Journée Nationale de l’Arbre 2025 : Sur les traces de feu Abdoul Razak Tarno, grand mobilisateur en faveur de l’arbre

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Journée Nationale de l’Arbre 2025 : Sur les traces de feu Abdoul Razak Tarno, grand mobilisateur en faveur de l’arbre
Journée Nationale de l’Arbre 2025 : Sur les traces de feu Abdoul Razak Tarno, grand mobilisateur en faveur de l’arbre

Africa-Press – Niger. Le dimanche 27 Juillet 2025 aux alentours de 19h, le jeune Abdoul Razak Tarno était sur le terrain de sport, comme à son habitude chaque fois que le temps le lui permettait, quand il s’écroula de malaise avant d’être aussitôt emporté par une mort subite. Très vite, la nouvelle du décès prématuré de cet amoureux de l’arbre et de la sauvegarde de l’environnement parcourt le Niger et se propage dans le milieu des volontaires ‘’verts’’ et celui des étudiants et encadreurs de l’Université Boubacar Bâ de Tillabéri.

Le choc était immense et le traumatisme causé se lisait dans les commentaires qui fusèrent sur les réseaux sociaux. ‘’Un ami de l’arbre est parti !’’, signait la plupart des internautes, tandis que d’autres parlaient ‘’d’homme bon’’, ‘’ de leader irremplaçable’’, ‘’d’homme de foi’’ et même ‘’ d’apprenant respectueux, engagé et assoiffé de connaissances utiles à la société’’. Cette fois-ci, le boss s’en est définitivement allé alors qu’il était régulièrement inscrit en troisième année de Licence à l’IUT de l’Université Boubacar Bâ de Tillabéri.

« C’est avec la plus grande tristesse et une douleur inimaginable que la communauté d’impact de ‘‘Initiative Pour l’Arbre’’ annonce la mort subite de notre Boss Yahaya Abdoul TARNO », écrit Dr. Seyni Bodo Bachirou 4h après sa mort, confirmant ainsi le rappel à Dieu du jeune volontaire et membre fondateur de l’association ‘‘Initiative pour l’Arbre’’ dont il présidait la branche locale après l’avoir installée. C’est d’ailleurs dans la capitale du fleuve qu’il a su faire naître l’amour de l’arbre et de la nature chez les jeunes et certains enseignants de l’Université.

Comme une prémonition, la veille du drame coïncidant avec le mariage de sa sœur, le jeune Tarno demandait à ses amis volontaires, présents au domicile familial pour la célébration des noces, de baptiser de son nom l’oasis qui sera mise en place dans le cadre de la troisième édition du Forum National de l’Arbre. Les gens rigolaient mais, lui, insistait par rapport à la proposition qui est la sienne. « A cette occasion, il nous a rappelé l’importance du mariage et nous révéla que se marier était sa priorité », nous confie un de ses amis volontaires à Niamey. Au cours de ces moments de convivialité, Abdoul Razak Tarno déroula publiquement, comme un testament, les projets qui lui tenaient à cœur et qu’il lègue désormais aux volontaires qui lui ont survécu.

Sur les traces de Tarno à Tillabéri

Comment rendre hommage à une si belle âme aussi pure que généreuse qui a dédié son existence à l’arbre, alors que le pays s’apprête à fêter la deuxième édition de la Journée Nationale de l’Arbre ? Cette question taraude mon esprit dans le bus qui me transportait à Tillabéri pour marcher sur les pas de ce grand homme. La mission, financée entièrement sur fonds propres par l’Office National d’Edition et de Presse est de taille. Il s’agit de faire connaître et transmettre l’engagement de feu Tarno en faveur de l’arbre et de l’environnement à tout un pays. Et, peut-être que d’autres histoires identiques resurgiront avec des hommes qui, à l’image du défunt Dan Ankara de Tessaoua, changent dans l’anonymat des communautés entières en plantant des arbres.

A Tillabéri, l’intrépide volontaire a développé sa stratégie autour d’approches innovantes développées par sa structure, l’Initiative pour l’Arbre et qui tournent autour de l’éducation environnementale à travers la sensibilisation des populations locales, la plantation dans des lieux préalablement choisis et le suivi régulier des plants. Ces derniers, expliquait le défunt dans un entretien publié après son décès, peuvent être plantés par les volontaires qu’il qualifiait affectueusement de ‘’soldats de l’arbre’’, ou par des particuliers qui n’arrivaient pas à s’en occuper par manque d’expérience ou de temps.

