Africa-Press – Niger. Bonjour Monsieur le Directeur, il y a quelques semaines, des habitants de la Ceinture Verte de Niamey ont reçu un avis de déguerpissement de la part des autorités régionales. Quel est le bien-fondé de cette mesure?
Avant peut-être de répondre à votre question, permettez-moi de préciser que ce ne sont pas véritablement tous les habitants de la Ceinture Verte qui sont concernés. La ceinture verte, c’est de l’hippodrome, elle contourne d’Est en Ouest la ville de Niamey, jusqu’à la route Tillabéri ; c’est 2331,35 hectares. Alors, la partie concernée par le déguerpissement, ce n’est que 397 hectares sur 2331 hectares. Donc, c’est certaines parties de la ceinture verte qui sont concernées. Parce que, comme vous le savez, la ceinture verte a fait l’objet de morcellements, de lotissements, d’occupations, de fois anarchiques. A un moment donné, l’État a fait le point. Le constat a fait état d’une ceinture vraiment menacée. Certaines parties ont été transformées en zones urbaines d’habitation. Ce qui a amené l’Etat à déclasser une grande partie.
Quand l’acte a été pris, les parties qui font l’objet aujourd’hui de déguerpissement étaient des parties totalement vides, donc non occupées. Et l’État a dit qu’on va sauver ce qui peut l’être. En ce sens, on a pris ces parties, on les a délimitées et on les a placées dans le domaine de l’État pour cause d’utilité publique. Maintenant, ce sont ces parties-là qui sont concernées, qui ont reçu les avis. En réalité, le déguerpissement a commencé depuis juin. Le 22 juin 2025 exactement, nous avons commencé à faire déguerpir les gens.
Et ce sont des Nigériens comme ceux qui sont dans la seconde phase, parce qu’on a préféré le faire en deux phases. Du simple fait que certains sont dans des habitations en matériaux précaires qu’on peut facilement enlever. D’autres, par contre, sont dans des habitations en matériaux définitifs. Donc à eux, on a donné un temps pour leur permettre d’enlever tout ce qui est utile.
Le bien-fondé de cette opération est juridique. C’est un espace qui a fait l’objet de deux décrets d’expropriation. Deux décrets qui l’exproprient pour cause d’utilité publique. Et si un terrain est exproprié pour cause d’utilité publique, aucun individu encore ne peut se réclamer le droit de venir s’installer dans ce domaine-là. Donc c’est juste pour faire justice à l’État que cet acte-là a été pris. On a enlevé, maintenant ce qui reste, c’est beaucoup moins de 200 hectares. Il y a plus de 200 hectares qui ont été libérés dans la première phase, ce sont des Nigériens aussi. Donc c’est dans la logique de faire justice à tout le monde. On ne peut pas chasser Y parce qu’il est pauvre et laisser X parce qu’il est riche. C’est cela la méthode et c’est dans ce sens que nous sommes en train d’œuvrer.
Cette décision suscite de vives réactions, notamment chez les personnes concernées, qui brandissent des actes et titres qui leur conféreraient légalement la propriété de ces parcelles. Qu’en est-il réellement?
Concernant des actes, on a déjà vu beaucoup de faux qui ont caractérisé le foncier à Niamey. Il y a présentement des gens qui croupissent derrière les barreaux à cause de malversations dans le foncier. Ils ont fait beaucoup de faux. Bref, les actes qu’ils soient faux ou pas, l’État n’a pas nié leurs actes, dans ce cas précis. Mais quand l’État a exproprié pour cause d’utilité publique, il a nommé des commissaires enquêteurs. Parce que l’espace en ce temps-là n’était pas bâti en réalité. C’est après que les gens sont venus pour le bâtir, malgré qu’ils aient été poursuivis. Ils viennent nuitamment, des fois à 2h, 3h du matin pour construire et disparaître au petit moment. Donc, s’ils prennent des actes d’accord, il y avait un arrêté du Ministère de l’Urbanisme qui a annulé tous les lotissements qui sont dans cette bande. Ils ont fait recours à la justice et justement la Cour d’État leur a donné raison. La Cour d’État a annulé cet arrêté du Ministère de l’Urbanisme qui a annulé les lotissements. Mais après, l’État a exproprié pour cause d’utilité publique. Et ça, c’est légal. C’est le rôle régalien de l’État.
Nous ne refusons pas leurs actes. Mais l’État leur a dit d’aller se faire enregistrer pour être dédommagé par rapport aux parcelles. Parce que quand l’État l’a exproprié, ce n’était qu’un terrain vide. Et l’État a pris des dispositions pour les dédommager. Voilà ce que je peux dire par rapport à ça.
Pour rappel, le 17 janvier 2020, l’État a envisagé à travers un projet de décret adopté en Conseil des ministres, la consécration de certaines parties de la Ceinture Verte en forêt domaniale de l’État, puis en janvier 2023 deux décrets ont déclaré d’utilité publique probablement les mêmes espaces. Quelle a été la suite? Y a-t-il un lien avec cette opération de déguerpissements?
