Africa-Press – Guinée. Dans une double transaction croisée, les leaders ivoirien et panafricain de l’assurance consolident leurs périmètres – Mali, Togo, Congo, Gabon, Guinée – et veulent optimiser les capitaux déployés. L’analyse de Jeune Afrique.
NSIA et Sanlam réorganisent leurs portefeuilles. Par communiqués rendus publics ce 22 septembre, le groupe ivoirien, fondé et dirigé par Jean Kacou Diagou, et le géant panafricain piloté par Paul Hanratty ont annoncé une double cession-acquisition de plusieurs filiales.
Dans le détail, NSIA cède ses filiales vie et non-vie (assurance dommages/IARD) au Mali à Sanlam. Tandis que ce dernier rétrocède à NSIA deux filiales vie (au Togo et au Gabon) et deux sociétés d’assurances IARD (Guinée et Congo). Le montant des transactions n’est pas connu. Leur finalisation, qui reste soumise à l’approbation des autorités réglementaires, est espérée d’ici à la fin de décembre 2021, selon les informations de Jeune Afrique.
Synergies et simplification
NSIA est déjà présent sur les quatre marchés d’assurances – Gabon, Togo, Guinée, Congo – sur lesquels Sanlam cède des actifs. Mais le groupe ivoirien, qui souhaite renforcer ses offres de bancassurance, compte également des filiales bancaires dans deux d’entre eux (Togo et Guinée).
« Le groupe NSIA anticipe des synergies induites par ces acquisitions. Que ce soit sur l’aspect humain, organisationnel ou métier, l’intégration des nouvelles filiales est un levier important pour le développement de l’activité assurantielle », s’est félicité le groupe ivoirien.
Pour Sanlam, cette transaction prolonge la stratégie de « simplification » de son portefeuille, initiée suite à l’acquisition et à l’intégration au groupe sud-africain des actifs du marocain Saham.
« Il s’agit d’une restructuration des activités d’assurances, mais cela ne signifie pas qu’il n’y aura pas d’autres partenariats dans les pays concernés. Nous avons l’ambition d’être parmi les trois premiers dans tous nos métiers et dans tous les pays où nous sommes présents », explique-t-on du côté de Sanlam. Au cours des dix-huit derniers mois, le groupe sud-africain avait déjà cédé trois actifs africains – notamment une filiale au Kenya – qui lui ont « permis de lever près de 40 millions de dollars », selon une note aux investisseurs consultée par Jeune Afrique.
À la fin de 2018, le pôle assurances de NSIA (12 filiales vie et 8 filiales non-vie) représentait un chiffre d’affaires cumulé de 133 milliards de F CFA (203 millions d’euros). L’année précédant son rachat par Sanlam, les revenus de l’ex-Saham Finances atteignaient 1,23 milliard d’euros, réalisés pour près de 43% au Maroc.
Un niveau de revenus minimum est nécessaire
« Dans plusieurs cas, la transaction va permettre de renforcer les revenus, de sorte que chaque groupe – NSIA comme Sanlam – sortira renforcé là où il se trouve », décrypte un professionnel de l’investissement dans la finance africaine.
« Avec le niveau minimum de capital de 4,5 millions d’euros [3 milliards de F CFA] dans la zone Cima (Conférence interafricaine des marchés d’assurance), si l’on se fixe un rendement annuel de 15 %, il faut au moins dégager 675 000 euros de résultat net par an… En dessous d’un certain niveau de revenus, les activités ne sont pas rentables, ne serait-ce qu’en raison des coûts opérationnels qui sont importants », complète notre source.
Situées en deuxième partie du classement de la douzaine de sociétés d’assurances au Mali, les deux filiales de NSIA réalisaient chacune un chiffre d’affaires proche de 2 milliards de F CFA en 2017 (derniers chiffres disponibles). En reprenant la filiale non-vie de NSIA, Sanlam, leader sur ce segment avec plus de 10 milliards de F CFA de revenus en 2017, creusera encore plus l’écart avec le numéro deux du marché Les Assurances bleues – CNAR (5,3 milliards de F CFA à l’époque). À cette date, les revenus combinés des filiales vie de Sanlam et NSIA dépassaient légèrement ceux du leader de ce segment, la Société nouvelle d’assurances Vie (Sonavie).
De son côté, NSIA reprend une filiale vie togolaise de Sanlam aux faibles revenus (environ 500 millions de F CFA de primes émises en 2017), mais dont les capitaux ont été renforcés, avec des fonds propres nets passés de 852 millions à 2,6 milliards de F CFA entre 2018 et 2019. Le portefeuille d’actifs récupérés peut permettre au groupe ivoirien de réduire la distance avec le numéro deux sur ce segment Sunu Vie Togo – loin derrière le leader GTA Assurances Vie du marocain BCP – alors que le groupe de Pathé Dione s’est renforcé dans le pays et dans la zone Cima avec la reprise des filiales de l’allemand Allianz.
Il en va de même au Congo-Brazzaville, où NSIA, leader de l’assurance dommages, se trouvait à la traîne des Assurances générales du Congo sur le segment vie. En Guinée, marché en forte croissance, le groupe ivoirien peut renforcer son segment IARD après la séparation des branches vie et non-vie imposée par les autorités.
>>> À lire sur Jeune Afrique Business Plus : En Guinée, Dominique Diagou (NSIA) opère une restructuration et lance l’offensive dans la branche vie
À quelle vitesse vont croître les marchés de l’assurance dans ces pays ?
Avec la reprise de la filiale vie de Sanlam au Gabon, dont les revenus restaient marginaux au vu du marché (93 millions de F CFA en 2017, à peine 4 % de ceux de NSIA Vie Gabon), le groupe ivoirien met encore la main sur une entreprise dont les fonds propres nets ont triplé entre 2018 et 2019 pour atteindre 2,7 milliards de F CFA.
Il reste désormais à savoir à quelle vitesse vont croître non seulement les activités des différentes filiales reprises par NSIA et Sanlam, mais surtout celle des marchés de l’assurance dans les pays concernés.
À titre d’illustration, en 2017, le segment de l’assurance vie au Mali représentait à peine 8 milliards de F CFA selon les données compilées par la Fédération des sociétés d’assurances de droit national africaines (Fanaf). Au Gabon, il atteignait 21 milliards de F CFA, mais pour une population d’à peine deux millions d’habitants.
Au-delà des synergies espérées, de la digitalisation ou encore des offres croisées de bancassurance, la capacité des acteurs du marché (assureurs, régulateurs, gouvernements…) à encourager le développement de nouveaux produits et leur adoption par les populations et les entreprises sera déterminante pour l’ensemble du secteur.
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