L’Occident, le pétrole et nous – Par Stéphane Ballong

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L’Occident, le pétrole et nous – Par Stéphane Ballong
L’Occident, le pétrole et nous – Par Stéphane Ballong

Africa-Press – Niger. En novembre prochain, Charm el-Cheikh, célèbre cité balnéaire de la péninsule du Sinaï autrefois prisée par Hosni Moubarak, accueillera la 27e session de la Conférence des parties (COP 27). L’édition 2022 de cette grand-messe internationale consacrée à la lutte contre le réchauffement climatique sera, nous dit-on, particulièrement africaine. Non seulement parce qu’elle se tiendra sur le continent – la dernière fois, c’était à Marrakech, en 2016 –, mais surtout parce que les dirigeants africains, qui « joueront à domicile », sont, semble-t-il, déterminés à se faire entendre, notamment sur la question des énergies fossiles.

Galvanisés par la perspective de renflouer leurs caisses – les prix du pétrole et du gaz restant élevés sur les marchés internationaux –, les pays producteurs – ou futurs producteurs – sont globalement sur la même ligne : l’Afrique doit continuer à produire des hydrocarbures et à les utiliser plus longtemps que le reste du monde.

Évidemment, la réduction des émissions de CO2 doit être une préoccupation de tous les instants. Mais que les pays du continent le moins pollueur de la planète aient encore besoin des énergies fossiles pour se développer est tout à fait audible. D’autant que – argument massue – aucune économie au monde ne s’est industrialisée avec les énergies renouvelables. Mais qu’à cela ne tienne, les Africains ne doivent pas s’interdire d’innover dans ce domaine, comme ils ont su le faire dans la téléphonie mobile avec l’invention du mobile money.

L’AFRIQUE DOIT SE METTRE AU VERT NON PAR OBLIGATION MORALE MAIS POUR SAISIR DE NOUVELLES OPPORTUNITÉS

Soyons pragmatiques : selon les chiffres avancés récemment par Romuald Wadagni, le ministre béninois de l’Économie et des Finances, une centrale électrique de 1 mégawatt alimentée au fioul coûte 750 000 dollars en moyenne, un chiffre qui grimpe à un peu plus de 1 million pour une centrale à gaz et qu’il faut multiplier par deux, voire par trois dès lors qu’il s’agit d’une unité solaire ou éolienne. Le choix pour les Africains, qui ont un accès limité aux capitaux internationaux, paraît clair, d’autant que les Occidentaux, prompts à leur donner des conseils, ne sont pas exemplaires en la matière. Pour répondre à ses besoins énergétiques, l’Allemagne, première puissance économique européenne, n’a-t-elle pas décidé, sans crier gare, de réactiver une quinzaine de ses centrales à charbon ? Après avoir dénigré le gaz naturel, les Européens, désormais menacés de pénurie, ne sont-ils pas en train de promouvoir cette source comme une énergie de transition ?

Certes, les banques internationales, désormais soumises à des réglementations ESG (Environnement, social, gouvernances) strictes, refusent de financer les développements de nouveaux champs pétroliers et gaziers, comme on peut le voir en Ouganda avec le projet du lac Albert. Mais peut-on laisser l’avenir de son économie dépendre du diktat d’institutions étrangères ?

Reste que nous, Africains, devons être crédibles dans nos choix. Nous pouvons pérorer sur le fait que nous avons besoin de notre pétrole et de notre gaz pour créer de la richesse. Mais en soixante ans, le Nigeria, premier producteur africain de brut, n’a guère réussi à industrialiser son économie ni, a fortiori, à atteindre un niveau de prospérité permettant d’améliorer la qualité de vie de sa population. Le même reproche peut être adressé à l’Algérie, au Gabon, au Congo ou encore à l’Angola.

De même, continuer à utiliser des énergies fossiles ne nous dispense pas de continuer à développer les énergies renouvelables. Le continent dispose en la matière de véritables avantages comparatifs. Cité dernièrement par le Financial Times, James Mwangi, patron d’Equity Bank, disait ceci : « L’Afrique doit se mettre au vert non par obligation morale, mais pour saisir de nouvelles opportunités se chiffrant à plusieurs milliards de dollars. » « L’avenir, ajoutait-il, c’est toute une série de modèles commerciaux qui font du carbone un flux de marchandises. » À bon entendeur…

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