Fermeture des Bureaux de Barrick Gold au Mali

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Fermeture des Bureaux de Barrick Gold au Mali
Fermeture des Bureaux de Barrick Gold au Mali

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Mali. La compagnie minière canadienne « Barrick Gold » et l’État malien se livrent depuis des mois à un bras de fer autour de l’important complexe minier aurifère de Loulo-Gounkoto, qui comprend deux permis miniers distincts, « Loulo » et « Gounkoto », et qui est situé dans l’ouest du Mali, à la frontière du Sénégal et adjacent à la rivière Falémé, et ce, dans un contexte général de pression accrue exercée sur les compagnies minières étrangères, car le Conseil militaire s’était engagé à garantir que le Mali, premier producteur d’or d’Afrique, reçoive une répartition plus équitable des revenus miniers.

Dans ce contexte, il importe de noter que, depuis le mardi 14 janvier 2025, Barrick Gold, qui affirme donner du travail à 8.000 employés et à de nombreux prestataires locaux, a annoncé avoir été contrait de suspendre ses opérations sur le site minier aurifère de Loulo-Gounkoto. Cette suspension intervient après la saisie des stocks d’or par le régime malien, en plein conflit sur le partage des revenus.

On croit savoir que les autorités avaient mis à exécution, début janvier dernier, une ordonnance judiciaire de saisie des stocks d’or provenant dudit site. Un hélicoptère aurait même chargé le métal précieux stocké sur le site, selon les dires d’un responsable sécuritaire, sachant que le lieu de transfert de l’or n’a pas été divulgué, et ni Barrick Gold ni les autorités maliennes n’ont jusqu’à présent émis de commentaire officiel sur le développement de cette situation.

A ce propos, la compagnie canadienne aurait exprimé sa volonté de « trouver une solution à l’amiable qui garantisse la viabilité sur le long terme du complexe », tout en entamant par ailleurs une « procédure d’arbitrage international ».

• Les raisons de la décision de fermeture opérée par le Mali

Les autorités maliennes ont certes fermé les bureaux du groupe canadien Barrick Gold, l’une des plus grandes sociétés d’extraction d’or opérant dans le pays, et l’entreprise a indiqué dans un communiqué rendu publique, que « les autorités de transition avaient fermé son bureau dans la capitale, Bamako, et que les employés n’étaient pas en mesure de se rendre sur leur lieu de travail ».

La même source a affirmé que le gouvernement a menacé même de « reprendre la mine de Loulo-Gounkoto, dans le cas où les impôts dus par la société depuis plusieurs années ne soient pas payés dans l’immédiat ».

Dans ce contexte, l’entreprise a déclaré qu’elle a commencé par relocaliser 40 employés à Barrick Kibali, l’une des plus grandes mines d’or de ce type en Afrique, qui est située en République démocratique du Congo, à côté de la ville de Doko et à 210 km d’Arua à la frontière ougandaise, ce qui indique qu’une reprise des opérations n’est peut-être pas attendue de sitôt à Loulo-Gounkoto.

La société canadienne, qui avait suspendu la production dans ladite mine depuis janvier 2025, assure que cela a été décidé en raison d’un différend avec le conseil militaire au pouvoir, lequel cherche à augmenter la quote-part du pays dans les ressources minérales, soit à 30%.

L’initiative prise par le Conseil militaire au pouvoir au Mali, à la tête duquel on trouve le général Assimi Goïta, éloigne toute perspective d’une réouverture prochaine de la plus grande mine d’or du Mali, Loulo-Gounkoto.

-/- Effets possibles

Sur le plan économique: la fermeture pourrait avoir un impact sur la production d’or au Mali, qui est le troisième producteur d’or en Afrique.

Du point de vue investissements: Les investisseurs étrangers pourraient être de plus en plus préoccupés par l’environnement réglementaire au Mali.

Par ailleurs, l’ampleur des événements devrait évoluer dans les prochains jours avec la possibilité de négociations ou d’actions en justice entreprises par les deux parties.

• Qui est au fait Barrick Gold?

Barrick Gold est l’une des plus grandes sociétés d’exploitation d’or opérant au Mali, produisant 19,4 tonnes de la production totale du pays, estimée à 51 tonnes l’année dernière.

Il importe de savoir que le groupe canadien détient 80% des deux sociétés opérant dans la mine de Loulo-Gounkoto, tandis que le gouvernement malien n’en détient que les 20% restants.

