En Afrique, le pétrole reste roi malgré l’urgence climatique

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En Afrique, le pétrole reste roi malgré l’urgence climatique
En Afrique, le pétrole reste roi malgré l’urgence climatique

Moutiou Adjibi Nourou

 

Africa-Press – Niger. Face aux effets du climat, les dirigeants africains promettent de réduire l’usage des énergies fossiles. Mais dans les faits, les urgences du développement imposent une autre réalité: en Afrique, ce secteur décrié pourrait encore prospérer longtemps.

Selon le World Oil Outlook 2025 de l’OPEP, l’Afrique devrait accroître sa capacité de raffinage de 1,2 million de barils par jour d’ici 2030. L’un des bonds les plus rapides au monde, qui confirme l’appétit africain pour les hydrocarbures. Pourtant, cette trajectoire semble en décalage avec le discours dominant sur la transition énergétique, alors même que le continent est l’une des principales victimes du changement climatique.

« Ces 50 dernières années, les sécheresses ont tué un demi-million de personnes et provoqué des pertes économiques de plus de 70 milliards de dollars […] », rappelait William Ruto lors de la COP27, organisée en Egypte en 2022. La Banque africaine de développement (BAD) estime que l’Afrique doit mobiliser 100 milliards $ par an pour sa transition climatique d’ici 2040. Un défi colossal: l’équivalent de près de la moitié du PIB combiné des pays de l’UEMOA en 2024.

Le poids du développement et la rente pétrolière

Face aux urgences de développement – santé, infrastructures, éducation, énergie – les gouvernements africains n’ont guère le choix: ils s’appuient sur leurs ressources fossiles pour financer l’action publique. En amont, l’exportation de brut reste vitale. Au Nigeria, par exemple, 703 milliards de nairas (457 millions $) ont servi au remboursement de la dette en février, soit 86 % des recettes pétrolières du mois, elles-mêmes représentant près d’un tiers des revenus de l’État.

En aval, une autre tendance s’impose: la volonté de capter davantage de valeur ajoutée grâce aux raffineries locales. Après des décennies de monopoles publics peu performants, les États favorisent aujourd’hui l’entrée d’acteurs privés. Allègements fiscaux, exonérations douanières, zones industrielles: les incitations se multiplient. La raffinerie géante de Dangote au Nigeria, la future unité de Cabinda en Angola ou celle de Hoima en Ouganda illustrent cette stratégie.

La transition, entre réalisme et contraintes

Pris entre l’urgence sociale et la pression climatique, plusieurs dirigeants africains défendent une voie médiane. Au dernier Africa CEO Forum, organisé en mai à Abidjan, l’Afrique du Sud a plaidé pour une transition « équilibrée ». « Nous ne pouvons pas sacrifier l’économie pour préserver l’écologie », soulignait alors le ministre des Ressources minérales et de l’Energie, Gwede Mantashe. Son collègue chargé de l’Électricité, Kgosientsho Ramokgopa, a renchéri: « On ne fait pas la transition dans le noir. Quand les lumières sont allumées, que l’industrie redémarre, que nous sortons les gens de la faim et les menons vers l’emploi: là, la conversation devient réelle. »

Ce pragmatisme reflète une réalité: le continent ne contribue qu’à 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, mais il doit en même temps satisfaire la demande croissante en énergie de sa population et trouver les moyens de financer son développement.

Un paradoxe mondial

Ce choix africain n’est pas si marginal qu’on le croit. Malgré les appels à la décarbonation, les investissements dans les fossiles repartent à la hausse à l’échelle mondiale. En 2024, les financements bancaires au secteur ont atteint un record de 869 milliards $. L’or noir, présenté comme un vestige à bannir, reste au cœur des stratégies énergétiques mondiales. Dès lors, la trajectoire africaine apparaît moins comme une exception que comme un miroir grossissant d’un paradoxe mondial: chacun parle de transition, mais partout, les énergies fossiles continuent d’assurer l’essentiel du développement économique.

En Afrique, elles pourraient bien rester encore longtemps ce socle ambigu, à la fois moteur de croissance et obstacle à la durabilité.

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