Africa-Press – Niger. C’est un processus évolutif bien connu, même s’il existe quelques exceptions : le cerveau des animaux domestiqués se réduit au fil des générations. Ce changement est normalement définitif, estimaient les chercheurs. Mais il ne l’est pas. Les descendants de visons d’Amérique (Neovison vison) de retour dans la nature après s’être échappés des fermes d’élevage européennes, ont récupéré un cerveau quasiment de la même taille que leurs congénères sauvages. Si le phénomène est rare, l’Institut Max-Planck (Allemagne) qui le décrit dans une publication a peut-être trouvé une façon de l’expliquer.
Domestiqués aux Etats-Unis puis échappés des fermes européennes
Durant la domestication, la taille relative du cerveau des animaux concernés se réduit très souvent. En effet, si le gabarit des animaux augmente afin de fournir plus de viande ou de fourrure, celui de leur cerveau diminue de manière relative. Les chercheurs parlent tout simplement de « l’effet de domestication ». « Cela est particulièrement dû à la réduction de la taille relative des régions cérébrales impliquées dans la vue, l’ouïe et l’odorat », rappelle la nouvelle étude publiée le 5 juillet 2023 dans la revue Royal Society Open Science.
Et si ces animaux s’échappent et retournent à la vie sauvage, la taille du cerveau ne change pas. On évoque alors la Loi de Dollo : une fois qu’une caractéristique est perdue durant l’évolution, c’est définitif. Cependant, des exceptions existent : des cochons retournés à la vie sauvage en Sardaigne ont retrouvé un cerveau plus grand et une plus grande densité de neurones. Une découverte identique a été réalisée sur les dingos, issus de chiens.
Ce genre d’étude est particulièrement complexe à mener car elle nécessite forcément trois groupes : des animaux sauvages, des animaux domestiqués et des spécimens féraux, c’est-à-dire retournés dans la nature. Les visons d’Amérique sont des candidats parfaits. Animaux sauvages capturés et élevés pour leur fourrure depuis les années 1920, des études ont documenté une réduction de la taille de leur cerveau à cause de la domestication. Envoyés d’Amérique en Europe dans des fermes, certains se sont échappés, d’autres ont été relâchés volontairement, colonisant certains pays comme la Pologne.
Un retour en arrière en seulement 50 générations
Les chercheurs allemands ont utilisé une collection muséale de l’Université Cornell afin d’étudier des crânes de visons d’Amérique sauvages. Des fermes européennes ont livré des crânes provenant d’animaux domestiques et le Centre polonais de recherche sur les mammifères a confié des crânes d’animaux féraux, récupérés dans le cadre d’un programme d’éradication (ces animaux occupent la niche écologique des visons d’Europe, les mettant en danger).
Après avoir mesuré les crânes afin de calculer la taille relative du cerveau de chaque groupe, les scientifiques ont confirmé que celui des animaux domestiques s’était réduit d’environ 25% par rapport à celui des animaux sauvages. Mais les visons retournés dans la nature ont vu la taille de leur cerveau croître à nouveau pour quasiment retrouver celle de leurs ancêtres sauvages, en seulement 50 générations.
Concrètement, la taille de leur corps a diminué, mais pas celle de leur boîte crânienne. « Nous avons confirmé une diminution du volume relatif de la boîte crânienne allant jusqu’à 29 % pendant la domestication, mais nous avons également constaté que les animaux féraux ont retrouvé 22 à 30 % du volume relatif de la boîte crânienne par rapport aux animaux de ferme », rapportent les chercheurs dans leur publication.
Comment un tel changement peut-il être possible ? Une explication a peut-être déjà été trouvée. Elle prend le nom de phénomène de Dehnel. Il traduit, chez certains petits mustélidés proches du vison d’Amérique, un changement de la taille du crâne et du cerveau au cours des saisons. Cette flexibilité pourrait expliquer l’inversion remarquée chez les visons. Mais ces derniers ont-ils récupéré pleinement leurs capacités cognitives ? Pour obtenir une réponse, il faudra attendre une prochaine étude.
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