Ikala Paingotra
Africa-Press – Madagascar. Andry Rajoelina a annoncé une intervention télévisée pour ce soir. Il aura certainement comme d’habitude quelques membres de son fan-club de journalistes, ceux et celles qui ne posent jamais de questions dérangeantes et qui se contentent de poser des questions dont la plupart ont été soufflées par les services de la Présidence. Au cas où ils chercheraient de l’inspiration, voici treize questions qui reflètent un journalisme sans solelakisme. Treize comme le chiffre fétiche de Rajoelina. Treize comme le nombre de places perdues au classement RSF. Treize comme le chiffre porte-malheur depuis le vendredi éponyme.
Pour expliquer son manque de performance dans les indicateurs internationaux, le régime actuel se défend en critiquant les méthodologies et les sources, au lieu d’avoir le courage et l’honnêteté admettre ses lacunes. On a vu la réaction du président Rajoelina au sujet des taux de pauvreté, et celle de la ministre Donna Volamiranty Mara concernant la chute de Madagascar au classement de Reporters sans frontières. Les dirigeants manquent-ils de lucidité sur la situation du pays, ou veulent-ils instaurer un système autocratique dans lequel seules les louanges du pouvoir sont autorisées?
Colisée, Stade Barea, Palais des louanges, lac Ivato: les projets de prestige se multiplient alors qu’ils n’ont aucun impact sur le bien-être de la population. Le werawera est-il devenu un principe de gouvernance à Madagascar?
Comment expliquer que Madagascar n’ait toujours pas été capable de mettre le Stade manara-penitra Barea aux normes du football international, des années après son inauguration en grandes pompes et malgré le budget faramineux qui y a été consacré?
Jusqu’à présent le gouvernement n’a pas été en mesure de concrétiser le contrat de gestion du téléphérique. Est-ce parce que le projet ne peut pas être rentable?
Le fameux CVO n’est plus au catalogue de Pharmalagasy, les pays africains qui ont effectué des tests (dont le Sénégal) ne lui ont découvert aucune propriété de guérison du Covid, et aucun pays vers lequel vous avez livré des échantillons n’a suivi par des commandes. L’idéologie panafricaniste qui vous a soutenu pendant quelques semaines vous a abandonné. Cinq ans après la pandémie, le CVO n’était-il pas finalement qu’un coup politique pour assurer la propagande de votre régime sur la scène internationale?
Vous avez imposé la construction du Colisée dans l’enceinte sacrée du Rova d’Antananarivo, car vous vouliez marquer ce lieu de votre empreinte, même si vous n’avez aucune légitimité tirée d’une quelconque filiation avec l’aristocratie malgache. Dans vos rêves les plus secrets, vous voyez-vous en monarque?
Votre accoutrement lors des funérailles du Pape François a enfreint les règles du protocole qui avaient pourtant été partagées d’avance par le Vatican. Était-ce une volonté délibérée de votre part de vous faire remarquer, ou bien vous n’étiez pas au courant de ces règles protocolaires?
Quel leadership Madagascar peut-elle mener dans la COI quand les îles Maurice et Seychellois figurent dans le top africain en matière de démocratie, d’État de Droit et de développement, alors que Madagascar est systématiquement dans le peloton de queue?
Seize ans après l’inauguration de la Place de la démocratie, aucun classement international ne place Madagascar parmi les pays démocratiques, et les atteintes flagrantes aux libertés fondamentales et à l’État de Droit se multiplient. Pour reprendre le titre d’un livre du fameux caricaturiste Pov, n’êtes-vous qu’un démocrate de façade?
On voit de plus en plus vos fils être associés à des événements publics de la République de Madagascar. Ont-ils une fonction officielle, et qui paie leurs déplacements quand vous les intégrez dans des voyages officiels?
Durant la Transition 2009-2013, vous avez à plusieurs reprises tenu des propos dénigrants et méprisants envers la SADC. En 2025 vous vous apprêtez à prendre la tête de sa Troïka. Avez-vous changé d’avis sur la SADC?
Vous êtes très fier de votre élection comme leader politique africain de l’année à la suite d’un vote des lecteurs d’un magazine africain de seconde zone. Quel montant vous a-t-on demandé de payer pour « officiellement » contribuer à l’organisation de la cérémonie de remise de l’award?
Quel est le véritable rôle de M. Ravatomanga dans la configuration du pouvoir actuel?
Et peut-être une question subsidiaire: seize ans après votre déclaration sur France 24, pensez-vous sincèrement que vous n’êtes pas « plus nul que le président Ravalomanana? »
Dans le meilleur des cas, pour faire semblant d’être un pratiquant de la liberté d’expression, Rajoelina autorisera son fan-club de journalistes à poser quelques-unes de ces questions, après avoir préparé les réponses. Dans le pire, auquel on s’attend, lui et son équipe se contenteront d’accroître le compteur de vues.
Source: Madagascar-Tribune.com
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