Tillabéri: Espoir Renouvelé Après Visite Historique

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Tillabéri: Espoir Renouvelé Après Visite Historique
Tillabéri: Espoir Renouvelé Après Visite Historique

Africa-Press – Niger. Les 4 et 5 octobre 2025 resteront gravés dans les mémoires des habitants de Tillabéri. Pendant deux jours, la région a vibré au rythme d’une visite qui a profondément ému toute une population. Le Général d’Armée Abdourahamane Tiani, Président de la République, a choisi la voie terrestre pour se rendre dans cette région meurtrie par plus de six années d’insécurité. Un choix qui n’a échappé à personne et qui résonne comme un message d’espoir fort.

Depuis 2019, la vie à Tillabéri s’est transformée. Les routes sont devenues des zones de danger, les marchés se vident progressivement, et certaines écoles ont dû fermer leurs portes. Pourtant, malgré cette réalité difficile, les habitants refusent de baisser les bras.

Mariatou Sadou enseigne à l’école Dargol Centre. Comme elle le confie, la situation pèse lourd sur le moral: « L’insécurité est une réalité que nous vivons partout dans la région de Tillabéri. Personnellement, je suis en ville, donc un peu plus en sécurité, mais beaucoup de mes collègues sont dans les villages reculés où les écoles sont fermées, où ils travaillent dans la crainte constante ». Pour cette enseignante, partir n’est tout simplement pas envisageable. « Si nous quittons nos localités à cause de l’insécurité, les groupes armés auront plus d’espace. Et si ces enfants ne vont pas à l’école, on ne peut pas espérer en faire des citoyens modèles. Pire encore, sans éducation, ils risquent de rejoindre ces groupes armés ».

Son attachement à sa région dépasse la peur. « C’est le fait d’être issue de cette localité, de ne pas avoir d’autre endroit où aller. Même ceux qui fuient aujourd’hui, reviennent dès qu’ils sentent un peu de sécurité. C’est parce qu’on est attaché à nos racines », ajoute Mariatou.

Dans les boutiques et sur les marchés, l’angoisse est palpable. Daouda Abdoulaye, qui tient un commerce à Tillabéri depuis 2004, ne cache pas son inquiétude: « À Tillabéri, dormir, c’est à moitié. Il est devenu fréquent d’entendre parler d’attaques ici et là. Nous vivons dans la peur permanente et nous prions beaucoup Allah pour qu’Il nous protège. Les bandits viennent jusqu’à l’entrée de la ville pour menacer les habitants ».

Les conséquences économiques sont désastreuses. « Il y a cinq ans encore, nous pouvions nous rendre tranquillement dans les localités environnantes pour nous approvisionner ou livrer nos marchandises. Aujourd’hui, ce n’est plus possible », explique-t-il. « Nos principaux clients étaient les habitants des villages: ils élevaient et vendaient leurs animaux pour obtenir un peu d’argent et venir acheter en ville. Mais, depuis que l’insécurité s’est installée, ils ne peuvent plus exercer leurs activités pastorales comme avant ». Le constat est amer: « Même le chiffre d’affaires mensuel n’atteint plus celui que nous réalisions en une semaine autrefois ».

Illiassou Noma vit à Tillabéri depuis 1994. Ancien chauffeur à la Direction Régionale de la Santé Publique, aujourd’hui retraité, il a vu sa ville changer. « La dernière attaque a eu lieu tout récemment, à l’entrée même de Tillabéri. Il y a eu des morts, et tout le bétail des habitants a été emporté. C’est cela qui m’a fait peur », raconte-t-il. « Avant, je n’avais jamais eu peur. Mais, quand quelque chose arrive jusqu’à la porte de la ville, c’est inquiétant » dit-il.

Il évoque aussi une difficulté majeure dans la lutte contre l’insécurité: « On nous avait donné des numéros à appeler pour signaler les bandits, mais les gens n’osent pas communiquer, parce qu’ils ont peur d’être dénoncés à leur tour. Le plus grave, c’est qu’ils sont d’ici, de la même région. Ce sont des fils du pays, ils se connaissent, mais ils ne se dénoncent pas. C’est ça, le vrai mal ».

Un message présidentiel qui touche les cœurs des populations de la zone

À la zone de défense N°1 de Tillabéri, le Chef de l’État a pris la parole devant les Forces de Défense et de Sécurité. Après avoir rendu un hommage appuyé aux martyrs civils et militaires, il a réaffirmé l’engagement de l’État. « Nous nous battons pour notre pays, pour notre Confédération AES, pour préserver la dignité, l’honneur et la sécurité de nos populations », a déclaré le Général Tiani, accueilli par des applaudissements nourris. Son message est sans équivoque: « Les mercenaires et leurs sponsors se sont écrasés depuis près de dix ans et vont continuer à s’écraser, Inch’Allah ».

