« Débaptiser de Gaulle pour Mamadou Dia, une Hérésie Historique”, Selon Kadialy Gassama

26
"Débaptiser de Gaulle pour Mamadou Dia, une Hérésie Historique”, Selon Kadialy Gassama

Africa-Press – Senegal. Dans un plaidoyer, Kadialy Gassama, économiste, s’élève contre la proposition de débaptiser le boulevard De Gaulle pour le renommer en l’honneur de Mamadou Dia. Pour lui, cette initiative constitue une « hérésie historique » qui trahit à la fois la mémoire collective et les valeurs portées par ces deux figures majeures. À travers une réflexion historique et philosophique, Gassama défend l’idée que l’héritage du général De Gaulle doit demeurer intact, tout en soulignant l’absurdité d’un tel geste au regard du respect mutuel qui liait ce dernier à Mamadou Dia.

Une relation fondée sur le respect mutuel

Kadialy Gassama rappelle que Mamadou Dia, figure clé de l’indépendance sénégalaise, entretenait « de solides relations avec le général De Gaulle », qui l’avait choisi comme collaborateur pour les questions économiques, notamment liées à l’économie arachidière. « Le président Mamadou nourrissait un profond respect au général De Gaulle en tant que libérateur avec les alliés de la France et des possessions nazies, particulièrement en Afrique », écrit Gassama. Ce respect s’ancre dans le rôle de De Gaulle pendant la Seconde Guerre mondiale, mais aussi dans son attitude face à la quête d’indépendance du Sénégal. Lors du discours historique du 26 août 1958 à la place Protêt (devenue place de l’Indépendance), lorsque Me Valdiodio Ndiaye, mandaté par Senghor et Dia, réclama la souveraineté nationale, De Gaulle répondit: « Vous voulez l’indépendance, prenez-la. » Pour Gassama, cet acte marque une transition pacifique vers la souveraineté, un geste que Mamadou Dia n’aurait jamais cherché à effacer en supprimant le nom de De Gaulle d’un boulevard.

L’auteur insiste: « Le président Mamadou Dia n’a jamais pensé un instant, durant toute sa vie centenaire, effacer le nom du général De Gaulle de la mémoire collective et du patrimoine historique du Sénégal. » Selon lui, cette proposition va à l’encontre des convictions profondes de Dia, qui voyait en De Gaulle non seulement un libérateur, mais aussi un partenaire dans le processus d’émancipation nationale.

De Gaulle: Un symbole indélébile

Kadialy Gassama met en lumière deux raisons majeures pour lesquelles le nom de De Gaulle mérite de perdurer dans le patrimoine sénégalais. D’abord, son rôle dans « la libération de la France et de l’empire colonial du joug nazi » pendant la Seconde Guerre mondiale, un événement qui a eu des répercussions directes sur les colonies africaines, notamment à Dakar sous le régime de Vichy. Ensuite, sa décision d’accorder l’indépendance au Sénégal sans violence, un contraste frappant avec d’autres luttes coloniales. « Ne serait-ce que pour ces deux raisons évidentes majeures, le nom du général De Gaulle ne devrait pas disparaître de la mémoire collective et du patrimoine historique du Sénégal », martèle Gassama.

Il va plus loin en comparant cette situation à un précédent historique: la démission de Van Vollenhoven, gouverneur général de l’AOF, opposé à l’enrôlement forcé des Sénégalais pendant la Première Guerre mondiale. Ce dernier, redéployé en première ligne, mourut héroïquement en 1918. Gassama note avec ironie que le lycée Van Vollenhoven porte aujourd’hui le nom de Lamine Guèye, alors que Van Vollenhoven fut un précurseur dans l’abolition de l’indigénat. « N’est-ce pas un paradoxe ? » interroge-t-il, suggérant que l’histoire risque de se répéter sous forme de « farce » si l’on continue à effacer des noms au profit d’autres.

Un combat d’arrière-garde

Pour Kadialy Gassama, les appels à débaptiser des rues ou à déboulonner des statues relèvent d’un « combat émotif, réactionnaire et d’arrière-garde ». Il critique cette tendance à rouvrir les plaies de l’histoire, plaidant pour une vision tournée vers l’avenir. « Au lieu de nous apitoyer sur notre sort en continuant de jeter des larmes comme des passéistes sentimentalistes, nous devrions nous redéployer pour faire retrouver à l’Afrique ses entités spatiales précoloniales homogènes et ses dynamiques régionales et continentales », écrit-il. Citant Senghor, Césaire, Cheikh Anta Diop et Mamadou Dia, il appelle à dépasser les rancœurs pour bâtir « un monde plus humain et plus juste », centré sur l’unité économique et politique de l’Afrique.

Une universalité des vertus humaines

Enfin, Gassama défend une vision universaliste: « La valeur des hommes ne dépend point de la race ou de la nationalité. Elle n’a pas, en effet, de frontière. » Pour lui, des figures comme De Gaulle, par leurs actes, participent à un « trésor source de référence et d’inspiration pour l’humanité ». Il rappelle également la dette de l’humanité envers la France pour le Siècle des Lumières, la Révolution française et la Déclaration des droits de l’homme, ainsi que le rôle de De Gaulle dans la décolonisation.

En conclusion, Kadialy Gassama, depuis sa rue Faidherbe à Rufisque, lance un appel à la raison: préserver le nom du boulevard De Gaulle n’est pas une glorification du colonialisme, mais une reconnaissance de l’histoire partagée et des vertus universelles. Rebaptiser ce lieu au nom de Mamadou Dia, un homme qui n’aurait jamais cautionné un tel geste, serait, selon lui, une trahison de l’héritage commun du Sénégal et de l’Afrique.

Source: Seneweb.com

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Senegal, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here