Bien avant ces décrets, le 12 juillet 2019, il y avait eu un communiqué conjoint du Ministère de l’Urbanisme et de la délégation spéciale de Niamey qui interdisait toute construction dans la Ceinture Verte. En 2020, comme vous l’avez dit, le 17 janvier, je pense, un décret a été pris en Conseil des ministres. Il classe justement certaines parties de la Ceinture Verte en forêt domaniale de l’État. Seul l’État peut se réclamer une propriété sur cet espace-là. La suite… c’est ce même espace-là que nous sommes en train de libérer aujourd’hui. C’est ce même espace-là qui a fait l’objet d’occupation par la population.
Après 2020, précisément le 12 janvier 2023, deux décrets ont été pris. Ce sont des décrets qui déclarent d’utilité publique les travaux entrant dans le cadre d’aménagement de certaines parties de la Ceinture Verte. Et ces décrets-là sont conformes aux décrets de 2020. C’est-à-dire, ce sont les mêmes espaces avec les mêmes coordonnées géographiques qui sont concernés toujours. En février 2020, deux commissaires enquêteurs ont été nommés, avec publicité qui demandait à ceux qui se réclament propriétaires légitimes de ces espaces-là d’aller se faire enregistrer, au niveau notamment des communes 4 et 3 qui sont concernées.
Deux ans et demi après, quand nous avons fait le point, seulement six personnes se sont fait enregistrer. Ça veut dire qu’il y a une volonté manifeste des gens à ne pas vouloir libérer ces espaces-là. Alors l’État n’a d’autre choix que de passer par la méthode que nous avons adoptée maintenant. Et maintenant qu’ils ont constaté ça, quand vous partez chez les commissaires enquêteurs, vous allez trouver que la queue est longue. Les gens se bousculent pour se faire enregistrer.
Si déguerpissement il y a, quel sera alors le sort des ménages concernés? Au-delà de la question du terrain, ceux qui ont construit, auront-ils un dédommagement sur leurs dépenses?
Nous devons comprendre que nous ne sommes pas dans un cas de réinstallation. Là, ce sont ces gens-là qui ont trouvé le projet. Parce que c’était déjà déclaré d’utilité publique et les gens sont venus s’installer. Et ça, c’est cadré par la loi. La loi est claire. L’espace était libre. On dédommage ce que le décret a trouvé. Et ce que le décret a trouvé, c’est le terrain. L’État va dédommager les propriétaires. Mais celui qui vient nuitamment construire, l’État ne peut pas rembourser sa construction, parce qu’il lui a été interdit de le faire quand il l’a fait. D’ailleurs, c’est même une infraction de venir construire sur un terrain que l’État a déclaré d’utilité publique.
Monsieur le Directeur, en tant que technicien du domaine, est-ce que vous pouvez nous rappeler brièvement l’importance de cette Ceinture Verte pour la ville de Niamey, quand on sait qu’en ces dernières années, les effets du changement climatique s’accentuent de plus en plus?
Oui, en fait, l’objectif, la motivation, c’est depuis 1961 que nos autorités ont réfléchi, au vu de l’exposition du Niger au phénomène de désertification, et ont trouvé opportun de protéger la ville de Niamey en faisant cette bande verte qui est un écran contre les intempéries, que ce soient les vents de sable, les vents de poussière, les pluies torrentielles, ou toute forme de calamité climatique.
Cet espace est là pour former non seulement un écran, mais c’est aussi un poumon écologique pour réduire un peu la pollution de la ville de Niamey parce que c’est un vrai puits de carbone qui est là-bas qui absorbe tous nos gaz carboniques. Alors ça, c’est vraiment son importance écologique.
Et maintenant, quelles sont les perspectives au niveau de l’État pour une préservation durable de ce dispositif écologique?
Chaque décret d’expropriation vient avec son projet. Donc, quand l’État déclare d’utilité publique c’est qu’il y a un projet qui est prévu pour chaque bloc. Il y a cinq grandes actions qui sont retenues. Nous aurons un Jardin Botanique un Parc Aquatique, un Parc Zoologique, une Aire de Sport et une Aire de détente qui sera adaptée à tous les âges. Donc, voilà les grands projets que nous avons pour la Ceinture Verte de Niamey.
Maintenant, quel est votre appel ou votre mot à l’endroit des personnes qui sont concernées par cette 2è phase de déguerpissement au niveau de la Ceinture Verte, des personnes qui protestent toujours?
J’appelle à leur compréhension, ce n’est pas qu’on veut leur faire du mal. C’est seulement qu’on a un souci de faire justice à tous les Nigériens. Donc, je les invite franchement à laisser toutes les manœuvres et à coopérer avec l’État, à aller s’enregistrer au niveau des commissaires enquêteurs nommés pour l’opération de dédommagement.
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