La Chine confirme son ambition d’aller sur la Lune avant fin 2023

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La Chine confirme son ambition d’aller sur la Lune avant fin 2023
La Chine confirme son ambition d’aller sur la Lune avant fin 2023

Africa-Press – Mali. La course à la Lune entre les États-Unis et la Chine est bien lancée. Les premiers ont amorcé leur retour sur la Lune avec le programme Artemis tandis que la seconde, plus discrète sur ses ambitions, suit son calendrier. Lors du lancement de Shenzhou 16, le directeur-adjoint de l’Agence spatiale chinoise a confirmé les ambitions de son pays et son objectif d’arriver sur la Lune avant la fin de cette décennie.

Hier, avec Shenzhou 16, la Chine a envoyé trois nouveaux taïkonautes, dont un civil — ce qui est une première –, à bord de sa station spatiale. La mission a décollé à bord d’une fusée CZ-2F à 09 h 31 heure locale (01 h 31 GMT) du centre de lancement de Jiuquan.

Si la présence de ce civil est à souligner, ce qui a retenu le plus notre attention est la conférence de presse d’avant lancement qui s’est tenue à Jiuquan, quelques heures avant le décollage de Shenzhou 16. En effet, au cours de cette conférence, le directeur-adjoint de l’Agence spatiale chinoise (CMSA) a fait plusieurs déclarations dont une qui a réaffirmé la volonté de la Chine de débarquer sur la Lune avant la fin de la décennie 2020, confirmant la conversation que nous avions eue avec Philippe Coué, le spécialiste français de la Chine spatiale (lire son interview ci-dessous).

Mise en chantier du programme habité lunaire

Lors de cette conférence, Lin Xiqiang a indiqué que les développements de tous les matériels lunaires avaient été lancés. Parmi les programmes en cours, on citera le futur lanceur CZ-10, alias CZ-5DY, dont le premier vol est prévu en 2027, un nouveau véhicule de transport spatial habité, un atterrisseur lunaire ainsi que tous les équipements pour séjourner en sécurité sur la Lune. On comprend aussi que la Chine s’apprête à amorcer d’autres programmes liés à l’acquisition de technologies pour jeter les bases de l’exploration et du développement de l’espace cislunaire ainsi que celle de l’installation de la future station internationale de recherche lunaire (ILRS) qu’elle prévoit d’implanter au pôle Sud.

L’agence spatiale chinoise a également annoncé un appel à projets pour un rover lunaire commercial dont elle serait l’utilisatrice vraisemblablement exclusive. On a aussi appris l’inauguration récente d’installations simulant des environnements lunaires destinées à faciliter les préparatifs en vue d’une future exploration de la Lune.

Concernant le scénario de cette première mission habitée sur la Lune, il correspond toujours à celui que nous évoquions avec Philippe Coué, à savoir une mission de type Apollo avec un équipage de trois taïkonautes, dont deux séjourneront sur la Lune pendant plus ou moins six heures.

Note

Philippe Coué est auteur de nombreux ouvrages sur le programme spatial chinois. Le dernier en date, Palais céleste, est consacré à l’entrée en service de la station spatiale chinoise Tiangong-3. Ce livre constitue le troisième volet d’une trilogie consacrée au programme spatial habité chinois, les deux autres étant Shenzhou et Jing et Chen. Édité en français et en anglais, il fait l’objet d’une présentation sur www.palais-celeste.eu en français et sur www.tiangong.eu en anglais.

On sait quand les Chinois débarqueront sur la Lune !

La Chine, qui a l’ambition d’établir une présence permanente sur la Lune, a officiellement annoncé qu’elle enverra un équipage de trois taïkonautes autour de la Lune en 2029 et que deux d’entre eux y débarqueront. Philippe Coué, le spécialiste français de la Chine spatiale, répond à nos questions. Il nous explique pourquoi cette déclaration est tout à fait crédible et résume le scénario de cette première mission habitée lunaire.

L’Agence spatiale chinoise vient d’annoncer qu’elle prévoit de faire atterrir deux taikonautes sur la Lune en 2029, très vraisemblablement pour célébrer le 80e anniversaire de la République populaire de Chine. Pékin, qui auparavant s’était fixé l’objectif d’envoyer ses astronautes sur la Lune avant 2030, est suffisamment confiant sur les avancées et le rythme de développement de son programme lunaire pour l’annoncer officiellement.