« Au sein de l’Initiative pour l’Arbre, Tarno était sur tous les fronts où il n’hésitait pas un seul instant à apporter son expertise, son leadership, son charisme et sa rigueur dans toutes les offensives de la préservation et la restauration de l’environnement au Niger », témoigne Dr. Seyni Bodo Bachirou, enseignant à l’Université Boubacar Bâ de Tillabéri et président national de cette association. Il précise que quatre jours seulement avant son décès, feu Tarno animait une formation au profit des enfants dans le cadre du programme de mentorat Écho-Héros et qui portait sur l’importance de l’arbre pour la nature et pour l’Homme. Ce module pédagogique vise à ancrer dès le bas âge chez les enfants une compréhension claire et active du rôle fondamental que joue l’arbre dans le maintien de la vie sur Terre.

Dans la vidéo publiée après le décès, le visage du défunt s’illumine d’ailleurs quand il parle du forum National pour l’Arbre qui est à sa troisième organisation consécutive cette année contre deux pour la Journée Nationale de l’Arbre. Il s’illumine davantage quand il aborde le projet Echo-Héros destinées aux enfants. « Echo-héros, dit-il fièrement, c’est la jeune génération que nous sommes en train d’éduquer sur la gestion de ces ressources naturelles (ndlr : les arbres). Un enfant peut mieux saisir la chose et lui donner plus d’importance qu’un adulte… on a veillé dès maintenant à inculquer cette importance capitale de l’environnement, la gestion des ressources naturelles, aux enfants-là ». Dans ce programme écologique qui lui tenait à cœur, le but est de faire de chaque enfant « un acteur de changement, un protecteur des forêts et un ambassadeur de l’arbre ».

Des initiatives innovantes en faveur de l’environnement

«On a partagé ensemble beaucoup d’activités sur l’environnement, surtout dans la pratique au sein de notre cité. Parce que cette année, il a même initié une activité de jardinage en créant une oasis sur la cité », témoigne Souley Garba Hamza, un étudiant en Master à l’Université Boubacar Bâ de Tillabéri. Pendant le mois de Ramadan, explique-t-il, le défunt a initié une rupture collective surplace avec l’ensemble des étudiants pour que tous bénéficient des récoltes et cueillettes issues de l’oasis, y compris ceux qui n’ont pas pris part à l’entretien du jardin.

« Tout ça là, c’est l’effort de feu Tarno », lâche Souley Garba Hamza, le regard vide dirigé vers l’oasis. Dans cette dernière, une dizaine de pastèques plantées par le regretté poursuivent leur croissance au milieu des plants de moringa et de plusieurs autres espèces utiles. La demi-douzaine d’amis présents avec nous sur le site promettent d’en prendre soin et de transmettre l’oasis et les valeurs portées par son initiateur aux futurs étudiants. Une façon noble, reconnaissent plusieurs encadreurs de l’Université Boubacar Bâ, d’honorer sa mémoire.

A l’orphelinat de l’Agence des Musulmans d’Afrique (AMA), Abdoul Razak Tarno, avec un de ses amis a initié un programme d’éducation environnementale pour les pensionnaires de l’AMA. Les jeunes orphelins, dont la plupart sont des enfants en bas âge, ont été initiés sur la gestion d’une pépinière, la plantation d’arbres au sein de l’AMA et l’entretien des arbres qu’ils ont plantés. Ce programme soutenu par les responsables de l’agence a permis de redonner vigueur à l’établissement qui dispose d’une grande potentialité de développement des espaces verts. Et, les enfants ont appris à planter, non pas seulement pour reverdir, mais surtout à planter utile avec la promotion de plantes comestibles, médicinales ou des espèces menacées de disparition.

« C’est quelqu’un d’inoubliable. Un jour, il m’a dit : si tu plantes un arbre durant ton séjour sur terre, même après ton départ, personne ne va dire que tu n’as rien fait.» Cette phrase pleine de sens et chargée de sagesse, restera gravée dans la mémoire de l’un des amis du défunt. «C’est quelqu’un qui inspire», se souvient Mamane Sani L. Yahaya, ami de Tarno qui partagea pendant deux ans avec lui des projets en faveur de l’arbre à Tillabéri. Comme ses camarades qui ont voulu témoigner, son souffle se coupe après quelques phrases, l’émotion prenant le dessus. Car, le défunt était si bon envers la nature et envers son entourage que la plupart des gens refusent de concéder son départ définitif de la terre. Son œuvre est présente partout dans la ville !

