Que se Passe-T-Il entre le Niger et le Bénin: Fermeture des FrontièRes, Blocus ÉConomique, et ArrêT des Exportations de Pétrole ?

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Que se Passe-T-Il entre le Niger et le Bénin: Fermeture des FrontièRes, Blocus ÉConomique, et ArrêT des Exportations de Pétrole ?
Que se Passe-T-Il entre le Niger et le Bénin: Fermeture des FrontièRes, Blocus ÉConomique, et ArrêT des Exportations de Pétrole ?

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Niger. La situation vécue en ce moment par les deux pays voisins en Afrique de l’Ouest, à savoir « le Niger » et « le Bénin », est à la fois préoccupante et embarrassante. Il s’agit d’une situation qui a abouti à la fermeture des frontières, à l’arrêt des exportations du pétrole nigérien, en plus d’autres restrictions entre les deux pays.

• Le secret du différend entre le Niger et le Bénin

Le différend a pris de plus en plus de l’ampleur, et des développements rapides ont lieu dans les relations entre le Niger et son voisin le Bénin suite à la décision prise par le président béninois d’empêcher l’exportation de pétrole du Niger via les ports du Bénin en raison de l’escalade du différend frontalier entre les deux pays.

Depuis plus de 9 mois, les autorités nigériennes tenaient leurs frontières fermées avec leur voisin béninois, tandis que le président béninois Patrice Talon a stipulé que les autorités nigériennes rouvriraient les frontières si elles souhaitent utiliser les ports béninois pour exporter leur pétrole.

A noter que le président Patrice Talon accusait le Niger de traiter son pays comme s’il était un « ennemi ».

Il importe de rappeler que les relations entre le Niger et le Bénin sont devenues tendues après le coup d’État perpétré par des militaires au Niger, l’année dernière. Dans ce contexte, le Bénin et d’autres pays d’Afrique de l’Ouest ont imposé des sanctions au Niger, notamment la fermeture de la frontière, dans le but de forcer l’armée à restituer le pouvoir au gouvernement élu de « Mohamed Bazoum ».

Les sanctions imposées par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont été allégées en février dernier et devraient conduire à la normalisation des relations commerciales avec le Niger, mais ce dernier a refusé d’ouvrir ses frontières terrestres aux marchandises en provenance du Bénin.

• Patrice Talon met la pression sur Abdourahamane Tchiani

C’est ainsi que le président Talon a accusé le Niger de ne pas coopérer pour rétablir les relations et a déclaré: « Si vous voulez exporter votre pétrole depuis nos ports, vous devez prendre en compte que le Bénin n’est pas un État ennemi et que son territoire ne peut faire l’objet d’un commerce illicite ou d’un échange informel ».

La décision du Bénin de cesser d’exporter le pétrole du Niger via ses ports met en péril les projets de Niamey de commencer à exporter du pétrole, car ce pays africain enclavé produit environ 20.000 barils par jour, principalement pour la consommation intérieure en raison de l’absence de route d’exportation, sachant qu’après l’achèvement du pipeline de 2.000 kilomètres (1 240 milles) à travers le Bénin, mis en œuvre par une société chinoise, la production pétrolière du Niger devait augmenter considérablement pour atteindre 110.000 barils par jour.

Concernant les raisons des divergences entre les deux pays, les observateurs estiment que les autorités nigériennes ferment les frontières par peur de la présence militaire française dans l’Etat du Bénin, car elles craignent que ces forces s’infiltrent pour déstabiliser le Niger.

Les mêmes observateurs soulignent également que le Bénin perd environ 7 millions de dollars par jour relatifs aux frais de transit pétrolier que le Niger aurait payés, et que le Bénin bénéficiait grandement du passage du commerce du Niger à travers ses ports et territoires.

C’est pourquoi le Bénin, qui en profitait, est donc devenu obligé de trouver une solution à cette crise afin de restaurer les relations bilatérales entre les deux pays, car le Bénin subit des pertes plus importantes en raison de la décision du Niger de maintenir les frontières fermées et du fait que la plupart des importations et des exportations du Niger qui passaient par le Bénin, avant le coup d’État, passent désormais par le Togo.

