Africa Press – Senegal. Au Sénégal, « un baobab s’est effondré ». Le professeur d’université, homme politique et syndicaliste Iba Der Thiam est décédé samedi 31 octobre, à l’âge de 83 ans, des suites de maladie à l’hôpital principal de Dakar. « Le professeur Iba Der Thiam a fait ces derniers temps plusieurs séjours à l’hôpital. Celui d’hier (samedi soir) lui a été fatal », a plus tard confirmé un membre de son entourage. Il a été inhumé à Dakar dimanche après-midi.
Le monde sénégalais des lettres et de la culture, et bien au-delà, est donc en deuil, orphelin d’un historien et homme politique engagé pour son pays. Toute sa vie durant, il a fait sien le combat d’une Afrique en quête d’une véritable indépendance politique, sociale et culturelle. Iba Der Thiam a formé des générations d’historiens.
Dans un tweet, le président Macky Sall évoque un « historien de notoriété mondiale ». « Professeur émérite et humaniste radical, Iba Der Thiam est une figure capitale du Sénégal contemporain. Patriote lucide, il a dirigé avec passion la rédaction en cours » de l’Histoire générale du Sénégal, a écrit le président Sall. Son homologue burkinabé a rendu hommage sur Twitter au syndicaliste, homme politique et parlementaire « qui a apporté » une contribution significative à l’édification de la démocratie au Sénégal.
« La disparition du professeur Iba Der Thiam laisse un grand vide. Au Sénégal et en Afrique, il aura marqué une génération d’étudiants et d’historiens. Il laissera le plus précieux des cadeaux : la réappropriation de l’histoire nationale. Un grand merci pour cela », écrit une internaute sur Twitter.
Adieu Mon prof #IbaDerThiam tu es sans doute la personne qui m’a le plus marqué à l’Université Vous êtes une encyclopédie de l’intelligentsia du continent Noir et du monde entier un humaniste intègre et respectueux Repose en paix . https://t.co/IiayvuFQ5K pic.twitter.com/5sYHpswRJX — baba alphadjadji (@kare17cheikh) November 1, 2020
S’exprimant sur Twitter, le roi du mbalakh, Youssou N’Dour écrit : « Le Sénégal vient de perdre le Père de l’école nouvelle, une des plus grandes réformes du système éducatif sénégalais. »
Le Pr Iba Der Thiam est l’un de ces hommes qui m’a fait aimé le Sénégal. D’une incroyable simplicité. Même ministre dans le gouvernement, le portail de son domicile était toujours ouvert à tous. Qui que vous étiez, d’où que vous veniez, il avait du temps pour vous. RIP Professeur https://t.co/dgk7lU5qvq — Mays Mouissi (@mays_kinga) November 1, 2020 Les hommes passent, mais les écrits restent. Repose en Paix #IbaDerThiam https://t.co/GeL3Bv0wCS — Mamane Bachir Brah (@BrahBachir) November 1, 2020
Né en 1937 à Kaffrine, au centre du Sénégal, agrégé d’Histoire moderne et contemporaine, docteur es lettres de l’université Paris-1-Sorbonne, Iba Der Thiam a enseigné à l’Université Cheikh-Anta-Diop-de-Dakar du début des années 1980 jusqu’à sa retraite en 2006. Parallèlement, il a fait partie du comité de l’Unesco pour la rédaction de l’Histoire générale de l’Afrique. Son CV est riche d’autres titres comme les Palmes académiques sénégalaises et françaises, officier de l’Ordre national du Lion, commandeur de l’Ordre français du Mérite, commandeur de l’Ordre de la Francophonie et docteur Honoris causa de l’université Besançon à Paris.
Sinon, Iba Der Thiam a aussi joué un rôle important dans la vie politique du Sénégal. Ministre de l’Éducation nationale (1983-1988), Iba Der Thiam a été candidat malheureux à la présidentielle de 1993 et plusieurs fois député à l’Assemblée nationale. De nombreuses personnalités ont exprimé leur émotion et rendu hommage au professeur Iba Der Thiam, pour son patriotisme et sa riche carrière universitaire, politique et syndicale.
Depuis 2013, Iba Der Thiam dirigeait le comité pour la rédaction, toujours en cours, de l’Histoire générale du Sénégal, un projet visant à « décoloniser » la vision du passé de cette ancienne colonie française d’Afrique de l’Ouest. Mais après la parution fin 2019 d’un volume portant notamment sur le XIXe siècle, le comité, qui a bénéficié de subventions publiques, a été visé par de nombreuses critiques. Des confréries musulmanes ainsi que certaines communautés du pays ont estimé que cet ouvrage ne restituait pas correctement leur rôle et leur action dans l’histoire du pays. Le défunt s’était engagé à intégrer ces critiques dans une prochaine édition. Un travail de mémoire capitale pour l’avenir du Sénégal qu’il laissera les jeunes historiens terminer.