Africa-Press – Mali. Les bousculades, la circulation dense et les embouteillages des moyens de transports publics et privés dans les rues de la capitale du Mali, Bamako, ont permis l’émergence d’un nouveau type de transport devenu de plus en plus, ces dernières années, une mode assez contemporaine, que ce soit pour l’homme comme pour la femme, pour rejoindre le lieu de travail en ville, d’atteindre à temps l’université, pour les étudiant(e)s, ou encore pour se balader lorsqu’on a le temps.
Il faut d’abord reconnaître que depuis deux décennies, il a été constaté une forte évolution de la mobilité individuelle. En effet, la mobilité urbaine englobe l’ensemble des mesures qui inclut l’accessibilité garantie, la mobilité durable, la réalisation, le maintien et l’adaptation des réseaux de transports aux modes de déplacements de la population, et en particulier des jeunes générations.
Personne ne peut contester l’agrandissement de Bamako, dont la superficie a atteint, sinon dépassé, les 300 km². Elle compte aujourd’hui plus de 75 quartiers repartis entre six communes dépassant largement les deux millions d’habitants. Plusieurs phénomènes sont à l’origine de ces questions de mobilité, notamment la pression démographique, la défaillance en matière de transport bien structuré et l’urbanisation horizontale de la ville de Bamako.
Le développement de ces nouveaux modes de transport à Bamako est la réponse à un manque de politique de transport collectif et de l’étalement incontrôlé de la ville.
C’est pour cette raison, que la croissance urbaine a favorisé la multiplication des « motos Jakarta » et des « motos taxis » à travers la ville. Les deux moyens de transport dans la ville de Bamako ont commencé à intégrer les habitudes de déplacements au cours des deux dernières décennies, ayant donné naissance, depuis 2006, aux ‘Taxinis’ : il s’agit en fait des motos taxis.

Elles sont facilement reconnaissables à leurs couleurs bleues et leurs porte-bagages. Les motos taxis transportent de 5 à 12 passagers. Face à la croissance de la population et de la capitale, l’intervention publique fait défaut en matière de déplacement de la population dans les périphéries.
Malgré le monopole des hommes sur les motos dans un grand nombre de pays dans le monde, la situation à Bamako est tout à fait différente. A partir de 14 ans, les jeunes adoptent comme mode de transport idéal dans une ville congestionnée, les deux roues, migrant du vélo vers la moto, avec comme argument « les motos sont beaucoup moins chères que les voitures particulières, et beaucoup mieux que les bus ».
Quant aux femmes, du fait qu’il s’agit d’un élément essentiel dans leur vie, elles l’utilisent dans leurs tâches quotidiennes comme aller à l’université, au travail, et pour vaquer à tous leurs besoins et leurs célébrations.
La femme et son amour pour la moto

Contrairement aux hommes, les femmes de « Bamako » n’adhèrent pas à un code vestimentaire spécifique lorsque l’une d’entre elles fait de la moto ; elles portent des robes ou encore leurs vêtements traditionnels selon leur humeur du jour ou leur désir, et elles se désintéressent complètement des commentaires de la société qui s’y est habituée depuis des décennies.
Néanmoins, certaines d’entre-elles, en particulier les filles, se sentent parfois obligées de renoncer à porter ce qu’elles aiment, comme l’explique l’une d’elles (une étudiante en droit âgée de 21 ans) : « dans les embouteillages, j’ai juste peur de porter des robes ».
Selon elle, qui ne possède pas de moto, mais qui ne renonce pas à l’indépendance des « motos », il lui arrive très souvent d’emprunter donc à ses frères et sœurs leurs motos pendant qu’elle allait pour régler ses affaires.
Il n’y a pas de maison à Bamako sans motos, dit-on !
Sur les bords des routes, sur les ponts ou devant les maisons, il existe de nombreux types de motos, mais le plus évident, c’est que les filles préfèrent se procurer les scooters chinois appelés Jakarta, qui sont populaires dans leur pays depuis le début du nouveau millénaire. Ce type de moto est très apprécié des femmes, parce qu’hormis ses formes et ses couleurs, il complète l’harmonie de leurs vêtements.
Jakarta, la moto la plus célèbre du Mali

Sachez que la vie n’est pas toujours en roses pour les femmes au Mali, dont beaucoup utilisent des scooters à d’autres fins que le transport et le divertissement. C’est également une opportunité pour elles pour en faire leur gagne-pain quotidien, et tenter de trouver une source de subsistance à la lumière du déclin économique du pays.
Pour nourrir leur famille en usant de moto, filles ou femmes sortent chaque matin de chez-elles, avec un certain nombre de produits, pour chercher des clients sur les routes, et à l’intérieur des marchés, à qui elles proposent leurs produits.
Transporter des gens sur sa moto
Nécessité oblige, et en raison de leur incapacité à obtenir des magasins ou des places sur les marchés, ils et elles passent de longues heures à se déplacer et à errer jusqu’à réussir à vendre leur artisanat ou leurs produits agricoles et alimentaires.
Certaines femmes, incapables d’avoir des produits à vendre, adhèrent à une application spéciale pour transporter de simples citoyens ou même des touristes d’un endroit à un autre, sur leur moto, comme meilleur moyen de transport pour se faufiler au milieu de la foule à travers les artères de la ville.
L’infrastructure faisant défaut à Bamako, la prévalence des scooters dans la capitale malienne ne signifie pas qu’ils sont plus sûrs, et ce, en raison du manque de routes goudronnées, du non-respect du code de la route, de la propagation des animaux parfois dans les rues, ainsi que le non-port de casques, ce qui place les filles surtout dans un espace dangereux, car le pourcentage de victimes d’accidents de la route qui ont moins de 25 ans a atteint les 60% du nombre de décès, selon le ministère des Transports malien.
La structure urbaine de Bamako est mono-centrique, ce qui génère une forte proportion de déplacements quotidiens, car les habitants des quartiers résidentiels situés à la périphérie se déplacent le matin vers le centre-ville où se trouvent la plupart des emplois et des services urbains.
Le soir, les flux se font à l’inverse. Le fleuve agit en tant que barrière naturelle et obstacle physique pour la ville, ce qui exacerbe la situation, du fait qu’il n’y a que trois ponts pour relier les deux rives et que les infrastructures routières atteignent rapidement leur capacité maximale. Les ponts sont de véritables goulots d’étranglement. La congestion gagne ensuite progressivement les rues principales de la ville.
Mais malgré cela, ce sentiment de liberté et d’autonomie anime l’attachement des femmes de Bamako à la moto. Les difficultés et les accidents, ainsi que le harcèlement qu’elles rencontrent parfois sur les routes de la part des hommes, ne les empêchent pas d’exercer un loisir et un métier devenus un élément indispensable de leur vie quotidienne, « qu’il s’agisse des femmes de la ville ou de villageoises ».
Pour l’anecdote, elles tentent de joindre l’utile à l’agréable, lorsqu’elles vont au marché principal de la ville, pour peindre leurs scooters de couleurs vives, et mettre des graphismes joyeux sur les pièces de la moto pour correspondre à leurs vêtements.
Anouar CHENNOUFI
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