L’Université Boubacar Bâ pleure un étudiant écologiste aux projets communautaires débordants

Un tour sur le site en construction de l’Université Boubacar Bâ de Tillabéri donne une dimension encore plus noble à l’œuvre du jeune ‘’soldat de l’arbre’’ à l’esprit de volontariat débordant. Visionnaire, il a pris le devant pour reboiser progressivement le site aussitôt que les premières constructions commencèrent à sortir de terre. Des arbres de plus d’un mètre de haut sont visibles, plantés le long des bâtiments et de l’amphithéâtre en construction. Selon le Recteur de l’Université Boubacar Bâ de Tillabéri, Dr. Karimou Harouna Boureima, plus de 150 arbres utiles ont été plantés par feu Tarno sur le site. Plusieurs d’entre eux donnent déjà de l’ombre et vont contribuer, dans quelques années, à drastiquement faire baisser les pics de chaleurs pendant les périodes de canicule.

Le Recteur, l’émotion à peine voilée, peine à décrire le défunt au cours de notre entretien, tellement la grandeur de l’œuvre posée sur terre par ce dernier pèse encore sur les épaules de ceux qui lui ont survécu. « On a perdu, parce que c’est quelqu’un qui avait une philosophie propre à lui dans le cadre de la défense de la nature et de la restauration des sols. Ici, à l’Université de Tillabéri, Tarno a marqué notre structure », dit-il, en guise de reconnaissance. Il salue à plusieurs reprises les efforts de restauration des sols et de préservation de l’environnement initiés par Tarno; et aussi la vocation qu’il a fait naitre chez son entourage.

« Il est courtois, rassembleur, dynamique, aimable et religieux. Il est très humble. Je ne sais pas comment le qualifier en réalité », poursuit Dr. Karimou Harouna Boureima, avant d’évaluer à plus de 25 000 enfants et volontaires le nombre de soldats de l’arbre ayant bénéficié de son encadrement et de ses conseils. « C’est pour vous dire que Tarno nous a quittés trop jeune. Mais il a fait beaucoup pour le Niger. Pas seulement pour l’Université de Tillabéri, mais beaucoup pour le Niger parce qu’il a beaucoup voyagé. Il a fait toutes les régions du Niger dans le cadre de l’Initiative pour l’Arbre » qu’il chérissait tant. Mais tous ses proches regrettent ce départ prématuré juste après l’obtention de sa Licence. Il a laissé un vide incommensurable dans les cœurs.

Pour honorer ce ‘’digne fils’’ qui aime partager, l’Université Boubacar Bâ, par la voix de son Recteur, entend lui dédier un monument pour immortaliser son impact positif sur cette institution d’enseignement supérieur. « Si d’autres veulent s’inspirer de lui, je leur demande de s’aligner au niveau de l’Initiative. Parce que, quand on s’isole il est difficile d’agir, de produire et d’arriver à de bons résultats. Mais quand vous intégrez un groupe, c’est encore mieux. C’est ce qu’il a compris » dit-il. Après la production du fumier organique pour soutenir ses projets de protection de l’environnement, feu Tarno, de l’aveu du Recteur, était sur un projet de création de la pisciculture à l’Institut Universitaire de Technologie. Un projet qui sera poursuivi pour honorer sa mémoire, conclu-t-il.

Abdoul Razak Tarno a accompli son œuvre de bienfaisance dans l’anonymat, entouré de ses compagnons et de ses protégés du programme Eco-Héros. Il laisse certes, un vide dans les cœurs, mais son dévouement a créé des vocations en faveur d’un monde plus juste. A la rentrée académique prochaine, les étudiants de la cité devront apprendre à se réveiller d’eux-mêmes pour la prière de Fadjr. Car, celui qui frappait chaque matin aux portes pour annoncer l’heure de la prière s’en est allé vers son Créateur.

Souleymane Yahaya (ONEP), Envoyé Spécial

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