Africa-Press – Mali. D’après des informations dignes de foi publiées par divers médias, il semble que des unités des forces relevant du groupe paramilitaire russe « Wagner », ont été rappelées pour prendre part aux combats menés par la Russie en Ukraine depuis quelques jours, précisément depuis le 24 février dernier.
Rappelons que ces unités militaires, constituées de formateurs en sécurité militaire et en grande partie de mercenaires, sont stationnées dans un certain nombre de pays africains comme le Mali, la Centrafrique, et la Libye.
Ceci a soulevé plusieurs spéculations sur l’ampleur de l’impact de la guerre russo-ukrainienne sur le rôle et la mission du groupe « Wagner » sur le continent africain, d’autant plus que cette guerre jette une ombre bien sûr à plus d’un niveau, notamment sur le plan économique, politique et militaire, au milieu des craintes africaines croissantes quant aux possibilités de transformer l’Afrique en une arène d’affrontement et un vaste champ pour la nouvelle guerre froide entre la Russie et l’Occident, au cours de la prochaine étape.
Un retrait partiel et temporaire
Pour mieux comprendre ce stratagème, il faut d’abord savoir que le groupe privé russe « Wagner » a acquis une importance particulière sur la scène africaine ces dernières années, ce qui découle du fait qu’il s’agit d’un outil important que Moscou utilise avec distinction pour mettre en œuvre ses politiques en Afrique, ce qui se traduit par le renforcement de son influence croissante et la maximisation de ses intérêts stratégiques sur le continent.
Ce statut le qualifie pour équilibrer les rôles internationaux dans cette vaste partie du globe et limiter ses mouvements, notamment l’influence française, européenne et américaine, pour tenter de dominer certains dossiers importants comme le dossier du terrorisme, de l’immigration clandestine et des réfugiés, avec lesquels Moscou peut marchander avec l’Occident, et ce à la lumière des tensions persistantes entre eux depuis la dernière décennie.
Wagner bénéficie également d’un très bon accueil africain au niveau officiel et populaire dans certains pays africains comme le Mali, la Centrafrique et le Burkina Faso, notamment à la lumière de l’échec européen, particulièrement français, face aux organisations terroristes ayant infesté le Sahel africain ainsi que l’Afrique de l’Ouest, qui s’est traduite par la demande d’expulsion des forces françaises, et l’utilisation de l’appui russe pour faire face au terrorisme, et aux manifestations populaires qui ont eu lieu dans certains pays du Sahel au cours des trois dernières années, comme au Burkina Faso et au Mali, et en Centrafrique contre les forces occidentales, ainsi que le net rapprochement entre Moscou et certaines des élites militaires qui ont réussi à prendre le pouvoir dans la région du Sahel au cours des deux dernières années, qui ont fait craindre à l’international une croissance notable du rôle de la Russie au détriment des intérêts occidentaux en Afrique.
Sachez surtout que le groupe Wagner est très bien organisé, du fait qu’il est présent dans de nombreux pays africains, avec des bureaux implantés dans 23 d’entre eux.
Ses forces sont plus impliquées dans certaines zones de conflit, puisqu’on estime qu’environ 2.000 éléments wagnériens se sont déployés en Centrafrique depuis 2018, tandis que 800 membres sont actuellement déployés au Mali dans les régions de Sikasso et Mopti au centre du pays et à Tombouctou, dans le nord, selon un accord de sécurité établi entre les deux parties, selon lequel environ 1.000 hommes sont déployés dans le pays, ce qui renforce le rôle de « Wagner » sur le continent africain, avec comme objectif principal « servir l’influence russe dans les stratégies régions d’Afrique telles que le Sahel et l’Afrique de l’Ouest », d’autant plus qu’elles possèdent de nombreuses richesses et ressources naturelles pour lesquelles toutes les puissances internationales se bousculent.
