Guinée-Bissau: le Fossé se Creuse entre L’Opposition et le Président Umaro Sissoco Embalo AprèS la Fin de Son Mandat

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Guinée-Bissau: le Fossé se Creuse entre L'Opposition et le Président Umaro Sissoco Embalo AprèS la Fin de Son Mandat
Guinée-Bissau: le Fossé se Creuse entre L'Opposition et le Président Umaro Sissoco Embalo AprèS la Fin de Son Mandat

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Guinee Bissau. La Guinée-Bissau traverse une phase sensible de son histoire politique, avec une polémique sur la date de fin du mandat de l’actuel président Umaro Sissoco Embalo, à un moment où le pays connaît des tensions croissantes sans date claire pour les prochaines élections présidentielles.

De son côté, le président Embalo vient d’annoncer, il y a quelques jours, que des élections législatives et présidentielles seront organisées dans le pays, le 30 novembre de l’année en cours, après une « rixe » politique avec l’opposition, qui l’accuse de chercher à prolonger son mandat.

Dans ce contexte, l’opposition affirme que le mandat du président Sissoko prend fin le 27 février 2025, tout en rappelant que son mandat présidentiel avait pris effet le 27 février 2020, ce qui est conforme à la constitution qui stipule que le mandat présidentiel dure 5 ans.

Il importe de rappeler que le président Embalo avait dissous le parlement guinéen (contrôlé par l’opposition) en décembre 2023, après des affrontements armés dans la capitale, Bissau, qui furent qualifiés comme étant une tentative de coup d’État militaire soutenue par certains partis politiques.

Le président avait promis, à l’époque, d’organiser des élections législatives fin 2024, mais il a ensuite annoncé qu’elles seraient reportées en raison de difficultés logistiques et financières.

Il importe de rappeler que depuis son indépendance du Portugal en 1974, la Guinée-Bissau a connu de nombreuses tensions politiques, aboutissant à 4 élections réussies et 11 coups d’État manqués.

• Controverse sur le timing

Alors que l’opposition a affirmé que le mandat du président se termine effectivement le 27 février, la Cour suprême de Guinée-Bissau a décidé, quant à elle, qu’il se terminerait le 4 septembre, seulement le Front populaire, parti d’opposition, a rejeté la date fixée par la Cour suprême.

Ce nouveau calendrier des élections a donc provoqué une vaste controverse politique entre l’opposition et le régime du président Embalo, mais celui-ci tient bon pour organiser les élections en novembre, affirmant que la Loi électorale stipule que « les élections ayant lieu au cours de la dernière année d’une législature ou d’un mandat présidentiel se tiendront entre le 23 octobre et le 25 novembre ».

Néanmoins, l’opposition exige sans discussion que le président démissionne et qu’un président de transition prendrait sa place afin que des élections puissent avoir lieu, mais Umaro Sissoko Embalo affirme que même si les élections seraient reportées, il ne remettrait le pouvoir qu’à celui que le peuple élira.

A noter qu’Embalo est arrivé au pouvoir lors des élections de 2020, au cours desquelles il avait remporté 54 % du total des voix, et le leader du « Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert », parti d’opposition, l’ancien Premier ministre Domingos Simoes Pereira (du 4 juillet 2014 au 20 août 2015), avait refusé de reconnaître les résultats.

• Quand l’opposition met en garde

Les conséquences d’une impasse politique en Guinée-Bissau

Dans son communiqué publié à l’occasion, le Front populaire a fait valoir qu’Embalo avait pris ses fonctions après avoir prêté serment constitutionnel le 27 février 2020, pour un mandat de cinq ans, mettant en garde contre le mépris continu du gouvernement envers les demandes de l’opposition de fixer une date pour les prochaines élections.

Après avoir déclaré qu’ils ne reconnaîtraient plus la légitimité du pouvoir à partir du 27 février 2025, les grands partis d’opposition ont appelé les citoyens à un mouvement de grève et de paralysie du pays.

Même si le pouvoir a réagi en déployant un imposant dispositif sécuritaire, dans un pays où les « bastonnades » ne sont pas rares, l’opposition s’est dite attendre de la CEDEAO « plus de fermeté à l’égard du président Embalo », tout en espérant imposer des élections législatives et présidentielles sous 90 jours, organisées avec la participation du Parlement tel qu’il était avant sa dissolution, soulignant également que: « De crise en crise, c’est toute la chaîne institutionnelle qui s’est grippée et beaucoup des structures de la vie démocratique qui ont été abîmées ces dernières années ».

Cependant, Embalo a annoncé dans des déclarations faites le jeudi 6 février, à l’issue d’une réunion du cabinet, que « même si mon mandat se termine le 27 février, comme le prétendent certains politiciens, la constitution me permet de rester au pouvoir jusqu’à l’investiture du nouveau président ».

Il a indiqué que la polémique sur la fin de son mandat est une « farce », insistant sur le fait que son mandat se termine en septembre 2025, tout en se basant sur l’idée qu’une date pour les élections n’a pas encore été officiellement fixée.

Toujours dans le même contexte, le ministre des Affaires étrangères Carlos Pinto Pereira a indiqué, le 28 janvier de cette année, que le gouvernement avait proposé d’organiser des élections générales entre le 23 septembre et le 10 octobre 2025, soulignant dans la même lignée que les élections législatives anticipées prévues pour le 24 novembre 2024 furent également reportées sine die, en raison de ce que l’on a appelé des « difficultés logistiques et financières ».

