Le Nord du Mali : une Situation Complexe près de la Frontière Algérienne

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Le Nord du Mali : une Situation Complexe près de la Frontière Algérienne
Le Nord du Mali : une Situation Complexe près de la Frontière Algérienne

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Mali. Le village de Tin Zaouatine, situé au nord du Mali, près de la frontière avec l’Algérie, a été ciblé par des frappes aériennes de drones qui auraient tué de nombreuses personnes, au cours de la journée du dimanche 25 août 2024.

Selon les informations relayées par diverses parties à ce sujet, il semble que cette attaque soit la plus violente et la plus meurtrière, et ce, depuis l’effondrement de l’accord de paix entre la junte militaire au pouvoir et les groupes armés soutenant l’indépendance du nord du Mali.

Son annonce a été divulguée dans un communiqué rendu public par la coalition « Cadre stratégique pour la défense du peuple de l’Azawad », l’un des groupes dirigés par les Touareg qui luttent pour l’indépendance de cette région, et signé par son porte-parole, Mohamed Elmaouloud Ramadan, qui a indiqué que: « Le bilan provisoire de ces frappes criminelles s’élève à 21 morts, en plus de dizaines de blessés ».

Dans le même contexte, l’armée malienne a indiqué à son tour que: « L’état-major général des forces armées a confirmé que des frappes aériennes ont été lancées par des drones contre le village de Tin Zaouatine, et que ces frappes précises visaient des bastions terroristes, expliquant que les drones ont mené des raids nocturnes à partir du Burkina Faso ».

• Les circonstances de ces attaques

Il importe de noter que ces attaques sont survenues quelques semaines après que l’armée malienne et les paramilitaires, relevant de la société privée russe « Wagner », furent vaincus par des Touaregs et des éléments du « Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM) », lié à l’organisation d’Al-Qaïda.

S’exprimant à cet égard, l’un des chercheurs du « Policy Center for the New South (PCNS) », a laissé entendre que l’armée malienne et les mercenaires russes manquent d’une forte présence sur le terrain dans la région de Kidal, faisant de l’utilisation de drones le seul moyen efficace dont ils disposent pour pouvoir faire face aux groupes armés de la région. Le PCNS a ajouté que la fréquence des frappes aériennes devrait augmenter, « susceptibles de cibler des civils » en guise de vengeance après la défaite majeure subie par les mercenaires de Wagner dans le nord du Mali.

• Le recours aux Drones constitue un « changement de paradigme » dans la guerre

Dans la région du nord-Mali, les observateurs affirment que les combats qui se sont déroulés entre l’armée nationale et les groupes de rebelles ont vu un « changement qualitatif » dans l’utilisation des stratégies combattives, en se basant précisément sur les drones, après des mois de combats au sol entre les deux camps.

Pour eux, les raids meurtriers à l’aide de ce nouveau type d’avion sans pilote qui continuent de se dérouler depuis un certain temps à Tin Zaouatine, représentent une évolution remarquable sur le terrain, puisque les opérations militaires se limitaient auparavant à des incursions terrestres de l’armée, appuyée par des éléments du groupe privé russe « Wagner », en vue de contrôler le terrain.

Stratégiquement, les experts du domaine assurent que les drones sont récemment devenus une arme multitâche efficace, et les pays et les groupes armés ont cherché à s’en procurer, en raison de leur importance pour diriger des frappes douloureuses contre l’ennemi, et surtout à faible coût.

C’est ainsi que l’on considère que les drones ont réduit de nombreuses variables dans les guerres, telles que les coûts humains et matériels, le temps et l’espace, et le concept de force. En outre, ils ont fourni diverses facilités à tous ceux qui tombaient en possession de cette technologie, ont joué un rôle important et diversifié dans de nombreuses guerres, et ont incité même des pays à en fabriquer ou à en acquérir.

Par ailleurs, il relève de rappeler que quelques mois auparavant, l’armée malienne (FAMA) avait remporté une victoire écrasante sur les rebelles à Kidal, la plus grande ville du nord du Mali, au cours de violents combats « terrestres » sans s’aider de drones.

L’armée cherche depuis fort longtemps à étendre son contrôle sur les terres azawadiennes, région riche en minerais, notamment en or, conformément à ses promesses envers le groupe Wagner, la Russie elle-même autant que la Turquie, qui lui fournissent des drones qui ont joué un rôle majeur dans la supériorité militaire malienne.

• Rôle joué par l’armée du Burkina Faso (membre de l’AES)

Il importe de noter également, que les forces armées du Burkina Faso, en application du mécanisme de défense collective et d’assistance mutuelle de « l’Alliance des Etats du Sahel » (signé entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso), avait rejoint les FAMA au front pour mener efficacement les combats contre les groupes armés terroristes, notamment à Tin Zaouatine.

Ceci dit, ces forces armées de l’AES ont commencé depuis le 30 juillet derniers les opérations par des séries de frappes aériennes contre les groupes armés terroristes dans cette localité, sachant que dans son communiqué, l’Etat major a réitéré son appel à la population civile habitant dans le secteur, à se tenir à distance des positions occupées par les groupes armés terroristes pour éviter d’être des victimes collatérales.

