Africa-Press – Niger. « Quel que soit le vainqueur, la victoire appartiendra au peuple nigérien. C’est un jour spécial pour le Niger, qui va connaître pour la première fois de son histoire une alternance démocratique. »
Ces mots sont ceux du président sortant, Mahamadou Issoufou. La population nigérienne a voté dimanche 27 décembre pour une élection présidentielle qui doit marquer la première transition démocratique entre deux présidents élus dans ce pays sahélien pauvre, habitué des coups d’Etat et en proie à des attaques djihadistes récurrentes. Sur 23 millions d’habitants, 7,4 millions d’électeurs étaient appelés aux urnes. Les résultats ne seront pas connus avant plusieurs jours.
M. Issoufou, 68 ans, ne se représente pas à l’issue de ses deux mandats constitutionnels. Ce sera la première fois que deux présidents élus se succèdent dans ce pays à l’histoire jalonnée de coups d’Etat depuis son indépendance, en 1960.
Ancien opposant, M. Issoufou a rappelé que c’était la première élection dans son pays à laquelle il ne participait pas depuis trente ans. Après dix ans au pouvoir, il espère passer le témoin à son bras droit, Mohamed Bazoum, 60 ans, grand favori du scrutin, pour lequel trente candidats au total sont en lice.
« Je demande aux militants de sortir encore plus nombreux pour assurer notre victoire, comme
[pour les élections municipales et régionales] le 13 décembre », a déclaré l’ancien ministre de l’intérieur, qui vise un succès dès le premier tour à ce scrutin présidentiel couplé à des législatives.
M. Bazoum, qui bénéficie de la machine électorale de son parti et de l’Etat, a promis de mettre l’accent sur la sécurité et l’éducation, notamment des jeunes filles, dans ce pays qui détient le record mondial de fécondité (7,6 enfants par femme).
« Une élection à un seul tour n’est pas possible. Ils
[les gens du pouvoir] savent très bien que l’état de santé de leur parti et le niveau de frustration des Nigériens empêchent toute perspective de faire “un coup K.-O”. Il y aura un second tour » le 20 février 2021, a affirmé par téléphone à l’Agence France-Presse (AFP) l’ancien ministre des affaires étrangères Ibrahim Yacouba, après avoir voté dans son village de Birnin-Lokoyo (sud-ouest du pays). « Cette campagne a été massivement corrompue par l’argent du parti au pouvoir. Je suis très préoccupé parce que ce processus corrompu peut impacter les résultats et entamer l’honnêteté du scrutin », a-t-il dénoncé.
Un connaisseur de la politique nigérienne souligne l’absence de renouvellement de la classe politique. Deux anciens présidents, Mahamane Ousmane et Salou Djibo, deux anciens premiers ministres, Seini Oumarou et Albadé Abouba, et sept ex-ministres figurent parmi les candidats, pour une moyenne d’âge de plus de 60 ans, dans un pays où elle se situe autour de 16 ans.
Un des principaux défis du prochain président sera de juguler les attaques djihadistes. Deux attaques meurtrières ont été perpétrées à l’approche du scrutin, une dans l’Ouest (sept soldats tués le 21 décembre), où sévit l’Etat islamique dans le grand Sahara (EIGS), et une autre dans l’Est, revendiquée par les djihadistes nigérians de Boko Haram (trente-quatre morts le 12 décembre). Les attaques incessantes ont fait des centaines de morts depuis 2010 et fait fuir de leurs foyers environ 500 000 réfugiés et déplacés, selon l’Organisation des Nations unies (ONU).
Les premières estimations pour la présidentielle sont attendues lundi, et les résultats espérés mercredi ou jeudi, selon une source à la commission électorale.