Rapporté par
Anouar Chennoufi
Africa-Press – Mali. L’émergence d’un scénario inattendu en Afghanistan, dû à la décision prise par les Etats-Unis de retirer toutes ses forces armées de ce pays, ouvrant ainsi largement les portes aux Talibans pour « s’emparer » de l’Afghanistan, semble être en train de semer la trouille autour d’un scénario similaire qui pourrait émerger au Mali, même s’il existe de grandes différences entre les cas des deux pays.
Il est vrai que la situation est toute autre en Afrique de l’Ouest, néanmoins les craintes apparues dans les rangs de l’opposition française n’ont pas manqué d’exhorter le président Emmanuel Macron à renouveler l’engagement du pays à combattre ce que Paris a toujours qualifié de « groupes djihadistes » dans cette région du Continent africain, après que l’organisation al-Qaïda a salué la défaite américaine en Afghanistan comme une « inspiration ».
Selon certains observateurs, le favori parmi les conservateurs dans la course présidentielle d’avril prochain, en France, Xavier Bertrand, a déclaré publiquement que « le Président français Emmanuel Macron a fait une grave erreur en annonçant la fin imminente de l’opération française ‘Barkhane’ au Mali et dans les pays voisins ».
Dans une déclaration accordée au Journal du Dimanche (JDD), Bertrand s’est ainsi exprimé : « Nous devons rester au Mali jusqu’à l’extermination des groupes terroristes armés », ajoutant que « c’est impératif pour la sécurité de la France car aujourd’hui le terrorisme est au Mali, et demain ce sera le terrorisme dans toute la France. Nous ne resterons pas au Mali ‘Forever’, mais le désengagement ne peut pas se faire comme les Américains l’ont fait en Afghanistan. »
De son côté, le Times a écrit que les responsables français insistent sur les grandes différences entre les cas du Mali et de l’Afghanistan, soulignant que dans ce dernier, la guerre a duré 20 ans contre un groupe nationaliste déterminé à reprendre le pouvoir, tandis que les combats régionaux qui se sont étendus au Mali depuis 2013, sont dirigés contre des groupes de différentes milices qui n’aspirent pas au pouvoir national.
Ces mêmes responsables ont tenue à assurer que les États-Unis ont déployé des forces estimées à 20 fois plus que les forces déployées par la France dans la région du Sahel, et que les forces françaises n’ont pas entamé de pourparlers avec les groupes armés comme l’ont fait les Américains avec les talibans.
Similitudes
Toujours d’après le Times, de nombreux experts établissent des parallèles avec l’Afghanistan à la lumière de l’échec des efforts visant à améliorer l’efficacité du gouvernement au Mali, qui a connu deux coups d’État en un an, et de l’hostilité croissante de la population locale envers la présence des Français.
Selon le journal ‘La Croix’ : « l’échec américain en Afghanistan est une déclaration pratique de l’échec de la France au Sahel », sachant que les troupes français ont perdu 55 soldats combattant dans la région du Sahel africain depuis 2013, et qu’elle réduira le déploiement de ses 5.000 soldats après l’augmentation des pertes dans la région.
Vendredi dernier, le président français Emmanuel Macron a annoncé que son pays réduirait le nombre de ses forces dans la région du Sahel en Afrique de l’Ouest à entre 2.500 et 3.000 soldats.
Le président français a clairement indiqué que son pays commencerait bientôt à reformuler sa présence militaire dans la région, ce qui entraînera à terme une réduction des effectifs de ses forces d’environ la moitié. Bien qu’il n’ait pas précisé de délai pour l’achèvement du processus, selon l’agence de presse américaine ‘Reuters’.

Retrait des forces vers le sud
Macron a également ajouté que son pays commencerait à déplacer ses forces plus au sud, avant de commencer plus tard à les réduire à environ la moitié de ses effectifs actuels d’environ 5100 soldats.
« Nous resterons engagés. Mais pour maintenir cet engagement, nous devons nous adapter », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse à l’issue d’un sommet virtuel avec les dirigeants des pays du Sahel.
Il a ajouté que « cela est devenu possible pour des raisons, notamment le changement de la nature de la menace, en plus du changement des capacités des armées locales et du soutien d’autres pays européens ».
Alliance internationale plus large
Le Président de l’hexagone a annoncé il y a un mois que son pays mettrait fin à la mission Barkhane, huit ans après sa première intervention au Sahel, et a déclaré qu’il travaillerait dans le cadre d’une coalition internationale plus large. Il est à noter que la France a salué certains des succès remportés contre les extrémistes dans la région du Sahel ces derniers mois.
Cependant, la situation est extrêmement fragile, tandis que la frustration de Paris augmente devant l’absence de tout signe à l’horizon indiquant la fin prochaine des opérations et l’apaisement des troubles politiques, notamment au Mali. C’est d’ailleurs pourquoi l’on se permet de se poser la question suivant : Le Mali se dirige-t-il vers plus de chaos ?

Résoudre les problèmes africains avec des mécanismes africains
La région du Sahel africain est devenue un centre d’absorption des groupes armés des pays du Moyen-Orient, et le retrait (probable) français des côtes africaines laisse supposer de nombreuses dimensions, dont la plus importante est le degré de préparation des armées africaines, notamment malienne, à continuer de combattre lesdits groupes qui ont développé leurs capacités et leurs opérations et augmenté leur nombre, durant ces dernières années.
Malgré les efforts africains pour réduire le niveau d’ingérence étrangère sur le continent et appliquer le slogan « Résoudre les problèmes africains avec des mécanismes africains », qui est en phase avec les récentes visions françaises de sortir des côtes africaines, le manque de financement et le déclin dans les capacités des armées nationales représentent deux obstacles majeurs à l’avancée africaine dans cette voie.
Au final, les développements au Mali restent irrésolus, mais les facteurs d’instabilité dominent toujours la scène politique et sécuritaire, ce qui porte de graves avertissements sur l’avenir de ce pays, notamment au regard des problèmes qui affligent le rôle de l’Afrique dans la réduction des conflits et des menaces terroristes, dans une grande partie du continent africain.
Pour ainsi dire, les organisations terroristes ont toujours cherché à exploiter l’escalade de la tension dans le pays afin de semer le chaos, d’une manière qui pourrait inciter les forces du Conseil africain de paix et de sécurité à intervenir au Mali pour rétablir la stabilité et combattre ces organisations.

Assimi Goïta : Promesses et ambitions !
A moins que le colonel Assimi Goïta, Président de la Transition de la République du Mali, n’admet de mettre en œuvre réellement les promesses qu’il a faites après le renversement du président de transition, en organisant notamment les élections prévues à temps en février 2022, mais sous l’égide du Conseil militaire, qui comprend les dirigeants de l’Août 2020 coup d’État, et sous la surveillance internationale et régionale habituelle.
Mais la question demeure de savoir dans quelle mesure Assimi Goïta va-t-il s’accrocher au pouvoir et justifier le report ‘probable’ des élections prévues, surtout que le récent coup d’État confirme que l’establishment militaire continuera à gérer la sécurité et la scène politique du pays, et que le conseil militaire n’a jamais cédé le pouvoir aux civils.