Il importe de rappeler que la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) avait fermé les frontières terrestres et aériennes avec le Niger pour tenter de persuader les putschistes qui prirent le pouvoir lors d’un coup d’État en juillet 2023 de rétablir un régime civil.

Néanmoins, malgré la levée des sanctions plus tôt cette année, le Niger a continué à maintenir fermées ses frontières terrestres avec le Bénin.

Le président béninois Patrice Talon a déclaré, le 9 mai dernier: « Nous sommes ouverts à travailler avec le Niger… Ce sont les autorités nigériennes qui refusent aux camions de traverser le Bénin. Ils refusent que le port de Cotonou les dessert ».

• Niger – Chine: Coopération avec la China National Petroleum Corporation

Le Niger devrait exporter sa première livraison de brut au cours du mois de mai courant, dans le cadre d’un prêt de 400 millions de dollars adossé à des produits de base, en coopération avec la « China National Petroleum Corporation », une société d’État.

Selon l’accord de prêt, le Niger enverra du pétrole à la Chine sur une période de 12 mois en remboursement à un taux d’intérêt de 7 %. La China National Petroleum Corporation a déjà construit un pipeline de 1 200 milles pour transporter le pétrole du Niger vers le Bénin voisin, dans le cadre d’un accord d’investissement de 4,6 milliards de dollars dans le secteur pétrolier du Niger.

Il était attendu que le Niger commence à expédier 90 000 barils par jour ce mois-ci, passant à 110 000 barils par jour une fois que le pipeline serait pleinement opérationnel.

Sauf que le différend est considéré comme mettant à mal le projet et affectant les relations entre les deux pays, qui étaient de proches partenaires commerciaux avant le coup d’État au Niger.

Réagissant à ce différend, le Premier ministre nigérien, Mahamane Lamine Zein, a indiqué: « Nous avons maintenu ces frontières fermées pour des raisons purement sécuritaires », n’excluant pas de « trouver une solution » pour exporter le pétrole nigérien via les ports béninois.

Quant au président béninois Patrice Talon, il souhaite « renouer rapidement les relations » avec le Niger, ce qui pourrait libérer les artères du pays africain étouffé par les conséquences du coup d’État dans le voisinage.

Dans un discours prononcé devant l’Assemblée nationale, Talon a affirmé sa volonté « de rétablir rapidement les relations entre le Bénin et les pays témoins des coups d’État ».

Il a ajouté avoir envoyé des messages « de manière secrète et répétée, à ces pays frères, notamment au Niger », où un coup d’État militaire en juillet dernier a renversé le président Mohamed Bazoum.

Talon a souligné qu’« il y a un temps pour condamner, un temps pour exiger et un temps pour étudier la situation et agir en fonction de celle-ci », estimant que « passer à l’action nécessite que nos interlocuteurs jouent leur rôle en exprimant clairement leurs intentions, mais aussi leurs attentes, envers la communauté internationale ».

• La fermeture des frontières entre le Niger et le Bénin: Une vraie source de problèmes

La fermeture des frontières terrestres entre le Bénin et le Niger, qui est en vigueur depuis le 30 juillet 2023, suite à un coup d’État militaire au Niger, a conduit finalement à l’interdiction de la circulation fluviale entre les deux pays voisins.

Il importe de rappeler que les populations locales dépendent du commerce transfrontalier, et cette situation de fermeture de la frontière, a été la cause des perturbations importantes qui ont conduit également à des tensions entre les deux pays, surtout, depuis le 23 mai 2024, lorsque les autorités béninoises ont officiellement mis fin à la circulation fluviale illégale entre le Bénin et le Niger.

A noter que la circulation fluviale entre le Bénin et le Niger était tolérée depuis longtemps, même si officiellement elle n’est pas autorisée.

• Vers la décrispation entre le Niger et le Bénin ?

Malgré la fermeture persistante de la frontière terrestre entre le Bénin et le Niger, les observateurs et connaisseurs des affaires africaines dans la région du Sahel africain ont fait état d’une semblance de lueur d’espoir apparue dans les relations entre les deux pays.