A noter qu’en 2023, le gouvernement malien avait adopté une nouvelle loi minière qui permettait à l’État d’augmenter sa part des nouvelles opérations d’extraction à 30 %, et qui supprimait en même temps les exonérations fiscales dont bénéficiaient auparavant les sociétés minières aurifères étrangères, provoquant ainsi une crise entre l’entreprise et le gouvernement.

Par ailleurs, fin novembre 2024, les autorités du Mali, l’un des plus grands producteurs d’or du continent africain, ont arrêté quatre employés de l’entreprise canadienne accusés d’évasion fiscale, qui avaient été inculpés et placés en détention, tout en confisquant une partie de ses réserves en or d’une valeur de 254 millions de dollars.

Les autorités maliennes ont cherché également à arrêter le Sud-Africain « Mark Bristow », le chef de l’exécutif de Barrick Gold, qui est poursuivi pour blanchiment de capitaux. Le mandat d’arrêt national aurait été signé le 4 décembre 2024 en plein litige entre l’État malien et Barrick Gold.

A noter que Mark Bristow se trouve toujours, apparemment, hors du Mali.

La justice malienne a aussi lancé un mandat à l’encontre de Cheikh Abass Coulibaly, le Directeur général malien du complexe de Loulo-Gounkoto, pour les mêmes faits présumés, a-t-on appris des mêmes sources.

En plus, au mois de février dernier, le gouvernement malien et Barrick Gold ont signé un accord pour mettre fin à la crise qui a éclaté entre eux à la fin de l’année dernière, entraînant la suspension des opérations de la mine.

L’accord stipulait que « l’entreprise paierait 438 millions de dollars au Trésor public » en échange de la libération des employés détenus et de la possibilité de reprendre les activités sans entrave, sur le site Loulo-Gounkoto.

Face à cette situation, l’entreprise a confirmé dans un communiqué avoir signé l’accord, mais le gouvernement de Bamako n’en avait pas mis en œuvre les dispositions, ce à quoi la compagnie Barrick Gold a déclaré que l’accord est demeuré « bloqué » par un petit groupe d’individus qui placent leurs objectifs personnels au-dessus des meilleurs intérêts de l’État malien et de son peuple.

C’est d’ailleurs en raison du conflit en cours entre les sociétés minières et le Conseil militaire de transition, que la production d’or du Mali a diminué de 23% l’année dernière, atteignant 51 tonnes, contre 66,5 tonnes en 2023.

• Circonstances ayant aggravé la situation entre les deux parties

Barrick Gold, l’un des groupes étrangers dominant le secteur minier malien, a reconnu en juillet dernier l’existence de tensions avec les autorités maliennes, sans en préciser la nature.

Cette situation survient dans un contexte de règne de la junte militaire au Mali et d’accusations de liens avec la Russie, sachant que la pression exercée sur les compagnies étrangères a coïncidé avec le pivot stratégique opéré par la junte en direction de la Russie.

Il s’agit d’ailleurs là, d’un changement observé par plusieurs pays africains, qui ont pris leurs distances avec l’Occident, notamment la France, dont l’influence sur le continent a excessivement diminué.

• Mali – Canada: Des relations diversifiées et solides sur le continent

Toujours dans le secteur de l’extraction de l’or dans les mines aurifères sur le territoire malien, le Canada continue à diversifier ses interventions minières à travers plusieurs de ses sociétés. Parallèlement à la Barrick Gold, nous trouvons également l’Allied Gold qui exploite au Mali la mine d’or de « Sadiola », pour laquelle il a obtenu en 2024 un nouveau permis d’exploitation minière d’une durée de 10 ans. Cette compagnie détient aussi un gisement à proximité de cette mine, et son exploitation devrait accroitre la production d’Allied Gold dans le pays.

L’Allied Gold a annoncé, au cours du mois de février 2025, avoir signé un accord de 500 millions de dollars avec le groupe « Ambrosia Investment Holding » pour soutenir les plans d’expansion de sa mine d’or de Sadiola, au Mali.

Ambrosia est une société d’investissement à multiples facettes dont le siège social est aux Émirats arabes unis, avec un portefeuille d’entreprises et de projets dans le Golfe et dans plusieurs pays africains.

En vertu de l’accord avec la société canadienne, Ambrosia détient désormais une participation de 50 % dans la mine de Sadiola au Mali, l’un des pays les plus riches en or d’Afrique de l’Ouest.

L’accord de partenariat prévoit que la société énergétique émiratie « ATGC » entreprenne la mise en œuvre de projets d’infrastructure majeurs et mette en œuvre un système énergétique avancé pour exploiter la mine de Sadiola pendant une période de 12 ans, à compter du 26 juillet 2026.

