec son équipe, le scientifique a élaboré un nouveau modèle permettant de simuler les atmosphères planétaires qui intègre beaucoup plus de paramètres que celui en vigueur jusqu’ici et qui date de 1988. Ce dernier postulait que l’essentiel des échanges thermiques dans l’atmosphère se font par convection. Dans cette étude, les auteurs prennent en compte d’autres phénomènes comme l’échange radiatif, la condensation et l’albédo de la planète (qui mesure la quantité de lumière stellaire réfléchie) qui sont considérés ensemble dans un calcul cohérent. Leurs modélisations indiquent, ainsi, que pour les planètes dotées d’atmosphères denses ou les exoplanètes tournant autour de naines rouge la convection peut disparaître. Il en résulte des températures atmosphériques et de surface moins élevées qu’imaginées : ce qui signifie que l’océan magmatique ne se forme pas de façon systématique.
Sur Vénus, il y a bien eu un océan de magma mais d’après ce modèle, il a persisté sur une période 100 fois plus courte qu’estimé. “Le scénario de la formation et de l’évolution primordiale de Vénus est à revoir. De plus comme l’océan qui servait de surface d’échange entre l’atmosphère et le manteau n’a pas été présent longtemps, il n’est pas impossible qu’une grande fraction du réservoir d’eau interne ait pu être préservée”, estime l’astrophysicien.
Terre soumise à une insolation augmentée de 10%. Implications pour l’intérieur et la surface avec l’ancien modèle, supposant une structure atmosphérique convective, et avec un modèle plus cohérent, incluant le transport de chaleur par rayonnement. Crédit : Franck Selsis.
Un prisme pour comprendre l’évolution des exoplanètes rocheuses
Ce qui vaut pour Vénus, vaut aussi pour les exoplanètes de type terrestre, entourée d’une atmosphère dense et chaude, telles que les 7 planètes du système Trappist-1, qui orbitent à 40 années-lumière de la Terre autour d’un Soleil rougeoyant. Toutes sont proches de leur étoile, “mais elles n’abritent pas pour autant un océan de magma, autour des petites étoiles rouge, notre modèle indique au contraire que c’est très rare”, explique Franck Selsis. De plus, il faut reconsidérer les conclusions concernant leur composition chimique, avec une atmosphère moins chaude certains processus peuvent différer et donc faire varier la composition interne de ces exoplanètes. Aussi, il est également possible que la zone d’habitabilité de ces systèmes bâtis autour d’une naine rouge soit un peu plus grande que prévu : “d’après nos calculs on pourrait trouver des exoplanètes avec de l’eau liquide un peu plus près des étoiles. En gros, on peut dire qu’on élargit la zone habitable en décalant, un peu, sa limite interne”, souligne l’astronome.
Enfin, l’étude revient sur le futur probable de la Terre : dans environ un milliard d’années, le Soleil sera un peu plus lumineux qu’aujourd’hui. Cet apport d’énergie supplémentaire, de l’ordre de 10%, fera s’évaporer les océans dont l’eau se retrouvera dans l’atmosphère. La Terre se retrouvera donc dans la situation de Vénus, au début de l’histoire du système solaire. La croûte rocheuse ne devrait pour autant pas entrer en fusion et rester solide. Un moindre mal…
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