Anouar CHENNOUFI
Africa-Press – Mali. Dans le cadre du renforcement de la lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel, d’importantes manœuvres militaires ont été menées par cinq pays africains, depuis le mercredi 14 mai 2025, au Niger, et devraient s’achever le 4 juin prochain.
Ces manœuvres, qui se déroulent dans la région de Tillia, dans l’Ouest du Niger, et qui représentent la deuxième édition de l’exercice militaire conjoint « Tarha-Nakal », vont durer pendant deux semaines et impliquent les forces de défense et de sécurité des pays de l’Alliance des Etats du Sahel (Niger, Mali, Burkina Faso), en plus des unités militaires du Tchad ainsi que du Togo.
L’information a été rapportée également par la Radio nationale officielle à Niamey, annonçant que les manœuvres dureront deux semaines, avec la participation des forces armées des cinq pays susmentionnés.
• Dans quelle stratégie se déroulent ces manœuvres armées
Dans ce contexte, il importe de noter que ces exercices militaires, qui se déroulent sous la supervision de hauts responsables militaires, est considéré comme un élément essentiel de la stratégie de défense collective adoptée par l’Alliance des Etats du Sahel.
Cette stratégie vise à répondre aux défis de sécurité transfrontaliers auxquels la région est confrontée, notamment à la lumière de la menace terroriste croissante qui sévit dans toute la région sahélienne.
Placées sous l’intitulé « Tarha-Nakal », qui signifie « amour de la patrie » en langue tamasheq (langue touarègue parlée principalement par les Touaregs en Algérie, au Mali au Niger et en Libye), un choix qui n’est pas seulement un simple nom, mais qui est une puissante expression symbolique de l’esprit national qui unit les participants, incarnant un engagement commun envers les valeurs de sacrifice et de patriotisme au nom de la stabilité et de la sécurité régionales.
• Objectif principal de ces « Manœuvres militaires majeures »
Ces manœuvres de quinze jours, qui visent à améliorer l’état de prédisposition des forces sur le terrain et à développer leurs compétences tactiques, mettent également l’accent sur l’échange d’expertise militaire entre les pays participants et sur le renforcement de la coordination régionale entre les pays de la coalition afin de faire face plus efficacement aux menaces à la sécurité.
Selon le chef d’état-major adjoint nigérien, Abdulkadir Amiru: « L’initiative stratégique et humanitaire Tarha-Nakal 2 symbolise notre engagement commun à renforcer les capacités de nos forces armées, à renforcer notre coopération régionale et internationale et à former un front uni contre les menaces transnationales, y compris le terrorisme ».
La mise en exécution de ces manœuvres militaires, ont été précédées, début avril dernier, d’une première réunion des chefs d’Etat-major des forces aériennes du Sahel qui s’est tenue dans la capitale malienne, Bamako, sous le thème: « Coopération aérienne au sein de l’Alliance des Etats du Sahel: vers une défense intégrée et un renforcement de la souveraineté ».
Pour rappel, l’AES a vu le jour en 2023 pour assurer la défense collective, et le 28 janvier 2024, les trois pays fondateurs de cette alliance du Sahel avaient annoncé leur retrait de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest CEDEAO, marquant ainsi une distanciation vis-à-vis de la CEDEAO et de la France, et un rapprochement avec la Russie, un partenaire croissant via le groupe Wagner (devenu plus tard Africa Corps), avec des instructeurs militaires présents au Mali et au Burkina, et possiblement au Niger.
Par ailleurs, dans une déclaration commune, les pays ont noté que l’organisation n’avait pas réussi à aider ces pays dans leur lutte contre le terrorisme et à assurer la sécurité de leurs territoires, tout en déclarant l’état d’alerte maximale au combat et en créant une zone unique pour les opérations militaires au niveau de l’alliance, sachant également que des accords de défense mutuelle ont été signés, prévoyant notamment une coopération militaire conjointe contre les groupes armés terroristes et extrémistes.
• A propos des manœuvres militaires conjointes au Sahel
Dans la même optique défensive, le Niger, le Mali, et le Burkina Faso, avaient annoncé en novembre 2023 des exercices militaires communs sous l’égide de l’AES, lors d’exercices baptisés « Opération Liptako », visant à sécuriser la zone frontalière commune (la région de Liptako-Gourma, théâtre d’attaques jihadistes récurrentes).
Ces exercices avaient inclus entre-autres des simulations de ripostes coordonnées et des partages de renseignements.
Les pays de l’Alliance des Etats du Sahel excluent toute collaboration militaire avec les anciens partenaires occidentaux, se tournant dans le même contexte vers la Russie, la Turquie ou l’Iran.
À ce jour, seules des manœuvres trilatérales (Mali-Burkina Faso-Niger) ont été confirmées dans le cadre de l’AES. Si des exercices à cinq pays ont eu lieu, ils n’ont pas été officiellement documentés.
• Retour sur la première édition de ces manœuvres conjointes lancées en 2024
L’année dernière, à la même période du mois de mai, précisément le 20 mai 2024, la première édition des manœuvres militaires « majeures » relatives à l’opération « Tarha-Nakal », impliquant les armées du Niger, du Mali, du Burkina Faso, du Tchad et du Togo s’était déroulée dans l’ouest du Niger, près du Mali, selon une confirmation du ministère nigérien de la Défense, qui a indiqué à l’époque, dans son communiqué, que dans cette région, où sont actifs des groupes terroristes, « un grand exercice national se déroule au Centre d’entraînement des forces spéciales de Tillia ».