Mais, c’est un autre moment qui a particulièrement marqué les esprits: le Président s’est adressé à la population en Soney-zarma, leur langue maternelle. Ousmane Aboubakar, activiste et volontaire humanitaire, ne cache pas son émotion: « Franchement, nous en sommes très fiers. C’est une grande joie pour nous qu’il ait pensé à la région de Tillabéri. Ce qui m’a particulièrement touché, c’est qu’il a tenu son discours dans notre langue, le Zarma. C’est très important, car beaucoup de nos parents, nos mères, nos sœurs ne comprennent pas le français. Il a parlé en termes simples, terre-à-terre. Après le discours, personne n’a eu besoin de demander à un autre ce que le Président a dit. Tout le monde a compris. C’était un geste fort ».

Pour Mariatou Sadou, cette visite représente bien plus qu’un déplacement officiel: « C’est un grand honneur pour nous. Cela montre que le CNSP ne nous a pas oubliés. Le président a dit lui-même que cette visite était importante pour lui, et nous, nous l’attendions aussi depuis longtemps. Sa venue nous a rassurés. Même si parfois nous avons le sentiment d’être oubliés, cette visite nous a redonné de la confiance ».

Elle salue particulièrement le courage du Président: « Le fait qu’il soit venu par voie terrestre, alors que tout le monde s’attendait à ce qu’il vienne en avion à cause de l’insécurité, nous a donné du courage. Et il ne s’est pas arrêté là. Malgré l’assassinat récent de l’AD de Goroual, il va jusqu’à Téra, encore par voie terrestre. Cela montre un engagement réel ».

Une jeunesse qui refuse de céder au désespoir

Dans les rues de Tillabéri, la jeunesse incarne la résilience. Salmane Djibo, 30 ans, membre du Conseil régional de la jeunesse et entrepreneur dans les matériaux de construction, résume l’état d’esprit qui règne: « Vous savez, en toute situation, il faut savoir s’adapter. Ce n’est pas parce qu’il y a l’insécurité qu’on va arrêter de travailler. On est obligé d’avancer malgré tout ».

Il a lancé son entreprise, Entreprise Salmane Djibo SD, en 2023. Pour lui, la clé réside dans l’initiative personnelle: « L’État ne peut pas employer tout le monde. Donc, il faut prendre des initiatives individuelles. Mais, pour entreprendre, il ne faut pas attendre que l’aide vienne d’abord. Il faut démarrer avec ce qu’on a ». Son conseil aux jeunes est simple: « Quand une personne voit que tu es déjà actif, que tu travailles, c’est là qu’elle peut avoir confiance et investir dans ton projet. Je recommande donc aux jeunes de commencer quelque part, même bénévolement. Quand on est performant, quand on fait du bon travail, il finit toujours par être reconnu et récompensé ».

La jeunesse locale multiplie les initiatives pour garder espoir. « Ici au Niger, on a nos sports traditionnels, comme la lutte traditionnelle, qui est très populaire. Il y a aussi des jeunes qui évoluent dans le football, dans les arts martiaux », explique Salmane. Il cite l’exemple d’Alassane, un jeune Nigérien qui joue désormais en Espagne: « Il est une source de motivation pour beaucoup de jeunes ici. C’est en essayant qu’on réussit. Quand on n’essaye pas, on ne gagne rien ».

Ousseini Daoud Abdou, président du Conseil Régional de la Jeunesse, confirme cette dynamique: « Les jeunes de la région sont résilients. Ils continuent d’entreprendre, de produire, de créer et d’accompagner l’État dans ses efforts de développement. Ils sont acteurs de l’économie et soutiens actifs des politiques publiques. Nous nous efforçons de faire en sorte que l’économie ne s’écroule pas, que la vie continue, même dans un contexte difficile ».

Au quotidien, le Conseil organise de nombreuses activités: « Nous organisons des activités sportives, autour du ballon rond, du sport de masse, nous développons des activités culturelles, et surtout, nous créons des espaces de cohésion sociale. Ces initiatives rassemblent la jeunesse locale, mais aussi les jeunes déplacés qui vivent dans la région. Grâce à cela, nous tissons des liens de solidarité, de fraternité, et nous entretenons l’unité ».

Parmi les projets phares figure l’initiative « Le retour des jeunes à la terre ». Ousseini explique la logique: « Le chômage pousse certains jeunes vers l’extrémisme, le manque d’opportunités rend les jeunes vulnérables, et le travail de la terre peut être une solution viable, locale et durable. Lorsqu’un jeune est occupé, indépendant financièrement, il est moins susceptible de tomber dans des dérives ».

Au-delà du travail, il insiste sur l’importance de la formation citoyenne: « Ce qui manque souvent au Niger, c’est une conscience patriotique forte. Il est essentiel de sensibiliser les jeunes à leur rôle citoyen, à travers des écoles de citoyenneté, des programmes de civisme et de patriotisme, et des campagnes pour leur faire comprendre que le Niger est leur héritage commun ».

