La mésange retrouve ses milliers de cachettes grâce à un mécanisme cérébral étonnant

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La mésange retrouve ses milliers de cachettes grâce à un mécanisme cérébral étonnant
La mésange retrouve ses milliers de cachettes grâce à un mécanisme cérébral étonnant

Africa-Press – São Tomé e Príncipe. On estime que les mésanges à tête noire utilisent des centaines, voire des milliers de cachettes par jour”, s’exclame auprès de Sciences et Avenir Selmaan Chettih, chercheur en neurosciences à l’Université de Columbia (Etats-Unis). Mais comment ces oiseaux réussissent-ils la prouesse de mémoriser entre quelles écorces sont glissées chacune de leurs précieuses graines ?

Avec son équipe, Selmaan Chettih s’est penché sur les changements qui s’opèrent dans le cerveau lorsqu’un souvenir se forme chez la mésange à tête noire, Poecile atricapillus. Leurs résultats ont été publiés dans la revue Cell.

Les mésanges ont un hippocampe efficace
La mésange à tête noire occupe les forêts de feuillus et de conifères. Pour préparer l’hiver et le manque de nourriture, elle dissimule soigneusement ses provisions dans des milliers de recoins. Parmi ses planques favorites: les écorces des arbres. C’est la mémoire épisodique qui est sollicitée pour cacher et retrouver les graines. Mais de quoi s’agit-il ?

De précédents travaux ont en effet établi que la cache de nourriture chez les mésanges (et d’autres oiseaux) est un parfait modèle pour l’étude de la mémoire épisodique. Ce type de mémoire est “celle des moments personnellement vécus (événements autobiographiques), celle qui nous permet de nous situer dans le temps et l’espace et, ainsi, de se projeter dans le futur”, définit l’Inserm.

Elle est d’ailleurs intimement liée à l’hippocampe, une structure cérébrale qui joue un rôle essentiel dans la mémoire et le repérage dans l’espace. Cette région est plus grande chez les oiseaux que chez d’autres espèces proches qui ne cachent pas de nourriture. “Chaque fois que l’oiseau enfouit une graine sous un branchage, il s’agit d’un moment unique et bien défini, au cours duquel il forme une mémoire hippocampique, qu’il utilise par la suite pour les retrouver,” résume Selmaan Chettih.

La mémoire épisodique est très difficile à étudier chez les animaux. On ne peut pas (encore ?) demander à une souris quels sont les souvenirs qu’elle a formés à ce jour… Mais le comportement de cache des mésanges permet de contourner ce problème. Les chercheurs ont ainsi pu savoir ce dont se souvenait la mésange en observant les allers-retours vers ses cachettes et en enregistrant, pour la première fois, son activité hippocampique.

Un coup d’œil dans le laboratoire

“On utilise des environnements artificiels sur mesure qui imitent les éléments naturels dans lesquels les mésanges aiment dissimuler leur nourriture. Par exemple, nous fabriquons de petits sites de cache recouverts de rabats en caoutchouc qui reproduisent l’écorce d’arbre qui se détache et dans lesquels l’oiseau peut glisser des graines”, précise Selmaan Chettih. “Nous implantons ensuite une petite sonde dans le cerveau qui nous permet d’enregistrer l’activité électrique de neurones individuels dans l’hippocampe de la mésange pendant que l’oiseau se comporte librement.”

Des codes-barres à souvenirs

Les scientifiques ont mis des graines à la disposition des mésanges. Rapidement, celles-ci ont cherché à les camoufler. Grâce à l’enregistrement de l’activité cérébrale des oiseaux durant la cache et la récupération de nourriture, les chercheurs ont mis au jour un mécanisme de mémorisation étonnant. Pendant la dissimulation, les neurones de l’hippocampe s’activent selon des “patterns” uniques, spécifiques à chaque cachette. Ce sont des schémas transitoires, semblables à des codes-barres.

“Nous avons constaté que chaque cache s’accompagnait d’un modèle unique d’activité des neurones hippocampiques et que ce modèle unique était réactivé lorsqu’un oiseau retournait à sa cachette par la suite”, simplifie le neuroscientifique. Cela suggère que le schéma pourrait fonctionner comme une étiquette pour retrouver un lieu précis. Quand la mésange en a besoin, ces “codes” se réactivent de la même manière, permettant à l’oiseau de retrouver chaque cachette qu’il a utilisée. “C’est un peu comme un code-barres utilisé au supermarché, où un motif aléatoire est utilisé comme étiquette, et indexe les informations associées au produit”, illustre Selmaan Chettih.

Chaque code-barre ne résulte de l’activation que de 7% des neurones hippocampiques. “Quand une mésange crée une cache, environ 7% des neurones répondent à cette cache”, explique Dimitriy Aronov, co-auteur de l’étude. “Lorsqu’il dissimule une graine dans une autre cachette, un groupe différent de 7% de neurones répond.” Même les codes-barres associés à deux caches côte à côte ne montrent aucune ressemblance, selon les chercheurs. Il s’agit donc de modèles uniques, codant pour un seul et unique lieu. Ce mécanisme de mémorisation permettrait notamment la formation et le stockage rapide de nombreux souvenirs, sans confusion…

Une réelle surprise pour les chercheurs

L’utilisation d’étiquettes spécifiques est un avantage considérable pour les mésanges. Sans ces codes-barres, les souvenirs distincts mais se déroulant dans des lieux très similaires pourraient être confondus. “Nous pensons que les codes-barres pourraient permettre à l’oiseau d’enregistrer de nombreux souvenirs sans interférence. C’est d’autant plus important qu’ils forment plusieurs centaines de cachettes par jour”, s’émerveille Selmaan Chettih.

Cette découverte a été une réelle surprise pour les chercheurs. Jusqu’à présent, les scientifiques pensaient que la localisation des animaux reposait essentiellement sur les cellules dites “de lieu”. “Ces dernières représentent une des découvertes les plus célèbres dans l’hippocampe de nombreuses espèces, y compris les mammifères et les oiseaux”, souligne Selmaan Chettih. “Ce sont des neurones qui s’activent à un endroit précis et qui permettent de coder l’endroit où se trouve l’individu.” Mais cette nouvelle étude a révélé un tout autre mécanisme, dont on avait jusqu’alors pas connaissance.

Plusieurs questions restent toutefois en suspens. Parmi elles, les mésanges utilisent-elles leurs souvenirs pour choisir leur nouvelle cachette ? De plus amples recherches seront nécessaires pour consolider cette découverte. “Nous pensons que ce mécanisme ne sera pas spécifique aux mésanges et que nous pourrions mettre en évidence des résultats similaires dans d’autres organismes, y compris chez l’être humain. Mais il s’agit là d’un sujet de recherche en cours et nous n’en sommes pas encore sûrs”, pondère Selmaan Chettih.

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