Limiter la fonte de la calotte glaciaire du Groenland, c’est encore possible

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Limiter la fonte de la calotte glaciaire du Groenland, c’est encore possible
Limiter la fonte de la calotte glaciaire du Groenland, c’est encore possible

Africa-Press – Guinee Equatoriale. Point de bascule”, parfois appelé “point de non-retour” ou “tipping-point” : un terme plutôt effrayant désignant un seuil critique, qui, une fois franchi, entraîne le changement radical d’un système vers un état alternatif. Plusieurs points de bascule ont été identifiés en lien avec le changement climatique, de quoi nourrir l’écoanxiété d’une génération.

Notamment, on prévoit qu’au-delà d’une certaine température, la calotte glaciaire du Groenland se mettra à fondre encore plus rapidement, au point où celle-ci finira par disparaître totalement. Cela entraînerait une élévation du niveau de la mer allant jusqu’à sept mètres. Mais si la température s’élevait au-delà de ce point de non-retour, serait-il vraiment impossible de revenir en arrière ?

Un phénomène rapide à l’échelle des glaciers, mais lent à l’échelle humaine

“Même si l’on dépasse le point de bascule, cela ne veut pas dire que toute la glace fond instantanément, nous explique Nils Bochow, chercheur à l’Université Tromsø (Norvège) et auteur principal de l’étude, publiée dans la prestigieuse revue Nature. La calotte glaciaire pourrait disparaître plusieurs milliers d’années après que le seuil ai été franchi. Ce qui est extrêmement rapide à l’échelle de la calotte glaciaire, mais c’est beaucoup de temps à l’échelle humaine.”

Ainsi, les chercheurs se sont demandés s’il était possible d’inverser cette tendance une fois que le point de bascule aurait été dépassé. “Nous voulions savoir combien de temps et jusqu’à quelle température il serait possible d’aller avant de se diriger vers une perte totale de la calotte glaciaire”, indique Nils Bochow.

Pour y arriver, les chercheurs ont simulé l’évolution de la calotte glaciaire du Groenland à l’aide de deux modèles indépendants à la fine pointe de la technologie. Dans les simulations, la température augmentait jusqu’à 6,5°C au-dessus de la moyenne préindustrielle en 2100, puis redescendait graduellement vers 1,5°C selon différents intervalles de temps, allant de 100 à 10.000 ans. L’idée était de simuler différents scénarios où on n’arrivait pas à atteindre nos cibles de réchauffement climatique pour le 21e siècle, mais qu’on réussirait ensuite – plus ou moins rapidement – à faire diminuer la température mondiale à partir de 2100.

Théoriquement possible

L’étude a identifié que le point de bascule de la calotte glaciaire se trouve entre 1,7 et 2,3 °C au-dessus de la moyenne pré-industrielle. Après quoi, les glaciers entrent dans une boucle de rétroaction positive où la fonte s’accélère jusqu’à ce qu’ils disparaissent entièrement au cours des milliers d’années suivantes. Les résultats ont aussi montré qu’il est possible de dépasser temporairement ce seuil sans pour autant faire basculer le système vers une fonte complète de la calotte polaire.

“Cela indique que même si l’on n’arrive pas à maintenir le réchauffement climatique sous 1,5 à 2 °C dans les prochaines décennies et que même si l’on dépasse le seuil critique de la calotte polaire du Groenland, nous avons encore une chance d’agir”, souligne le chercheur norvégien. Cependant, c’est possible si, et seulement si, on réussit à ramener la température sous ce seuil dans les centaines d’années après le dépassement. Une condition difficile à respecter.

“Dans notre étude, nous avons présumé qu’on peut simplement réduire l’élévation de la température de 6,5°C à 1,5°C assez rapidement, raconte Nils Bochow. En pratique, ce n’est pas nécessairement réaliste ; on ne sait même pas si on aura la technologie pour le faire.” En effet, il faudrait faire d’énormes efforts, notamment en reforestation et en capture de carbone, pour atteindre une telle diminution de la température.

Puis, il faudrait le faire rapidement, soit en quelques siècles tout au plus. “Parce que les glaciers répondent lentement au réchauffement… mais aussi au refroidissement, précise le chercheur. Et plus on prend de temps avant de réduire les températures, plus le niveau de la mer s’élève”, précise le chercheur.

Un modèle mathématique, pas une boule de cristal

De façon simplifiée, un modèle de calotte glaciaire permet de simuler le comportement de celle-ci en fonction des paramètres qu’on lui impose. Ces modèles s’appuient sur des lois de la physique, sur des équations mathématiques étoffées et sont conçus et validés à l’aide d’énormes bases de données. Cela dit, le temps de calcul d’un modèle est ainsi décuplé avec sa complexité.”On ne pouvait pas utiliser un modèle qui intègre toutes les composantes du système Terre pour prédire l’évolution de la calotte glaciaire sur des dizaines de milliers d’années. Ce serait beaucoup trop long à calculer et trop cher à produire”, indique le chercheur.

L’étude est menée sur deux modèles différents – qui ont donné des résultats très similaires – afin de vérifier la plausibilité des scénarios. Tout de même, considérant que ceux-ci ne tiennent pas compte de plusieurs facteurs qui pourraient influencer le climat global, il vaut mieux prendre les résultats avec des pincettes. A noter que c’est le cas pour la plupart des études de modélisation qui étudient un phénomène à très grande échelle. “On sait que nos modèles sont représentatifs et qu’ils devraient bien prédire le futur, explique Nils Bochow. Mais bien sûr, plus on se projette loin dans l’avenir, plus il y a d’incertitudes.”

“Les autres éléments du système Terre réagissent plus vite”

Les auteurs de l’étude appuient sur le fait que leurs résultats ne signifient aucunement qu’on peut se permettre de relâcher nos efforts contre la lutte contre les changements climatiques. “Juste parce qu’on peut dépasser le seuil, ça ne veut pas dire qu’on devrait le faire !”, alerte Nils Bochow.

D’une part, parce que la fonte des glaciers engendre déjà des conséquences. Rappelons-nous que la disparition complète de la calotte glaciaire du Groenland ne se produirait pas avant plusieurs milliers d’années de dépassement du seuil critique. D’ici là, le niveau de la mer augmente quand même tant que la température augmente aussi. A un certain point, cela entraînera des conséquences dévastatrices sur les populations humaines côtières, et ce, même avant que la calotte glaciaire ait totalement fondu.

De plus, il existe d’autres points de basculement climatique, tels que le ralentissement de la circulation océanique et le dépérissement de la forêt Amazonienne. “Ces systèmes réagissent beaucoup plus vite que la calotte glaciaire”, ajoute Nils Bochow. En d’autres mots, ces systèmes basculeraient dans leur état alternatif plus rapidement après que leur seuil critique soit franchi, et ne laissent donc pas autant de jeu pour inverser la situation. “La calotte glaciaire du Groenland n’est qu’une partie du système climatique, conclut le chercheur. Il y aura de nombreuses autres conséquences liées au changement climatique d’origine humaine si nous n’agissons pas assez rapidement.”

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