Dans ce contexte, le 19 mai 2024, il a été constaté qu’un premier navire chargé d’un million de barils de brut nigérien a été autorisé à quitter les eaux béninoises, sachant que les autorités béninoises ont tenu à préciser que cette autorisation d’exportation est « ponctuelle et provisoire », quant à la réouverture permanente de la frontière terrestre, elle reste conditionnée à la levée des restrictions par le Niger.

Malheureusement, au jour d’aujourd’hui, le constat est qu’au lieu de vivre la décrispation, c’est plutôt la crispation qui prend de l’ampleur entre les deux pays après l’interdiction de la circulation fluviale entre le Bénin et le Niger.

• Où va-t-on donc ?

Dans le contexte régional complexe que traverse l’Afrique subsaharienne et dans le cadre de nouveaux chapitres de la lutte de pouvoir mondiale pour le continent africain, le différend entre les deux voisins ne signifie pas une différence de positions et de perceptions, mais plutôt une crise économique susceptible d’exacerber les problèmes de pauvreté multidimensionnelle et d’empêcher la réalisation des espoirs de progrès économique qui se profilaient à l’horizon avec la découvertes pétrolières dont le Niger a été témoin au cours des 10 dernières années.

• Doit-on s’attendre à des répercussions négatives ou positives ?

La poursuite de la crise aurait un impact négatif sur la réalité économique des deux pays. Le Niger prévoit de produire 110 000 barils de pétrole du champ d’Agadem et en exportera environ 90 000 barils à l’étranger.

Alors que l’investissement total dans le champ s’élève à plus de 6 milliards de dollars, le gouvernement a contracté un prêt de 400 millions de dollars auprès de la Chine pour soutenir son budget cette année, à rembourser après avoir exporté et vendu le pétrole à l’étranger.

L’un des points forts sur lesquels se base le Niger, c’est le fait que le Fonds monétaire international prévoit que l’économie nigérienne connaîtra une croissance de 11 % d’ici cette année, ce qui fera de Niamey le pays le plus développé d’Afrique subsaharienne.

Bien que le Niger dispose de multiples ressources, dont la plus importante est l’uranium, à partir duquel il produit 5% de la production mondiale totale, la décision du Bénin de l’empêcher d’exporter du pétrole va anéantir ses ambitions de passer du bas des pays les plus pauvres du continent vers la liste des pays à la croissance la plus rapide, dotés de richesses renouvelables et diversifiées.

De l’autre côté, on trouve un Bénin dépendant des dons et des donateurs, classé parmi les pays les plus pauvres de la région ouest-africaine, soufrant de l’inflation et des prix élevés. Depuis de nombreuses décennies, il exporte ses produits agricoles à Niamey, et son port est classé comme un port majeur vers le Niger, par lequel il perçoit d’importantes redevances et taxes.

C’est pourquoi, la poursuite de la crise politique entre les deux pays entraînerait de nombreuses pertes financières, ce qui a été confirmé par le Premier ministre nigérien dans son discours aux médias locaux, soulignant que des milliers d’emplois directs et d’importantes recettes fiscales sont menacés.

Selon la presse locale nigérienne, une délégation chinoise effectuera une tournée dans les prochaines semaines et devrait tenir un sommet réunissant les responsables des deux pays.

Par ailleurs, selon Mahamane Lamine Zein, il n’est pas exclu de trouver une solution au problème des exportations de pétrole et que son pays ait demandé à la Chine de jouer le rôle de médiateur, mais le président béninois, Patrice Talon, a déclaré que si le Niger veut continuer à exporter son pétrole via Cotonou, il doit ouvrir les frontières terrestres.

À cet égard, on estime que la Chine pourrait réussir à faire converger les vues entre les deux voisins, d’autant plus qu’elle n’est pas l’une des parties au conflit politique dans la région, car sa présence et son influence se concentrent sur les aspects économiques, et que si les efforts déployés par la partie chinoise n’aboutissent pas, selon Zein, le Niger pourra recourir au port de Lomé en République du Togo et repartir de zéro, malgré son coût élevé.

A noter que Niamey s’est concentré pour le moment sur le port de Lomé comme nouveau front et, en échange, les autorités togolaises ont supprimé, quant à elles, les droits de douane sur les marchandises transitant par son port afin d’encourager Niamey et le reste des pays côtiers enclavés.

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