Comment les Crocodiles Ont Survécu à Deux Extinctions de Masse

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Comment les Crocodiles Ont Survécu à Deux Extinctions de Masse
Comment les Crocodiles Ont Survécu à Deux Extinctions de Masse

Africa-Press – Guinee Bissau. Les crocodiliens sont les derniers représentants d’un groupe vieux de 230 millions d’années, les crocodylomorphes. Ils regroupent non seulement les espèces actuelles comme les crocodiles, alligators et gavials, mais aussi de nombreux cousins aujourd’hui disparus. Leur histoire évolutive est marquée par deux extinctions de masse qu’ils ont réussi à franchir. Une prouesse que les paléontologues attribuent en partie à leur remarquable capacité d’adaptation.

Une stratégie gagnante face aux extinctions massives

À la fin du Trias, il y a environ 200 millions d’années, les crocodylomorphes sont un groupe faiblement diversifié, composé d’espèces de taille modeste qui occupent une place discrète dans les écosystèmes. Mais voilà que survient l’extinction Trias-Jurassique. Celle-ci élimine tous les prédateurs concurrents des crocodylomorphes, leur permettant de s’étendre vers de nouveaux milieux. Leur régime alimentaire varié, notamment chez les espèces généralistes capables de manger aussi bien des proies animales que végétales, semble avoir été un facteur clé de leur survie. C’est ce que dévoile une étude publiée dans la revue Paleontology menée par des chercheurs de l’Université d’Utah et l’Université du Centre de l’Oklahoma.

Durant le Jurassique, les crocodylomorphes ont pu rapidement se diversifier. Ils présentent alors toutes sortes de régimes alimentaires: carnivores aquatiques comme terrestres, généralistes semi-aquatiques ou encore herbivores terrestres. L’histoire suit son cours, les ancêtres des crocodiles prospèrent. Mais il y a 65 millions d’années survient l’extinction Crétacé-Paléogène, celle qui a mis fin au règne des dinosaures non aviaires. Bien que le groupe des crocodylomorphes soit alors plus riche et varié que lors de la précédente extinction, seules certaines lignées subsistent. Là encore, révèlent les chercheurs états-uniens, ce sont seulement les lignées composées d’espèces généralistes semi-aquatiques qui ont survécu.

Ces dernières étaient capables de manger une grande variété d’aliments et de se déplacer dans l’eau comme sur terre, leur permettant de s’adapter plus facilement. Encore aujourd’hui, à l’exception du crocodile marin, les 26 espèces de crocodiliens sont des généralistes semi-aquatiques. Tout porte donc à croire que la flexibilité écologique est l’une des caractéristiques qui a permis aux crocodylomorphes de survivre à travers les millénaires pour donner les crocodiles modernes. Cependant, comme le rappelle Stéphane Jouve, responsable des collections Géosciences à l’Université Sorbonne, “il faut prendre ces résultats avec prudence, les crises sont très différentes et les crocodyliformes très hétérogènes. L’étude des réactions de chacun des groupes de crocodyliformes ou de chacune des crises séparément apporte des éléments plus précis et complémentaires.”

Reconstituer les régimes alimentaires du passé

Pour comprendre comment les crocodylomorphes ont survécu là où d’autres ont disparu, les auteurs de l’étude ont décidé de reconstituer l’écologie de ces espèces, à la fois en termes d’habitat et d’alimentation. Ils sont allés visiter les collections des musées de zoologie et de paléontologie de sept pays différents pour obtenir les fossiles dont ils avaient besoin. Les chercheurs ont examiné les crânes de 99 espèces de crocodylomorphes disparues et 20 espèces de crocodiliens actuelles. Le registre fossile qu’ils ont ainsi obtenu s’étend sur six continents et 200 millions d’années. Ils ont ensuite comparé ce registre à leur base de données contenant des ossements d’animaux non-crocodiliens: 89 espèces de mammifères et 47 espèces de lépidosauriens (lézards, serpents, iguanes, etc.).

Pour retrouver le régime alimentaire d’animaux morts depuis des millions d’années, les paléontologues ont réalisé une analyse morphométrique. En mesurant puis en comparant la forme des crânes et des dents, il est possible de déduire l’alimentation d’une espèce. Ainsi une mâchoire garnie de dents pointues et tranchantes suggère un régime carnivore, tandis que des dents larges et aplaties sont plus adaptées pour broyer les plantes.

La forme des membres et les roches où les fossiles ont été trouvés donnent quant à elles des indices sur le milieu de vie comme l’explique Keegan Melstrom, un des auteurs de l’étude: “Les crocodiles aux membres robustes trouvés dans les roches océaniques vivaient très probablement dans des environnements marins. Ceux qui ont des membres longs et étroits sont probablement capables de courir très vite, ils sont donc classés comme terrestres.”

Ainsi, l’histoire des crocodiliens montre que l’un des atouts majeurs pour survivre à une crise planétaire serait une grande plasticité écologique. Néanmoins, peut-être qu’elle ne sera pas suffisante face à la destruction des habitats et au dérèglement climatique qui menacent actuellement plusieurs espèces de crocodiles.

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