En parallèle, la Chine poursuit le développement de sa station internationale de recherche lunaire (ILRS). Cette station automatique, dont le premier module pourrait être mis en service en 2028 (Chang’e 8), devrait être achevée à l’horizon 2035. C’est à partir de ce petit complexe automatique que la Chine prévoit de construire une base lunaire habitée.

La parole est donnée à Philippe Coué, le spécialiste français de la Chine spatiale et auteur de nombreux ouvrages sur cette thématique et celle du vol habité. Qui veut comprendre les raisons pour lesquelles l’Europe doit maintenant devenir autonome en matière de vol habité spatial peut lire « Le vol spatial habité, un choix structurant pour l’Europe ».

Futura : Que vous inspire cette déclaration ? Vous semble-t-elle crédible ? La Chine peut-elle envoyer un équipage de deux taïkonautes sur la Lune dès 2029 ?

Philippe Coué : Oui, cela me paraît tout à fait crédible. Je pense que cette date n’a pas été choisie au hasard. L’année 2029 correspondra au 80e anniversaire de la République populaire de Chine.

Futura : Cette déclaration intervient alors que les relations diplomatiques entre la Chine et les États-Unis sont très tendues ? Faut-il y voir un lien de cause à effet ?

Philippe Coué : Non, je ne pense pas. La Chine a son propre agenda. Ce programme habité lunaire est en préparation depuis le début de la décennie 2000. Il a été amorcé en 2010 avec les premiers développements.

Futura : Les retards du programme Artemis poussent-ils la Chine à accélérer son programme lunaire pour arriver sur la Lune avant les États-Unis ?

Philippe Coué : Non, pas du tout et cela rejoint ma réponse précédente. La Chine est certes en « compétition » avec les États-Unis mais je ne la vois pas se précipiter. Elle suit sa feuille de route et ne souhaite pas sauter les étapes, s’exposer à des risques. Elle ira sur la Lune, quand elle sera prête. Cela dit, le fait que l’Agence spatiale chinoise fixe clairement l’objectif d’atterrir sur la Lune en 2029, les fait sortir du bois en quelque sorte.

Futura : Le grand public ne peut évidemment pas s’empêcher de penser qu’une course à l’Homme sur la Lune est engagée entre la Chine et les États-Unis. Je pense que les États-Unis peuvent sérieusement envisager Artemis 3 pour 2028. Quel est votre avis ?

Philippe Coué : Les deux puissances spatiales pourraient arriver sur la Lune avec seulement quelques mois d’écart ! Mais qui seront les premiers ? Difficile de répondre à cette question.

Futura : Le développement du lanceur, du véhicule habité et aussi de l’atterrisseur lunaire est-il suffisamment avancé pour que la Chine soit prête en 2029 ?

Philippe Coué : Oui, tout devrait être prêt. Le lanceur CZ-10, alias CZ-5DY, doit voler en 2024-2025. Donc l’objectif de 2029 me semble atteignable. Il faut savoir qu’avec ses missions robotiques Chang’e, la Chine a appris à naviguer autour et sur la Lune, à se poser et en repartir. Son atterrisseur pour les missions habitées, dont une maquette a été présentée il y a quelques jours, s’appuie sur la même technologie que les atterrisseurs des missions Chang’e. Après une première démonstration très réussie de Chang’e 5, la Chine prévoit une nouvelle fois de décoller depuis la Lune lors de la mission de retour d’échantillons du pôle Sud Chang’e 6.

Futura : Pouvez-vous décrire le scénario de cette première mission habitée sur la Lune ? Similaire à Apollo ou inédite ?

Philippe Coué : Similaire aux missions Apollo. Sauf que le rendez-vous entre le vaisseau de transport de nouvelle génération et le module lunaire se fera autour de la Lune et non pas à proximité de la Terre comme cela était le cas avec les véhicules Apollo. Autre différence majeure, l’ensemble du module lunaire remontera de la surface de la Lune.

Pour réaliser cette mission, deux lanceurs CZ-10 seront nécessaires. Un pour lancer l’équipage à bord du vaisseau de transport et le second pour lancer l’atterrisseur lunaire. Le CZ-10 est limité à quelque 25 tonnes en orbite de transfert lunaire (70 tonnes en LEO), ce qui explique ce scénario à deux lanceurs.

Initialement, la Chine prévoyait d’utiliser un seul lanceur – CZ-9 – avec une capacité d’emport de plus de 100 tonnes en LEO et 50 tonnes en transfert lunaire, ce qui permettrait de lancer ensemble un vaisseau de transport et un atterrisseur lunaire de plus gros gabarit que celui prévu en 2029.