Après avoir repris le contrôle de plusieurs parties du nord du pays, à l’issue des combats d’une ampleur inédite depuis des mois, ayant éclaté entre l’armée et les séparatistes dans la localité de Tin Zaouatine, l’armée malienne avait annoncé avoir pris le contrôle de la région stratégique d’In-Afarak, située à 120 km au nord-ouest de Tessalit dans la région de Kidal.

• Risques d’un conflit diplomatique avec l’Algérie !

Plusieurs parties et médias algériens se posent actuellement la question suivante: « Que se passe-t-il près de nos frontières avec le Mali ? »

Dans ce contexte, on croit savoir que le Représentant permanent de l’Algérie auprès des Nations Unies, Amar Bendjama, a appelé à ce que la communauté internationale rende des comptes aux parties qui ont mené une attaque dans un village du nord du Mali, tout près des frontières Malo-algériennes.

Selon le diplomate, des militants Touaregs auraient affirmé qu’au moins 20 personnes, dont des enfants, auraient été tuées dimanche 25 août dans des attaques lancées avec des drones dans la région malienne de Tin Zaouatine, à quelques mètres seulement de la frontière algérienne.

Bendjama a cité des médias fidèles à la junte militaire malienne qui ont rapporté que l’armée avait bel et bien mené des frappes aériennes sur des « cibles rebelles et terroristes », tout en soulignant entre-autres la liquidation de l’un des chefs du groupe islamiste extrémiste Ansar Eddine, lié à l’Organisation d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI).

Par ailleurs, prés d’un mois avant, précisément le samedi 27 juillet dernier, les Touaregs ont annoncé avoir tué et blessé des dizaines de combattants de l’armée gouvernementale et des affiliés du groupe privé russe « Wagner ».

De facto, on pense que cela constitue l’une des pertes les plus importantes subies par le groupe russe en Afrique, sachant que les tensions sont revenues au Mali depuis que l’armée a consolidé son pouvoir grâce à deux coups d’État en 2020 et 2021, dans un pays qui semble bien divisé entre un régime militaire aidé et soutenu par un groupe de mercenaires russes de Wagner, et des mouvements séparatistes Touaregs et Arabes dans ce qu’on appelle la province de l’Azawad, au nord du pays.

Cette nouvelle escalade pose un défi sécuritaire au continent, et à l’Algérie en particulier, qui partage une longue frontière avec le Mali.

L’Algérie préservait sa sécurité et ses frontières grâce au rôle de médiation et de paix entre les autorités de Bamako et le mouvement Azawad, mais l’effondrement de l’accord de paix parrainé par l’Algérie a changé cette réalité.

Selon les observateurs, la situation tendue dans cette région oblige l’Algérie à rechercher des solutions, que ce soit par sa diplomatie directe ou par l’intermédiaire de l’Union africaine, et elle pourrait devoir se coordonner avec les principaux acteurs du Mali, notamment la Russie et la Turquie, dont les rapports indiquent que ces deux pays fournissent des « Drones » à l’armée.

Ces observateurs ont mit l’accent sur la « complexité » de la situation à la frontière algérienne, soulignant que la scène est actuellement confuse dans la région, notamment avec les coups d’État à répétition, en plus des armes qui ont modifié l’équilibre des pouvoirs, et les milices de Wagner qui ont fait évoluer la situation jusqu’à devenir inquiétante aux frontières de l’Algérie.

• A propos de Tin Zouatine: Ce point stratégique pour les Maliens autant que les Azawadiens

Tin Zaouatine, représente le dernier bastion des rebelles et un centre d’échanges commerciaux le plus important à la frontière avec l’Algérie.

Les nouvelles en provenance de la zone des combats sont tout de même très contradictoires, alors que chaque partie affirme sa supériorité sur le terrain, et que des images de violents combats se sont répandues sur les réseaux sociaux, sans confirmer l’exactitude de leur attribution aux affrontements qui ont lieu à la frontière entre le Mali et l’Algérie.

A juste titre, la ville de Tin Zaouatine semble être le dernier bastion dans lequel sont stationnés des combattants Touaregs cherchant à établir un « État indépendant » dans le nord du Mali, portant le nom d’« Azawad ». Ce sont eux qui ont pris le contrôle du nord du Mali en 2012, mais en ont perdu le contrôle depuis que l’armée malienne avait lancé une opération militaire d’envergure en 2022, pour ce qu’il a été appelé « l’unification du territoire ».

L’armée a lancé cette opération militaire pour prendre le contrôle de la ville de Tin Zaouatine, dans ce qui peut être considéré comme la dernière bataille entre les deux parties.

Ainsi, lorsque l’armée malienne l’aura résolu, elle aura pris le contrôle de l’ensemble de son territoire.

Le mot de la fin

Pour clôturer cet article, il faut bien avouer qu’au Sahel, les groupes armés qui y sévissent sont vus à travers le prisme d’une idéologie « antiterroriste ». Ce facteur idéologique est crucial car, en se concentrant sur la dimension religieuse du soulèvement, il ignore les raisons politiques et sociales qui conduisent à la propagation de la violence dans les pays du Sahel.

Ce qui se passe à Tin Zaouatine, pourrait bien perdurer encore longtemps, et ses conséquences pourraient également se transformer en divers foyers (fragmentés peut-être) de violences extrêmes, si des solutions urgentes (même douloureuses soient-elles) ne puissent être trouvées.

• Appui médiatique intéressant: « Les Drones: Une technologie, un impact militaire et une stratégique »

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Mali, suivez Africa-Press

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