• Le recours à une mission de médiation conjointe de la CEDEAO et des Nations unies

Une mission de médiation conjointe de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest et des Nations unies, a été dépêchée à Bissau le 21 février 2025, avec comme objectif de parvenir à un accord politique sur une feuille de route pour la tenue d’élections législatives et présidentielles à une date convenue par toutes les parties, au cours de l’année en cours.

Selon un communiqué publié le samedi 1er mars, par ladite mission, ses membres ont rencontré tous les parties politiques, à commencer par le président Umaro Sissoco Embalo.

La mission a indiqué également que toutes les parties ont enregistré leur engagement à s’engager dans un dialogue politique visant à parvenir à un large consensus sur un plan d’organisation d’élections législatives et présidentielles au cours de l’année en cours, expliquant qu’elle a préparé un projet d’accord sur cette feuille de route et a commencé à le présenter aux parties pour approbation.

Il est certain qu’à l’approche des élections prochaines, si toutefois elles seraient tenues, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, garante du processus de stabilisation du pays, doit intervenir pour créer les conditions d’élections apaisées et crédibles. À cette fin, l’option de combiner les élections législatives et présidentielles à une date ultérieure convenue par toutes les parties prenantes pourrait être envisagée.

Par ailleurs, on doit rappeler que la CEDEAO est intervenue à trois reprises pour rétablir la sécurité et l’ordre en Guinée-Bissau, la plus récente fût en 2022, lorsqu’elle a déployé une force de stabilisation après l’échec du coup d’État contre le régime d’Umar Sissoco Embalo, lequel avait été précédemment président de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, de juillet 2022 à mi-2023.

• Echec de la mission conjointe

Certes, la mission a confirmé avoir quitté la Guinée-Bissau, tôt dans la matinée du samedi 1er mars, après les menaces du président bissau-guinéen Umaro Sissoco Embalo de l’expulser du pays, mais sans que le communiqué n’explique les raisons de cela, et sans parvenir à un accord sur la date de la tenue des élections législatives et présidentielles.

Son départ de la Bissau a coïncidé avec le retour du président Embalo d’une visite effectuée à Moscou, où il a rencontré le président Vladimir Poutine et discuté de la situation dans le pays et dans la région en général, selon la presse officielle du pays.

La mission a confirmé qu’elle soumettra son rapport au Président de la Commission de la CEDEAO concernant ses travaux à Bissau, et la feuille de route sur laquelle elle a travaillé, soulignant qu’elle a exhorté les parties en Guinée-Bissau à rester calmes et à maintenir la paix et la stabilité dans le pays.

Devant cette situation, l’opposition à Bissau a appelé à une paralysie complète de la vie du pays, après que le délai qu’elle avait fixé au président Sissoco Embalo pour quitter le pouvoir, soit le 27 février, comme dernier délai constitutionnel pour son maintien au pouvoir, date déjà dépassée.

A rappeler également qu’Embalo avait annoncé il y a une semaine que les élections présidentielles auraient lieu le 30 novembre, confirmant qu’il pourrait se présenter pour un second mandat présidentiel.

• Des turbulences politiques et populaires coïncidant avec la date inoubliable du 2 mars 2009

Les divergences en Guinée-Bissau entre l’opposition et le gouvernement, survenues après la fin du mandat du président Umaro Sissoco Embalo, qui coïncide à quelques jours prés de la commémoration de l’assassinat, le 2 mars 2009, du président de la Guinée-Bissau, João Bernardo Vieira, et de son chef d’Etat-major Batista Tagme Na Wai.

João Bernardo Vieira fût tué dans sa résidence officielle par des hommes armés, juste après un attentat à la bombe qui tua le chef d’Etat-major Batista. Des responsables militaires auraient revendiqué la responsabilité de la mort de Vieira.

Pour rappel, en novembre 1980, Vieira avait renversé le premier président du pays (Luis Cabral) lors d’un coup d’État qui lui permet de s’imposer comme président du pays de 1981 à 1984.

Puis, en 1994, il était devenu le « premier président élu de l’histoire de la Guinée-Bissau » après avoir remporté les élections. Il fût réélu en 1998 jusqu’à ce qu’il soit renversé par les rebelles en 1999 et se réfugia au Portugal.

En avril 2005, il se présenta à l’élection présidentielle depuis son exil malgré la décision de lui interdire toute activité politique, réussissant à se présenter comme candidat indépendant et remporta les élections.

Toutefois, Vieira n’en finissait pas avec les soucis, et en novembre 2008, il avait survécu à une tentative d’assassinat perpétrée par une dizaine de soldats, jusqu’au jour où il fût assassiné par des éléments révolutionnaires de l’armée, le 2 mars 2009, quelques heures après l’assassinat du chef d’Etat-major de l’armée, le général Tagme Na Wai, par les partisans de Na Wai.

Pour conclure, la position d’Embalo sur sa candidature aux élections reste ambiguë, sachant qu’il avait précédemment déclaré que « il ne briguerait pas un second mandat sur les conseils de sa femme », mais dans d’autres déclarations, il a confirmé que « « il était au service de son peuple et que si on lui demandait quelque chose, cela ne le dérangerait peut-être pas ».

Et ce lundi 3 mars 2025, une annonce vient de tomber, dans laquelle Umaro Sissoco Embalo a déclaré que « sans l’ombre d’aucun doute », il serait candidat fin novembre prochain à un second mandat, et qu’il entendait remporter la présidentielle dès le 1er tour.

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