Ces exercices militaires conjoints étaient les premiers du genre entre les cinq pays, tous confrontés à des degrés divers à la violence djihadiste, dont le Togo est l’un des pays d’Afrique de l’Ouest qui a adopté un « ton plus conciliant envers les régimes militaires arrivés au pouvoir par des coups d’État » au Mali, au Burkina Faso et au Niger.
Après avoir tourné le dos aux partenariats traditionnels, notamment avec la France, ancienne puissance coloniale, ces pays ont renforcé leurs relations avec la Russie en particulier.
Le ministère nigérien de la Défense a expliqué que cette opération militaire conjointe, qui s’était achevée le 3 juin 2024, fût lancée « dans le but de renforcer les capacités opérationnelles, et la résilience des forces armées au sein de la force militaire conjointe face à toutes les menaces potentielles ».
• Contribution de l’Allemagne au financement du Centre d’entraînement des forces spéciales à Tillia
Le Niger, depuis quelques années, est désormais doté d’un Centre d’entraînement pour ses forces spéciales, à Tillia, dans la région de Tahoua, dans le Sud-ouest du pays, vers la frontière malienne.
Ce centre est installé dans une zone désertique, très isolée. C’est dans ce département de Tillia qu’au mois de mars 2021, une attaque contre plusieurs villages avait fait plus de 141 victimes civiles.
C’est donc l’Allemagne qui a financé la création du Centre d’entraînement des forces spéciales de Tillia, lequel accueille ces manœuvres militaires conjointes opérées par les trois pays de l’AES en plus du Tchad et du Togo. Ce centre, qui a commencé à fonctionner en juillet 2021 près de la frontière avec le Mali, et qui a été le théâtre d’attaques répétées et violentes des groupes armés liés à Daech et à Al-Qaïda, s’inscrit dans la stratégie globale de montée en puissance des forces spéciales au Sahel.
D’autre-part, en septembre 2022, les États-Unis n’ont pas hésité à équiper le centre de Tillia avec 13 millions de dollars d’équipements militaires, principalement constitués de plusieurs types de véhicules, dont des véhicules blindés. Un an plus tard, le Niger, où un régime militaire avait pris le pouvoir en juillet 2023, dénonçait les accords militaires avec Washington.
• Un message de confiance aux populations du Sahel et de détermination anti-terroriste
Ces manœuvres militaires, organisées par l’Alliance des États du Sahel (AES), seraient plus qu’une démonstration de force, car elles incarnent une réponse résolue aux menaces sécuritaires qui affectent la région du Sahel, tout en consolidant les liens de solidarité avec les populations locales.
Ces exercices, qui se prolongeront jusqu’au 4 juin, ne se limitent pas à la sphère militaire, bien au contraire, l’opération « Tarha-Nakal 2 » inclue des actions sociales, telles que des consultations médicales gratuites et des interventions chirurgicales pour les habitants de Tillia, marquant une volonté de rapprocher les armées des communautés qu’elles protègent.
« Cette initiative est un pont entre le sécuritaire et l’humanitaire », a indiqué le général Abdulkadir Amiru, qualifiant ces gestes comme étant une façon de consolider la confiance des populations dans un contexte où l’insécurité alimente la méfiance.
• L’avenir du Sahel se jouerait-il à Tillia?
L’opération « Tarha-Nakal 2 » n’est pas qu’un simple exercice, certes, elle est une chaîne à plusieurs maillons d’unité dans une région fracturée et meurtrie.
Avec un bilan estimé à plus de 4,3 millions de déplacés dans le Sahel et des attaques jihadistes ayant doublé en intensité depuis 2021, selon des données publiées par les Nations Unies, la coopération militaire est devenue un réel bouclier indispensable.
C’est pourquoi le Togo, confronté lui-même à l’expansion des violences vers ses frontières nord, tout comme le Tchad, pilier de la lutte antiterroriste dans le bassin du lac Tchad, enrichissent cette alliance par leur expérience.
Il importe de noter qu’à Tillia, sous le soleil implacable du Sahel, les soldats des cinq nations allument une « bougie d’espoir », sachant que Tarha-Nakal 2, par son ambition et sa portée, nous rappelle que l’amour de la patrie, loin d’être un simple slogan, est une vraie force motrice pour des États décidés à reprendre les rênes de leur sécurité et de leur destin.
Le fait de voir de visu les drapeaux du Mali, du Niger, du Burkina Faso, du Tchad et du Togo flotter en l’air ensemble, cela ne peut mettre qu’en exergue une promesse: celle d’un Sahel uni, prêt à défier l’adversité par la force de la solidarité.
Néanmoins, il ne faut pas oublier ou laisser au hasard le fait que « le sous-financement des armées, les tensions ethniques exploitées par les groupes armés et l’instabilité politique héritée des coups d’État successifs dans la région, sont des défis qui subsistent ».
Pour terminer, on peut avouer que les unités participantes mènent divers exercices de combat, de reconnaissance et de sécurisation de zones sensibles.
Quant à la présence du Tchad et du Togo à ces manœuvres militaires, bien que non membres de l’AES, du moins pour le moment, illustre leur solidarité régionale et leur volonté de contribuer activement à la stabilisation du Sahel.
De facto, en multipliant ce genre d’initiatives, l’Alliance des Etats du sahel confirme son engagement déterminé à assurer la sécurité de ses populations et à instaurer durablement la paix dans la zone sahélienne.
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