Deux plongeurs français se retrouvent nez à nez avec le poisson le plus discret du monde

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Deux plongeurs français se retrouvent nez à nez avec le poisson le plus discret du monde
Deux plongeurs français se retrouvent nez à nez avec le poisson le plus discret du monde

Africa-Press – Niger. Le cœlacanthe, ce poisson emblématique des profondeurs souvent qualifié à tort de « fossile vivant », cultive la discrétion. Ce n’est qu’en 1938 que le premier spécimen a été identifié, au large de l’Afrique du Sud. Aujourd’hui, deux espèces sont connues: Latimeria chalumnae qui fréquente les eaux africaines avec une population conséquente (autour de 300 individus) autour des Comores et Latimeria menadoensis, en Indonésie. Jusqu’à présent, aucun de ces poissons n’avait jamais été observé vivant autour de l’archipel des Moluques et seuls des engins robotisés avaient pu le prendre en photo, ailleurs dans les eaux indonésiennes.

Un coup de chance mais pas de hasard

En octobre 2024, les plongeurs Alexis Chappuis et Julien Leblond ont immortalisé pour la première fois un cœlacanthe indonésien lors d’une plongée technique exigeante. Cette expédition, fruit d’une collaboration entre le Muséum national d’Histoire naturelle, l’association française UNSEEN et des institutions indonésiennes, visait à localiser ces poissons dans des zones peu explorées. « Quand j’ai entendu Julien crier sous l’eau, pendant quelques secondes j’ai cru à une plaisanterie. Mais non ! A 145 mètres de profondeur, derrière le rocher qui me le masquait, il y avait bien un cœlacanthe ! Nous avons pu rester autour de lui pendant près de cinq minutes avant de devoir remonter », s’enthousiasme encore le premier.

Rebelote le lendemain: sur le même site (gardé secret pour préserver sa tranquillité), les deux plongeurs retrouvent le même cœlacanthe reconnaissable à la disposition unique de ses taches blanches, une indication qu’il s’y sent bien. Lui tout seul ou l’indice de la présence d’une petite population à cet endroit? Mystère, il faudra d’autres plongées pour s’en assurer.

Si cette double rencontre relève d’un gros coup de chance, elle n’est pourtant pas due au hasard. Alexis Chappuis a étudié durant de nombreuses années les habitats préférentiels des cœlacanthes: « Ces poissons vivent en profondeur entre 100 et 400 mètres, ils apprécient une eau à moins de 20°C et les substrats complexes avec un paysage sous-marin constitué de tombants ou de cavités avec des roches en surplomb », précise-t-il. Il a ensuite passé au crible les cartes bathymétriques des Moluques qui comptent pas loin d’un millier d’îles pour « sélectionner les sites les plus propices ». Et ensuite il a fallu les explorer avec, depuis 2022, près d’une cinquantaine de plongées de 2 à 3 heures à chaque fois en grande profondeur, une routine harassante mais finalement gagnante ! Les détails de cette expédition font même l’objet d’une publication scientifique dans la revue Scientific Reports.

Un témoin vivant de l’évolution des vertébrés

Apparu il y a environ 410 millions d’années, le cœlacanthe possède des caractéristiques anatomiques uniques: des nageoires charnues articulées évoquant des membres, un crâne divisé en deux parties mobiles et un vestige de poumon. Ces traits en font un modèle précieux pour étudier la transition des vertébrés aquatiques vers la vie terrestre. Contrairement à l’idée reçue, le cœlacanthe n’est pas un « fossile vivant », les poissons actuels sont des organismes différents et qui ont évolué, certes lentement et avec peu de modifications morphologiques.

Le cœlacanthe indonésien est classé comme « vulnérable » par l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature). Sa longévité exceptionnelle, pouvant atteindre 100 ans, et sa maturité sexuelle tardive, autour de 55 ans, associées à une gestation de près de cinq ans, le rendent particulièrement sensible aux perturbations environnementales. La pollution et le changement climatique constituent aussi des menaces majeures pour sa survie. Cette rencontre inédite souligne l’importance de préserver les habitats profonds et peu explorés où vit le cœlacanthe.

La cartographie précise de ces zones pourrait permettre la création de nouvelles aires marines protégées, essentielles pour la conservation de cette espèce et de la biodiversité marine en général. « On connaît finalement très peu de choses sur les cœlacanthes et encore moins sur celui d’Indonésie qui n’a été découvert qu’en 1997. Nos observations vont permettre de mieux connaître son aire de répartition et d’autres plongées sont prévues d’ici la fin de l’année. J’espère avoir la chance d’en croiser d’autres ! », conclut Alexis Chappuis.

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