Peter Maron, PDG de la société canadienne Allied Gold, a salué l’accord, déclarant à ce sujet qu’« Il s’agit du premier accord avec des entrepreneurs et des hommes d’affaires émiratis pour investir dans l’or malien ».

A noter qu’actuellement, la mine de Sadiola produit 230.000 onces d’or par an, malgré un différend avec les autorités de Bamako et les difficultés de financement auxquelles elle était confrontée avant le nouveau partenariat, et malgré cela, les deux sociétés prévoient d’allouer 156 millions de dollars de la valeur de la transaction à l’expansion et au développement de la mine, dans le but d’augmenter sa production à 400.000 onces d’or par an d’ici 2028.

-/- Autres projets et investissements soutenus par le Canada au Mali

Les relations bilatérales entre le Mali et le Canada ont été très dynamisées depuis l’année 2020, ayant abouti à divers projets portant sur de nombreuses priorités communes dans la région, notamment:

-la santé sexuelle et reproductive et les droits connexes,

-la sécurité alimentaire,

-le financement inclusif des chaînes de valeur des produits agricoles (16 millions $ sur 4 ans)

-la promotion de l’éducation et du renforcement du pouvoir économique des femmes et des filles,

-les services de santé maternelle et néonatale,

-le soutien à la prévention des conflits, au maintien de la paix,

-l’envoi de policiers canadiens à l’École de maintien de la paix Alioune Blondin Beye à Bamako,

-la gestion des armes et des munitions pour accroître la stabilité dans la région du Sahel (bonification de 1,5 million $ pour un an).

• Quand le Mali déclare la guerre à l’extraction illégale de ses ressources aurifères

Depuis fort longtemps, l’Afrique de l’Ouest fût considérée comme étant une plaque tournante pour de nombreux minéraux précieux, à la fois à la surface de son vaste désert et dans les profondeurs de son sol diversifié, devenant de facto un centre de prospection aussi bien qu’un centre de commerce de l’or, tout le long des routes caravanières qui traversaient le désert du Sahara.

De nombreuses mines d’or sont devenues célèbres dans cette région depuis l’histoire de l’ancien empire du Ghana et du royaume du Mali, connu sous le nom de « Royaume de l’or », et aujourd’hui, l’Afrique de l’Ouest dispose d’importantes réserves d’or, représentant 10 % du total mondial.

Le conseil militaire au pouvoir au Mali a déclaré quant à lui une guerre féroce à l’exploitation illégale de l’or dans les « mines illégales », situées hors du contrôle de l’État. Ces dernières années, ces mines sont devenues une source importante de financement pour les organisations terroristes et les réseaux criminels opérant dans la région du Sahel en général, et au Mali en particulier.

A ce propos, le gouvernement du Mali a décidé ces dernières années « d’intensifier les efforts pour lutter contre l’orpaillage illégal », expliquant dans un communiqué qu’il constitue « un phénomène aux graves répercussions sur la sécurité, l’économie et l’environnement ».

• Des richesses pillées

On relève d’autre-part que dans les grandes mines riches en or, les gouvernements ont recours à l’externalisation vers des sociétés étrangères, dont les contrats sont souvent extrêmement injustes.

A titre d’exemple, en Mauritanie, devenue l’un des pays exportateurs d’or, la part de l’État ne dépasse guère les 6,5% de la mine de Tasiast, qui a produit 622.394 onces en 2024, une question qui avait auparavant provoqué une controverse majeure dans l’arène politique, l’opposition accusant le régime de mener des affaires corrompues et des contrats sous la table.

D’ailleurs, depuis 2020, des voix s’étaient élevées au sein du parlement mauritanien pour exiger la nationalisation de la mine de Tasiast, exploitée par la société canadienne « Kinross Gold Corp. (Toronto) », affirmant qu’elle pillait les richesses du pays sans compensation.

C’est ainsi que dans la région du Sahel, récemment dirigée par des conseils militaires, ils ont commencé à négocier pour augmenter leur part avec des sociétés étrangères.

Il ne faut pas oublier que, dans le même contexte, dès le début de 2024, les autorités maliennes avaient nationalisé la mine de Yatila, située à 25 kilomètres de Sadiola, dans la région de Kayes, une mine d’or à ciel ouvert, ayant démarré ses opérations en 2000 sous l’exploitation de deux sociétés d’Afrique du Sud et du Canada, avant de les transférer à l’État malien.

En fin de compte, on peut dire que les gouvernements militaires de la région du Sahel africains cherchent à faire pression sur les sociétés minières étrangères implantées chez-eux, dans le but de garantir une répartition équitable des richesses aurifères et alléger les souffrances de leur population.

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