Ce lanceur CZ-9 en développement depuis le début des années 2010 a pris un peu de retard pour être prêt en 2029.

“La Chine signera une performance technologique remarquable pour un pays dont les importations et les transferts technologiques étrangers sont fortement limités, en particulier, par les règles ITAR.”

Futura : La Chine prévoit toujours un équipage de quatre taïkonautes pour cette première mission habitée ? Une femme chinoise sur la Lune ?

Philippe Coué : Non. On passe de quatre à trois taïkonautes. Un « puni » (celui qui reste en orbite) et deux « chanceux » (ceux qui marcheront sur la Lune) ! Il me plaît de penser que cet équipage sera très vraisemblablement constitué d’au moins une femme, et pourquoi ne marcherait-t-elle sur la Lune…

Futura : En conclusion, avec cette mission habitée, la Chine pourrait afficher une « vraie » première et signer la fin de son rattrapage technologique ?

Philippe Coué : Oui, bien que dans plusieurs domaines spatiaux la Chine ne court plus derrière personne. Première ou pas, quoi qu’il en soit la Chine signera une performance technologique remarquable pour un pays dont les importations et les transferts technologiques étrangers sont fortement limités, en particulier, par les règles ITAR (International Traffic in Arms Regulations). En conclusion, je rappellerai qu’en octobre 2003, Yang Liwei est devenu le premier taïkonaute à aller dans l’espace lors de la mission Shenzhou 5. Moins de trois décennies plus tard, la Chine se prépare à envoyer deux de ses astronautes à marcher sur la Lune…

Des Chinois sur la Lune avant 2040

vec cinq missions habitées, parfois de plusieurs jours et la maîtrise du rendez-vous spatial, la Chine a tous les atouts pour s’aventurer au-delà de l’orbite terrestre. En 2036, elle pourrait devenir le deuxième pays à envoyer des Hommes sur la Lune.

Aux États-Unis, les yeux sont tournés vers le système martien. Mais en Chine, l’objectif principal est très vraisemblablement le retour de l’Homme sur la Lune et son installation dans des bases permanentes. Officiel depuis 2011, ce projet lunaire habité pourrait se concrétiser avant la fin de la décennie 2030.

Après l’atterrissage de Chang’e 3 et en attendant un retour d’échantillons lunaires puis une mission sur la face cachée de la Lune (en 2018), « la Chine veut envoyer des astronautes sur la Lune en 2036 », vient de déclarer le lieutenant-général Zhang Yulin, haut responsable du programme des vols habités chinois. Mieux encore, « l’avenir du programme spatial habité de la Chine n’est pas l’alunissage, ce qui est assez simple, ou un programme de vol habité vers Mars, qui reste difficile actuellement, mais l’exploration continue de l’espace Terre-Lune avec un développement constant des technologies », tient-il à préciser. C’est aussi la traduction concrète des objectifs du président chinois Xi Jinping, qui veut faire de son pays une puissance spatiale innovante et non plus en phase de rattrapage derrière les agences spatiales américaine, européenne et russe.

Après un rattrapage de technologie, place à l’innovation spatiale

Pour Philippe Coué, spécialiste du programme spatial chinois, « cette annonce est tout à fait crédible car la Chine prévoit les premiers essais de la CZ-9 vers 2025 ». En effet, pour s’installer durablement dans l’espace et envoyer le nécessaire pour vivre et travailler sur la Lune ou dans la région Terre-Lune, la Chine devra disposer d’un lanceur suffisamment lourd, du type de la Saturn V des missions Apollo. Ce sera la Longue Marche 9 (CZ-9) dont la configuration est très proche du lanceur SLS de la Nasa. D’une hauteur de cent mètres, ce lanceur serait doté d’un corps central et de quatre propulseurs d’appoint. Capable d’injecter 130 tonnes en orbite basse, ce futur lanceur autoriserait la dépose d’un module lunaire habité pour des opérations en surface.

Pour en savoir plus sur le programme spatial de la Chine, on peut lire Shenzhou, les Chinois dans l’espace, de Philippe Coué (éditions L’Esprit du temps), spécialiste français du sujet et chargé de mission à la direction du programme études générales et espace de Dassault Aviation, et déjà auteur d’un premier ouvrage sur les vols chinois habités il y a onze ans. De la genèse de la station spatiale chinoise à la conquête de la Lune, sans oublier le mystérieux Shuguang qui préfigurera Shenzhou, l’ouvrage détaille les grandes étapes de l’histoire du programme spatial habité de la Chine.

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