Au Sénégal, Macky Sall fait le ménage à la Céna

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Au Sénégal, Macky Sall fait le ménage à la Céna
Au Sénégal, Macky Sall fait le ménage à la Céna

Africa-Press – Senegal. Coupables d’avoir contredit la ligne officielle dans l’affaire Ousmane Sonko, les douze membres de la Commission électorale nationale autonome ont été remplacés par décret.

Les unes des quotidiens sénégalais, ce 4 novembre, donnent le ton. « Doudou Ndir [le président de la Céna] paie cash son autonomie » (Walf Quotidien) ; « Macky enlève le cheveu de sa soupe » (Dakar Presse) ; « Doudou Ndir défenestré » (La Dépêche républicaine) ; ou encore « Macky balaie la Céna » (Le Regard)…

La veille, en fin de journée, le chef de l’État a en effet réglé de façon expéditive le litige entre la Commission électorale nationale autonome (Céna) et la Direction générale des élections (DGE), deux instances en désaccord sur la question-clé du moment, à l’approche de la présidentielle du 25 février 2024 : le mandataire de l’opposant Ousmane Sonko – dont une décision de justice a ordonné, le 12 octobre, la réinscription sur les listes électorales – peut-il, à bon droit, se voir remettre par la DGE (placée sous la tutelle du ministre de l’Intérieur) les fiches de parrainage citoyen entérinant sa capacité à concourir au scrutin malgré son placement en détention provisoire ?

Comme Jeune Afrique l’a déjà relaté, la DGE s’obstine depuis plusieurs semaines à les lui refuser. Mais le 30 octobre, la Céna a fait savoir à celle-ci que rien ne s’y opposait désormais, l’enjoignant de remettre ces fiches de parrainage au député Ayib Daffé, mandataire de l’opposant incarcéré.

Piment dans la sauce

Pour épicer davantage cette « sauce » juridico-administrative entre les deux instances électorales, les avocats d’Ousmane Sonko ont adressé à la Céna, le 2 novembre, une requête demandant à celle-ci, en vertu du code électoral, de dessaisir la DGE et de se substituer à elle comme les textes lui en donnent la prérogative si cette dernière passe outre « les mesures de correction appropriées » dictées par la Céna « en cas de non-respect des dispositions législatives et réglementaires ».

Suite à ce courrier, la réponse du président Macky Sall a été immédiate. Le 3 novembre dans la soirée, un communiqué du ministre, secrétaire général de la présidence, Oumar Samba Ba, annonçait ainsi que « le président de la République a nommé, par décret n°2023-2152 (…) les nouveaux membres de la Commission électorale nationale autonome (Céna) à l’expiration des mandats des membres sortants.

Pour remplacer l’indocile Doudou Ndir, qui s’était prononcé en faveur de la remise au mandataire d’Ousmane Sonko des fiches de parrainage, Macky Sall a nommé Abdoulaye Sylla, un inspecteur général de l’État à la retraite, espérant sans doute que ce dernier appliquerait, lui, sans discussions, la ligne édictée par la DGE. Les onze autres membres de la Céna ont aussi été remplacés dans un même élan.

Méthode surprenante

Le calendrier de cette « purge » est d’autant plus surprenant que leur mandat avait expiré depuis longtemps. Selon la loi créant cette instance en charge de « contrôle[r] et supervise[r] l’ensemble des opérations électorales et référendaires », ses membres sont en effet « nommés pour un mandat de six ans, renouvelable par tiers tous les trois ans ».

Or c’est en décembre 2009 que Doudou Ndir avait été nommé à la tête de la Céna en remplacement de Moustapha Touré, un ancien magistrat qui venait de démissionner trois mois plus tôt. En vertu de la loi portant création de cette instance, qui dispose que « le membre nommé pour remplacer un membre de la Céna achève le mandat de celui-ci », Doudou Ndir aurait donc dû, théoriquement, quitter ses fonctions depuis mai 2011. Quant aux membres nommés plus récemment, selon l’expert électoral Ndiaga Sylla, leur mandat expirait en 2015.

Les raisons de ce soudain coup de balai visant l’ensemble des membres de la Céna ne font donc pas mystère. Dans le cadre du bras de fer opposant l’exécutif aux avocats d’Ousmane Sonko, rien ne doit apparemment venir entraver la ligne édictée au sommet de l’État, à savoir empêcher l’opposant de prendre place sur la ligne de départ de la course vers la présidence.

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