Avec le déclenchement de l’opération militaire russe en Ukraine le 24 février 2022, de nombreux rapports ont indiqué que Moscou a retiré un important effectif de soldats wagnériens d’Afrique pour les impliquer dans l’opération militaire en Ukraine ; certains d’entre eux ayant même entamé le processus d’évacuation depuis janvier dernier (2022), dont le trafic aérien russe qui a été constaté entre l’aéroport de Mopti dans le centre du Mali et l’aéroport de la capitale malienne, Bamako, au cours de la période récente.
La confirmation est venue du magazine britannique « The Times », qui a rapporté le 28 février que des éléments de « Wagner » se sont retirés des pays du Centrafrique et du Mali en direction de l’Ukraine, ce qui peut inciter certains à prédire un déclin du rôle russe en Afrique au cours de la période à venir.

Il semble même que Wagner, considéré comme étant l’armée de l’ombre de Poutine, a dépêché 400 mercenaires en Ukraine pour assassiner le président Ukrainien, Volodymir Zelenski (selon le magazine britannique The Times).
Vote d’une résolution contre la Russie aux Nations Unies
Coïncidant avec cette démarche russe, les attitudes africaines à l’égard de la crise russo-ukrainienne aux Nations Unies ont oscillé entre condamnation et silence prudent. D’autres ont voté en faveur de la même résolution, comme le Soudan, le Soudan du Sud, le Mozambique, la Tanzanie, Madagascar, la Namibie, l’Ouganda et le Zimbabwe, qui révèle à quel point les intérêts économiques et sécuritaires sont imbriqués entre Moscou et certains pays africains grâce aux manœuvres russes ces dernières années, ce qui inquiète davantage les puissances internationales actives sur le continent telles que les États-Unis et La France à la lumière de la montée en puissance de la Russie sur la scène africaine, qui s’est manifestée de manière si éclatante lors du récent vote aux Nations Unies.
Il importe de noter que dès le déclenchement de la guerre russo-ukrainienne, la plupart des pays européens et les États-Unis ont commencé à imposer davantage de sanctions à la Russie dans le but de la contraindre à mettre fin à l’opération militaire en Ukraine.
Alors que Moscou utilisait au début de la guerre des éléments des forces « Wagner » qui ont été retirées partiellement et temporairement de certains pays africains où elles étaient stationnées, les observateurs pensaient que cela pourrait être le début du feuilleton d’une série de retraits russes de l’arène africaine, une déduction qui pourrait être erronée et même prématurée pour prédire, à la lumière du manque de clarté, la vision concernant la fin de la guerre russo-ukrainienne et ses conséquences pour le système mondial, y compris l’équation de la concurrence internationale pour l’Afrique au cours de la période à venir.
En somme, le retrait partiel et temporaire de certaines forces de « Wagner » de certains pays africains pour s’impliquer dans la guerre russo-ukrainienne, ne peut exprimer les signes d’un éventuel retrait russe du continent africain. Au contraire, on peut dire que les interactions internationales avec cette guerre et ses éventuelles répercussions suggèrent que Moscou continue de s’appuyer sur le groupe russe « Wagner » et progresser vers l’élargissement de son rôle et le renforcement de son influence en Afrique.
D’autre-part, l’affrontement russo-occidental risque d’éclater dans l’arène de l’influence africaine, et Moscou cherche à réduire les dégâts de l’isolement international qui lui est imposé à travers le portail de l’Afrique.
Aussi, la dépendance des élites dirigeantes africaines vis-à-vis de « Wagner » augmentera régulièrement avec le recul français et américain face à l’escalade des menaces sécuritaires et des dangers des organisations terroristes sur ce continent.
En outre, les répercussions de la guerre économique russo-ukrainienne sur l’Afrique en particulier pourraient accroître le besoin de certains régimes africains en place des services des forces de « Wagner », pour faire face à d’éventuelles tensions et troubles populaires en raison de la détérioration des conditions économiques et vitales de nombre de segments de citoyens africains dans le proche avenir.
Anouar CHENNOUFI
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