Alexis Billebault
Africa-Press – Niger. Le 26 avril dernier, un peu plus d’un mois après la réélection de l’homme d’affaires sud-africain Patrice Motsepe à la présidence de la Confédération africaine de football (CAF) pour un second mandat de quatre ans, le Comité exécutif de la CAF a validé le lancement d’un nouveau programme d’ampleur destiné à soutenir les 54 fédérations nationales affiliées. Ce « CAF impact », officialisé le 17 juin, est destiné à répondre à trois problématiques: le développement des infrastructures, l’amélioration de l’inclusivité sociale et l’amélioration de la gouvernance financière.
Le premier axe, relatif à l’investissement et au développement des fédérations, vise à leur fournir des ressources financières qui leur permettent d’engager la construction de structures de formation des talents locaux. Le second prévoit un renforcement des aides au développement du football féminin. Quant au troisième, la CAF le résume ainsi: « Il faut encourage et développer la bonne gouvernance des fonds alloués au football en Afrique pour que leur gestion éthique et responsable rende possible son développement » sur le long terme.
Près de 2 millions d’euros pour chaque fédération
Chaque fédération touchera, entre 2026 et 2029, la somme de 1 370 000 euros à laquelle viendront s’ajouter des primes pour un montant total de 430 000 euros environ. Des dotations en hausse de 60 % par rapport à la période précédente (2021-2025). « Faites le calcul de l’opération: on parle de près de 100 millions d’euros au total. On ne va donc pas reprocher à la CAF de vouloir contrôler la bonne utilisation de cet argent, même si le risque zéro n’existe pas », confie à Jeune Afrique le président d’une fédération ouest-africaine sous couvert d’anonymat. Mais il prévient: « Avec cette mesure de traçabilité des fonds, il va falloir que les fédérations soient particulièrement rigoureuses. »
« La CAF et son président veilleront à ce que chaque dollar investi serve à développer le football africain », a prévenu le secrétaire général de l’instance, Véron Mosengo-Omba, le 17 juin dernier, lors du lancement officiel du programme. Un discours qui, dans la bouche du très puissant numéro 2 de la CAF, par ailleurs très proche du président de la Fifa, Gianni Infantino, pourra sembler paradoxal à certains observateurs du football africain.
En effet, en juillet dernier, des fuites ont révélé l’existence d’un audit interne sur la gestion de Véron Mosengo-Omba. Le rapport, qui préconisait une suspension du secrétaire général qui n’a jamais été appliquée, pointait notamment de « possibles conflits d’intérêts et du favoritisme envers certaines délégations africaines […] sur l’envoi de matériel footballistique ». Sans oublier d’évoquer des « agissements peu conformes à l’éthique de l’institution », comme le rappelait Jeune Afrique dans une enquête consacrée à la gestion de la CAF.
Pour autant, l’instance sportive a promis que, désormais, des contrôles de gestion seront réalisés ponctuellement par des cabinets indépendants. « Il y a clairement une volonté d’éviter les abus, et de s’assurer que des sommes versées pour un programme précis soient bien utilisées dans leur totalité pour celui-ci, et pas pour autre chose. Parce que cela est déjà arrivé, que ce soit avec l’argent de la Fifa ou de la CAF », reconnaît le président d’une fédération d’Afrique australe qui, lui aussi, a réclamé l’anonymat. Un constat qui le conduit à estimer que « la mise en garde de la CAF est légitime ».
Manne financière et questions éthiques
Si la volonté affichée de remettre de la transparence et de l’éthique dans la gestion des fonds alloués par la CAF semble nouvelle, l’ampleur de la manne promise n’a pas surpris les dirigeants des fédérations africaines. « Alors que le premier mandat de Patrice Motsepe n’était pas terminé et qu’il n’avait pas annoncé qu’il était candidat à un second mandat, il avait déjà évoqué l’augmentation des subventions, note ce dirigeant ouest-africain. À l’époque, on avait assimilé cela à une déclaration non officielle de candidature. »
Lors de la 46e Assemblée générale de l’instance du football africain, en octobre dernier à Addis-Abeba, en Éthiopie, Fouzi Lekjaa, le très influent président de la Fédération marocaine de football et président de la commission des Finances au sein de la CAF, s’était félicité de pouvoir afficher « des perspectives budgétaires positives pour l’exercice 2024-2025, avec des recettes prévues de 149,9 millions de dollars et des dépenses de 138,2 millions de dollars, soit un bénéfice net de 11,7 millions de dollars ». Il avait alors insisté, au nom de l’équipe dirigeante de la CAF, sur le fait que « la transparence et la responsabilité sont les pierres angulaires de notre gestion financière ».
Sponsors historiques et nouveaux partenaires
De fait, ces derniers mois, la confédération africaine a engrangé nombre de succès sur le plan financier. En janvier dernier, la reconduction pour quatre ans du contrat de partenariat entre l’instance et TotalEnergies, sponsor de pas moins de onze compétitions, dont la Coupe d’Afrique des nations, est l’un des derniers en date. Lors de la signature, aux côtés de Patrice Motsepe, Patrick Pouyanné, le PDG du géant français, s’est déclaré « fier de soutenir l’essor de ce sport populaire qui incarne des valeurs de diversité, de cohésion et d’unité à travers l’Afrique, un continent sur lequel la Compagnie est un acteur historique ». Pour sa part, Patrice Motsepe a dressé le parallèle entre les « valeurs de gouvernance, d’éthique, de transparence et d’engagement pour le développement et la croissance de nos communautés et de nos pays en Afrique [qui] sont également des valeurs auxquelles TotalEnergies est attachée ».
En mai dernier, la CAF a également signé avec l’Union européenne: un contrat inédit, qui porte sur une période de trois ans, et via lequel l’UE va payer son écot à la Coupe d’Afrique des nations, à la Coupe d’Afrique des nations féminines et au Championnat africain de football scolaire de la CAF. Devant le Commissaire européen en charge des partenariats internationaux, le Tchèque Jozef Sikela, Patrice Motsepe n’a pas manqué de souligner que cet accord « est également une reconnaissance des progrès significatifs réalisés au sein de la CAF » sur les questions « de gouvernance, d’éthique et de transparence », ainsi que sur ce qu’il a qualifié de « tolérance zéro à l’égard de la corruption ».
Source: JeuneAfrique
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