Africa-Press – Mali. À partir d’un minuscule poisson du Crétacé repêché en Alberta, une équipe internationale décale au Jurassique supérieur l’émergence des poissons à oreille dite « wébérienne » et démontre que la conquête des rivières s’est faite en deux temps depuis la mer. Les résultats sont publiés dans la revue Science.
Différences d’audition
Chez les poissons, l’audition n’utilise pas de tympan. Le son traverse le corps, et une poche d’air interne (la vessie gazeuse) capte ces vibrations. La plupart des espèces marines transmettent ce signal vers l’oreille interne de manière rudimentaire, avec une sensibilité limitée aux basses fréquences. Les otophysiens qui forment aujourd’hui le groupe dominant des poissons d’eau douce (carpes, cyprinidés, siluriformes, tétras, poissons-couteaux), avec plus de 10.000 espèces, eux, ont évolué vers un dispositif plus élaboré: l’appareil de Weber. Il s’agit d’un enchaînement de petits os (les ossicules wébériens) qui relient la vessie gazeuse à l’oreille interne pour amplifier et étendre la bande passante auditive. Concrètement, un tétra ou un poisson-zèbre perçoit des sons jusqu’à environ 15.000 Hz, ce qui est proche des performances humaines, quand nombre d’espèces marines restent cantonnées sous 200 Hz.
La nouvelle étude décrit Acronichthys maccagnoi, un poisson d’environ deux centimètres conservé au Royal Tyrrell Museum et daté de 67 millions d’années. Des micro-scans 3D réalisés au Canada ont révélé des ossicules intacts. En modélisant leur comportement, l’équipe montre qu’ils fonctionnaient déjà comme un « amplificateur » comparable à celui d’un poisson-zèbre actuel. Des résultats qui permettent de reconstruire une phylogénie intégrant des caractères morphologiques et génomiques de lignées actuelles.
Un nouveau scénario avec deux excursions en eau douce
Les paléontologues pensaient que les poissons dotés d’un système auditif de Weber étaient arrivés en eau douce il y a environ 180 millions d’années, avant que le supercontinent de la Pangée ne se divise en continents tels que nous les connaissons aujourd’hui. D’après la nouvelle chronologie, leur apparition semble bien plus tardive – il y a environ 154 millions d’années, à la fin du Jurassique – après le début de la dislocation de la Pangée et l’apparition des océans actuels.
L’analyse des données fossiles et génomiques suggère que les poissons ont initialement développé les os précurseurs de leur audition exceptionnelle alors qu’ils étaient encore dans l’océan. Ce n’est que plus tard qu’ils ont acquis une audition améliorée pleinement fonctionnelle, après le passage de deux lignées distinctes en eau douce: l’une a donné naissance aux poissons-chats, aux poissons-couteaux et aux tétras d’Afrique et d’Amérique du Sud ; l’autre a évolué vers les carpes, les meuniers, les vairons et les poissons-zèbres.
La raison pour laquelle les poissons d’eau douce ont besoin d’entendre des fréquences élevées reste un mystère, mais cela pourrait s’expliquer par le fait qu’ils vivent dans des environnements variés et complexes, des cours d’eau avec des rapides jusqu’aux lacs fermés.
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