Les femmes aussi se battent. Mamar Issaka Nafissa, communicatrice et jeune leader, décrit leur engagement croissant: « Concernant la cohésion sociale et la survie économique, je dirais qu’il y a aujourd’hui un élan remarquable chez les femmes. De plus en plus, elles refusent de se limiter au rôle que la société leur a longtemps attribué. Elles se lèvent, elles s’affirment, et elles apportent leur voix dans plusieurs domaines: économie, leadership, paix, refondation sociale ».

Elle note un changement profond dans les mentalités: « Je constate une forte solidarité et une réelle cohésion entre les femmes, notamment autour des causes sociales et du développement local. Sur le plan économique, les femmes contribuent énormément à la résilience des familles et à la stabilité du pays. Beaucoup créent de petites entreprises, participent aux marchés et aux foires locales, et trouvent ainsi des sources de revenus qui renforcent non seulement leur indépendance, mais aussi l’économie locale ».

Pour Nafissa, l’entrepreneuriat féminin est une question de liberté: « Pour moi, entreprendre, c’est s’affirmer. Une femme ne peut pas être pleinement libre ni exprimer ses opinions si elle dépend financièrement de quelqu’un. L’indépendance économique, c’est la base de la liberté. Et cette liberté passe forcément par une source de revenus stable ».

Elle souligne les défis qui persistent: « Ici à Tillabéri, beaucoup de femmes cultivent la tomate, l’oignon ou d’autres produits maraîchers, mais il n’existe pas d’usines de transformation ou de conservation. Résultat: une grande partie de la production se perd ». Sa demande à l’État est claire:« Si l’État pouvait créer des unités de transformation locales, cela permettrait non seulement de réduire les pertes agricoles, mais aussi de former les jeunes femmes à la transformation et à la conservation des produits locaux. Ce serait un grand pas vers l’autonomisation économique et la réduction du chômage ».

Cette préoccupation est partagée par Salmane Djibo: « Ici à Tillabéri, les gens produisent beaucoup, mais ils ne peuvent pas conserver ni transformer ce qu’ils produisent. Par exemple, pendant la récolte de l’oignon, le sac peut coûter 4 000 à 5 000 francs, alors qu’en saison creuse, il peut valoir jusqu’à 25 000 francs. C’est parce qu’on ne peut pas conserver. Donc si l’État met en place des unités de conservation et de transformation, cela va créer des emplois, aider les producteurs à mieux vendre leurs produits, et contribuer au développement économique de la région ».

Des attentes concrètes des populations

À travers tous ces témoignages, une attente commune se dessine: celle d’un soutien concret de l’État, particulièrement en matière de sécurité et de développement économique. Daouda Abdoulaye formule un souhait précis: « Nous espérons qu’à la suite de la visite du Chef de l’État, il puisse rencontrer les chefs coutumiers, religieux, les sages de la région ainsi que toutes les personnalités influentes, afin d’engager un véritable dialogue. Cela pourrait contribuer fortement au retour de la paix dans notre région ». Illiassou Noma, lui, prône la fermeté: « Pour moi, la solution, c’est d’agir fermement. Il faut que cela s’arrête une bonne fois pour toutes. J’ai espoir que ça finira, parce que ces gens-là ne pourront pas continuer éternellement ».

Ousmane Aboubakar résume l’espoir général: « Nous espérons un réel changement, surtout au niveau de la sécurité. C’est notre priorité. Si la sécurité est assurée, beaucoup d’activités économiques pourront reprendre, et les jeunes auront de nouveau des perspectives ».

Malgré tout, certains gardent un optimisme inébranlable. Mahamadou Gagara, commerçant depuis plus de trente ans, conclut avec confiance: « L’insécurité, c’est une situation qui finira par passer. Personnellement, je ne suis pas trop inquiet, car je suis convaincu qu’il y aura une issue favorable. Pour moi, le marché continue de bien se dérouler, et j’arrive à gagner ma vie grâce à mon commerce, malgré les difficultés liées à l’insécurité. À la suite de la visite du Président de la République, nous espérons voir la fin de cette situation qui prévaut dans notre région ».

Au terme de ces deux journées historiques, un sentiment d’unité s’est imposé à Tillabéri. Dans les regards des habitants brille désormais une lueur nouvelle, celle de l’espoir. Les mots du Président, les témoignages des habitants, les chants et les acclamations se mêlent dans une même prière: que la paix revienne. Mariatou Sadou résume parfaitement ce qui anime tous les habitants de la région: « Nous, les jeunes, nous sommes prêts à le soutenir, pour un Niger meilleur, souverain et en paix. Que la paix revienne dans notre région de Tillabéri, dans tout le pays, et dans toute la zone sahélienne. Nous n’avons pas d’autre région que la nôtre. Nous devons rester, car c’est chez nous ».

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