
Africa-Press – Niger. Le géant français du nucléaire a su tirer profit de nouveaux contrats avec des électriciens japonais mais aussi d’une « bonne dynamique des prix » et du regain d’intérêt pour l’énergie nucléaire sur les marchés.
Ses déboires avec la junte menée par Abdourahamane Tiani au Niger n’auront pas empêché Orano de réaliser une année 2024 exceptionnelle. Le spécialiste français du combustible nucléaire peut se targuer d’un bénéfice trois fois plus important que les 217 millions d’euros de 2023: 633 millions d’euros pour un chiffre d’affaires à 5,87 milliards (+23 %), a indiqué le groupe dans un communiqué publié ce mercredi 19 février.
Des résultats « exceptionnels au sens où c’est une année atypique » mais qui s’inscrivent dans une tendance « durablement positive », a assuré Nicolas Maes, directeur général d’Orano à la presse.
Premier élément moteur pour le groupe, la « contribution ponctuelle » de contrats avec des électriciens japonais l’année dernière, avec le retour effectif au Japon de déchets radioactifs issus du retraitement de leurs combustibles usés, à l’usine de La Hague. Mais selon le directeur financier d’Orano, David Claverie, ces très bons chiffres s’expliquent aussi par des marchés dopés par le regain d’intérêt pour l’énergie nucléaire. « Beaucoup de pays qui envisageaient un arrêt du nucléaire aujourd’hui envisagent de prolonger [leurs centrales], voire de le relancer, certains envisagent d’y venir », explique-t-il. « Les prix des produits que nous vendons ont sensiblement augmenté du fait de ces perspectives meilleures sur les marchés. »
Le cas du Niger
Résultat: ces éléments ont permis d’absorber » les « impacts négatifs » en 2024 liés la dégradation de la situation de ses filiales minières au Niger, Somaïr, Cominak et Imouraren. En juin 2024, les autorités du Niger avaient retiré à Orano le permis d’exploitation d’un des plus grands gisements d’uranium au monde, celui d’Imouraren. En octobre dernier, le groupe français avait décidé de suspendre ses activités de production à la Somaïr, en plein bras de fer avec Niamey et à cause de la fermeture des frontières avec le Bénin.
Pour David Claverie, cette situation est la conséquence « d’ingérences répétées des autorités locales nigériennes sur la conduite de nos opérations là-bas, ce qui nous a amenés à constater la perte de contrôle de ces filiales » et donc à les sortir des comptes du groupe. Les provisions et dépréciations inscrites par Orano s’élèvent à 193 millions d’euros.
Les dirigeants de la multinationale sont aujourd’hui sceptiques sur la possibilité de redémarrer rapidement sa mine au Niger. Selon Nicolas Maes, si les conditions sont réunies, le redémarrage du site, qui a une vingtaine années de réserves devant lui, sera « très long » et pourrait prendre « presque deux ans ». Le directeur général a déploré « un drame humain et financier ». « Il n’y a aucun canal de communication avec les autorités depuis le coup d’État » militaire en juillet 2023, et « un refus systématique de dialogue ».
La Somaïr se trouve aujourd’hui « virtuellement en faillite » et n’a « plus de revenus » pour redémarrer l’activité, payer ses fournisseurs et les salaires de quelque 780 collaborateurs, a-t-il aussi détaillé. Environ 1 300 tonnes de concentré d’uranium sont toujours bloquées sur le site, pour une valeur marchande de 250 millions d’euros.
Plein pot sur les investissements
Toujours est-il qu’avec des chiffres plus que prometteurs, Orano continue à investir pour mettre en œuvre sa diversification: le géant prévoit d’augmenter les investissements de 30 à 40 % cette année (980 millions d’euros en 2024) dans le secteur minier. « La meilleure façon de faire face à un monde incertain, c’est d’avoir des options », a résumé Nicolas Maes. Le groupe vient de signer en janvier un accord pour exploiter un vaste gisement avec la Mongolie, et revendique des projets en Ouzbékistan et en Namibie.
Mais l’énergéticien français compte aussi accroître ses activités dans les domaines de la médecine nucléaire et des batteries de voitures électriques. Sa filiale Orano Med associée au groupe pharmaceutique Sanofi développe un médicament anti-cancéreux à base d’un métal rare, le plomb-212. Dans les batteries, Orano s’est associé avec son partenaire chinois XTC New Energy en créant deux co-entreprises destinées à la production des matériaux critiques. Une décision d’investissement pour une première usine est attendue pour fin 2025, a indiqué Nicolas Maes.
En anticipation de ses besoins d’investissement, le groupe a réalisé en octobre dernier une augmentation de son capital de 300 millions d’euros souscrite par l’État français, son principal actionnaire à 90,33 %.
Source: JeuneAfrique
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