Africa-Press – Senegal. La recherche en intelligence artificielle s’est focalisée sur la simulation de la structure du cerveau humain. Ces solutions sont limitées par la difficulté d’imiter le fonctionnement complexe des neurones et leurs connexions. C’est face à ce constat que des chercheurs américains ont conçu un système électronique incluant directement des cellules cérébrales, rendant concret le principe d’intelligence organoïde.
Organoïdes cérébraux : des mini-cerveaux
C’est dans la revue Nature Electronics que des chercheurs américains ont publié une étude montrant qu’il est possible d’utiliser des cellules cérébrales comme composants électroniques spécialisés dans l’intelligence artificielle.
Il n’est pas question de brancher le cerveau à un ordinateur comme dans Matrix (film sorti en 1999, réalisé par les sœurs Wachowski) et encore moins d’en récupérer sur des êtres humains comme dans Psycho-Pass (série d’animation japonaise dystopique, sortie en 2012, dans laquelle la police est dirigée par un ordinateur se révélant être un ensemble de cerveaux interconnectés récupérés sur les condamnés à mort). Les chercheurs se sont, à la place, tournés vers une solution moins cruelle, ce que le monde scientifique appelle des organoïdes. Il s’agit de petits amas cellulaires obtenus à base de cellules souches qui sont ensuite “programmées” pour obtenir le type de cellules souhaitées. Dans leur étude, les chercheurs ont utilisé des organoïdes cérébraux, amas de cellules de cortex cérébral, qu’ils ont ensuite connecté avec de l’électronique classique pour y envoyer un signal d’entrée et en récupérer un signal de sortie.
Ces organoïdes leur permettent d’avoir un système fonctionnant tel un mini-cerveau. Ils fournissent à des neurones des signaux d’entrée par stimulation électrique externe (transmise par un ensemble d’électrodes). Les connexions interneuronales de l’organoïde permettent de traiter le signal et fournissent un signal de sortie visible par activité électrique de certains neurones. L’organoïde “apprend” de manière non supervisée, à la manière du cerveau humain. Les connexions entre neurones sont affaiblies ou augmentées, et de manière assez rare, des connexions sont créées. Cette évolution est celle opérant dans le cerveau humain et qui est imitée, dans une certaine mesure, par les réseaux de neurones couramment utilisés en intelligence artificielle.
L’un des enjeux majeurs est donc d’interpréter le signal électrique de sortie de l’organoïde. Ce signal n’est pas directement explicite, et, n’est donc pas directement interprétable. Pour ce faire, les chercheurs ont fourni les données à des programmes de régressions, modèles les plus simples de machine learning pouvant faire de la classification ou bien de l’ajustement de modèle. C’est grâce à ces instances que les chercheurs ont pu expérimenter leur système sur des tâches concrètes.
Une reconnaissance vocale efficace
Afin de montrer l’utilisabilité de cette nouvelle technologie, les chercheurs ont appliqué leur système à deux tâches concrètes : la reconnaissance vocale et la prédiction d’équations non-linéaires chaotiques (équations au comportement quasi aléatoires, difficilement prédictibles). La reconnaissance vocale a été testée sur cinq organoïdes, au cours de trois phases d’entraînement. Au cours de ces phases d’apprentissage, les organoïdes passent d’une précision entre 55 % et 70 % à une précision de plus de 75 %. Il faut donc à leur système un faible nombre d’apprentissages pour obtenir des résultats relativement convaincant, ce qui est un net avantage face à l’intelligence artificielle classique.
Cette rapidité d’apprentissage est d’autant plus visible dans le cas de la prédiction d’équations non-linéaires chaotiques, pour laquelle les chercheurs ont également fait fonctionner un algorithme de réseaux de neurones artificiels plus classique afin d’avoir un point de comparaison. Il suffit de quatre cycles d’apprentissage aux organoïdes pour atteindre les 80 % de précision. Pour les algorithmes de réseau de neurones artificiels, c’est une tout autre histoire : il faudra 50 phases d’entraînement et l’ajout d’une “long short-term memory” (possibilité de garder en mémoire des informations d’étapes lointaines dans le passé, mais sans conserver l’entièreté des états du réseau de neurones).
Cette étude est prometteuse et montre que l’intelligence organoïde est une voie possible pour l’amélioration de l’intelligence artificielle. Les chercheurs précisent que leur système fait face à plusieurs limitations, à commencer par l’absence de vascularisation des organoïdes, ce qui entraîne la mort prématurée des cellules dans l’amas. Une autre limitation actuelle aux organoïdes cérébraux est l’absence de constance dans leur formation : avec des paramètres similaires lors de leur développement, deux organoïdes auront des formes très différentes.
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