Africa-Press – Niger. Chaque foyer en possède plus d’une centaine. Les piles et batteries alimentent des dizaines d’appareils, de la brosse à dents à la perceuse, de la télécommande de la télévision au téléphone portable. En 2022, rien qu’en France, 330 millions de ces objets ont été mis sur le marché soit 13.663 tonnes composées de ferrailles et métaux non ferreux mais aussi de lithium, de nickel, de cobalt, de zinc, etc. « Nous en avons collecté 5300 tonnes en 2021 ce qui représente un taux de récupération de 41%, se félicite Emmanuel Toussaint Dauvergne, Directeur général de Screlec, l’éco-organisme chargé de financer la collecte et le traitement de ces piles usagées. Cependant 18% partent encore dans les ordures ménagères, et le reste s’accumule chez les particuliers en attendant que le volume soit suffisamment important pour l’apporter à un lieu de collecte ».
Le nouveau règlement européen qui vient d’entrer en vigueur trace une trajectoire d’ici à 2030 que les 26 Etats membres vont devoir respecter. Le taux de collecte doit ainsi passer de 45% en 2023 (la France y est presque avec un taux de 41%) à 63% d’ici 2027 et 73% d’ici 2030 pour les batteries et piles portables, et à 51% en 2028 et 61% d’ici 2031 pour la grande nouveauté du règlement : la prise en compte des batteries des vélos, trottinettes, scooters gyroscopes électriques qui jusqu’ici n’étaient soumises à aucune obligation. Le gisement aujourd’hui est dominé à 63% par les accumulateurs au lithium, suivi à 25% par les piles alcalines. Deux technologies qui sont en train de se succéder dans le temps. « On assiste à un grand glissement entre la pile jetable et la batterie rechargeable pour la plupart des usages, note Emmanuel Toussaint Dauvergne. Les téléphones ne marchent plus depuis longtemps sur pile et la batterie lithium s’impose dans le petit outillage ».
Les batteries usagées de vélos électriques arrivent déjà dans les centres de recyclage
Les batteries des véhicules électriques et des « moyens de transport léger » (MTL, la rubrique réglementaire des vélos et trottinettes électriques) sont les premières concernées par la nouvelle législation. Celle-ci anticipe une forte augmentation de la production du fait de la conversion du parc automobile et de l’engouement pour le vélo électrique qui devient un moyen de transport du quotidien. Une déclaration et une étiquette sur leur empreinte carbone devra leur être apposé. Des mesures loin d’être inutiles si l’on en croit les constats déjà effectués dans les usines de recyclage. « Ces batteries de vélos nous arrivent dans de tels volumes que nous sommes obligés de limiter leur nombre dans nos installations alors qu’il y a 4-5 ans ce flux était inexistant, témoigne Frédéric Salin, directeur commercial et marketing de l’entreprise de recyclage Société nouvelle d’affinage des métaux (SNAM) basée dans l’Aveyron. Compte tenu des volumes mis sur le marché, de la durée de vie relativement faible de ces accumulateurs en comparaison des voitures électriques, du vandalisme… ces batteries vont représenter à l’avenir un volume conséquent ».
Toutes les batteries de plus de 2 kW de puissance, les batteries industrielles et celles des voitures électriques devront disposer d’un passeport numérique. Ce document permettrait d’éviter toute dispersion vers des destinations autres que les filières de recyclage, susceptibles de provoquer des pollutions importantes. Plus généralement, les appareils de la vie quotidienne qui contiennent des batteries devront être conçus de façon à ce que le consommateur puisse les retirer et les remplacer eux-mêmes sans difficulté.
Les batteries devront entrer dans l’économie circulaire
HYDROMETALLURGIE. Les objectifs de récupération de matières et de réutilisation dans le secteur de la batterie constituent l’autre nouveauté du texte. 50% du lithium devra être récupéré d’ici 2027 et 80% d’ici 2031. Le cobalt, le cuivre, le plomb et le nickel devront atteindre des taux de récupération de 90% d’ici 2027 et de 95% d’ici 2031. Selon la définition même de « l’économie circulaire », ces matériaux recyclés devraient donc resservir à faire des batteries, mais ce n’est pas aujourd’hui le cas pour des raisons de pureté de la matière recyclée.
Aussi, les objectifs de niveaux minimaux de contenus recyclés provenant des déchets de fabrication et de la consommation demeurent modestes en raison des difficultés techniques. Si le plomb est le plus facile à réutiliser en batterie avec un taux obligatoire de 85% de réutilisation en 2030, les niveaux requis sont de 15% pour le nickel, 12% pour le lithium, 26% pour le cobalt à cette même échéance. Les recycleurs atteignent déjà en revanche des taux de purification de 99,95% pour le cadmium qui autorise une réutilisation pour la fabrication de batteries.
Des usines de recyclage émergent
RUPTURES. Le secteur industriel de la métallurgie n’a pas attendu le nouveau règlement pour explorer cette nouvelle activité. « De nombreux programmes de recherche liant universités et entreprises sont en cours et ce secteur industriel est en pleine effervescence avec la création de centres de démantèlement et de recyclage », se réjouit Emmanuel Toussaint Dauvergne. Le process n’est évidemment pas simple d’autant que les quantités à récupérer par batteries sont faibles. Les recherches portent notamment sur des solvants aptes à séparer les matières. Par exemple, grâce au financement d’un programme sur quatre ans baptisé UEX2, la SNAM a pu améliorer son procédé de traitement par hydrométallurgie. « Ce procédé arrive généralement en fin de traitement afin d’arriver à un niveau de pureté qui permettra de réintégrer les matières dans la fabrication de batteries neuves, table Frédéric Salin. Chez SNAM, nous passons par plusieurs étapes de traitement physique (décharge, démantèlement, thermolyse). A l’issue de ces traitements, nous produisons une ‘black mass’ qui contient différents métaux en mélange. Ceux-ci seront ensuite affinés par une séparation par la voie chimique que constitue l’hydrométallurgie ».
Aujourd’hui SNAM recycle environ 10.000 tonnes de piles (alcalines/salines) et de batteries au lithium et au nickel. Pour les seules batteries au lithium, les capacités de traitement doivent passer de 1200 à 10.000 tonnes par an d’ici 2030, principalement pour répondre à l’essor des voitures électriques. Tout en restant en veille sur la recherche. « Le véritable challenge sera de continuer à atteindre des valeurs de pureté élevées sur les futures technologies de rupture en cours de développement dans les laboratoires, prévoit Frédéric Salin. En effet, en tant que recycleur, SNAM intervient en bout de chaîne. La R&D doit donc être en permanente évolution pour identifier de nouvelles solutions ». Ce n’est donc pas une course entre concurrents pour un marché restreint qui se joue actuellement, mais un véritable défi pour être prêts dans les années qui viennent à recevoir l’immense masse des batteries électriques à recycler. Ainsi, en septembre 2023, le groupe Eramet, spécialiste mondial de la métallurgie extractive, va inaugurer une usine pilote de recyclage à Trappes (Yvelines) sur les mêmes procédés d’hydrométallurgie.
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