Par Abdelkader Mohamed Ali
Africa-Press – Mali. Un jour après des frappes aériennes israéliennes massives sur le Yémen, l’avion du ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Sa’ar, a atterri à l’aéroport international de Bole à Addis-Abeba, la capitale éthiopienne, le 5 mai, à la tête d’une importante délégation visant à renforcer les relations stratégiques entre les deux pays.
Bien que les aspects économiques aient dominé cette visite, plusieurs indices indiquent que les deux parties ont également abordé des questions de sécurité, notamment les efforts conjoints pour « lutter contre le terrorisme », ce qui a suscité des interrogations sur la possibilité qu’Addis-Abeba s’engage aux côtés d’Israël dans sa guerre contre les Houthis au Yémen.
Une menace commune
Après la rencontre entre le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Sa’ar, et son homologue éthiopien Gedion Timotheos en mars dernier, il est apparu que leur convergence ne se limitait pas à la ressemblance de leurs prénoms, mais s’étendait à une vision stratégique plus large.
Sa’ar a souligné que les deux pays font face à des menaces « terroristes communes », établissant un lien entre les Shebab en Somalie et les Houthis au Yémen, et affirmant que ces derniers représentent « une menace pour Israël et l’Afrique ». Il a également insisté sur la nécessité d’éliminer le terrorisme, en saluant le rôle de l’Éthiopie dans cette lutte, en particulier dans la région de la Corne de l’Afrique.
Cette insistance sur la lutte contre le terrorisme a été réaffirmée lors de la récente visite de Sa’ar en Éthiopie. Selon l’agence de presse éthiopienne, une partie importante des discussions avec son homologue éthiopien a été consacrée à cette menace commune, avec un accord sur l’importance de renforcer leur coopération pour lutter contre le terrorisme dans la Corne de l’Afrique et au Moyen-Orient.
Les deux pays entretiennent des relations de sécurité étroites. Par exemple, en novembre 2020, le Service national de renseignement et de sécurité éthiopien a signé un accord avec le ministère de la Sécurité publique israélien pour renforcer leur coopération en matière de renseignement et de lutte contre le terrorisme dans la Corne de l’Afrique.
En 2021, des rapports ont également révélé une coopération entre les services de renseignement des deux pays ayant conduit à l’arrestation de 16 suspects à Addis-Abeba, accusés de préparer des attaques contre les ambassades des Émirats arabes unis en Éthiopie et au Soudan.
Préoccupations sécuritaires et économiques
Ces développements indiquent une volonté claire de Tel-Aviv d’obtenir le soutien d’Addis-Abeba dans sa guerre contre les Houthis, une dynamique renforcée par des rapports faisant état de réunions entre représentants houthis et Shebab en 2024.
Les préoccupations de l’Éthiopie ne se limitent pas aux liens entre les Houthis et les groupes somaliens armés. Les perturbations dans la mer Rouge ont également eu un impact économique significatif. En mars 2024, l’entreprise publique éthiopienne de logistique a signalé des perturbations majeures dans les importations et exportations en raison de l’instabilité sécuritaire dans la région.
En outre, un rapport d’Africa Intelligence en novembre 2024 a souligné que les projets d’infrastructures en Éthiopie, y compris la construction de routes et le développement de zones industrielles, ont été gravement retardés en raison de ces tensions, entraînant des pressions financières importantes.
Un retour au conflit?
Malgré l’absence de déclarations officielles sur l’implication directe de l’Éthiopie dans la guerre contre les Houthis, des déclarations informelles indiquent que certains cercles éthiopiens sont favorables à un rôle plus actif.
Une étude publiée par l’Institut du Rift en mars dernier cite un haut fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères éthiopien affirmant que « l’insécurité dans la mer Rouge est une opportunité pour l’Éthiopie de renforcer sa présence régionale ».
Historiquement, l’Éthiopie a été un acteur clé de la « guerre mondiale contre le terrorisme » et a reçu un soutien militaire et financier important de Washington en échange de son rôle dans les opérations en Somalie en 2006. Cependant, ses relations avec les États-Unis se sont refroidies ces dernières années, notamment en raison des désaccords sur le conflit au Tigré et du rapprochement d’Addis-Abeba avec Pékin et Moscou.
Enjeux géopolitiques
L’Éthiopie cherche également à renforcer sa présence militaire dans la mer Rouge pour contrer les ambitions régionales de l’Égypte, son principal rival en raison du conflit autour du barrage de la Renaissance. Des images satellites de début 2024 ont montré que la marine égyptienne a transféré son principal groupe naval de la Méditerranée à la mer Rouge, une évolution perçue comme une menace directe par Addis-Abeba.
Enfin, l’Éthiopie semble prudente face aux appels israéliens à s’engager dans une guerre plus large contre les Houthis, en raison des liens complexes qu’elle entretient avec des puissances comme l’Iran. Cette prudence pourrait être motivée par le souci de ne pas s’aliéner des partenaires régionaux et internationaux clés.
En conclusion, bien que la coopération militaire entre Israël et l’Éthiopie puisse offrir des avantages stratégiques aux deux pays, elle reste conditionnée par des réalités complexes et des enjeux régionaux sensibles.
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