Rapporté par
Anouar Chennoufi
Africa-Press – Tchad. Alors que le dialogue national inclusif se profile à l’horizon, sachant qu’il devrait se dérouler avant la fin de l’année 2021, le lieutenant-général Mahamat Idriss Déby Itno s’attèle à apaiser les tensions avec ses « opposants ».
Bien que l’opposition politique soit faible et divisée au Tchad dans ce qui semble être la « mort de la politique », il existe de nombreuses forces rebelles armées. Le groupe d’opposition armé le plus important dans le pays serait peut-être l’Union des forces de résistance (UFR), une alliance composée de huit mouvements rebelles tchadiens fondée en 2009, qui était basée en Libye et dont le but était d’atteindre la capitale, N’Djamena, afin de renverser le président déjà disparu, Idriss Deby Itno, et former un gouvernement de transition qui réunirait toutes les forces du pays.
La France a-t-elle vraiment déjoué le complot d’un coup d’Etat ?

En 2019, les forces françaises avaient annoncé avoir intervenu et déjoué ce complot de coup d’État. On sait que ce mouvement rebelle est principalement composé de combattants zaghawa, de la même ethnie à laquelle appartenait l’ancien président, et était dirigé (avant son arrestation) par Teman Erdimi, le neveu du président qui vivait au Qatar. Il a d’abord tenté de renverser son oncle en 2008, puis de nouveau en 2009 après la formation de l’Union des forces de résistance.
A noter que d’autres groupes rebelles tchadiens comprennent le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), le Conseil de commandement militaire pour le salut de la République et l’Union des forces pour la démocratie et le développement, qui s’est déplacé vers le sud de la Libye après avoir été expulsé du Darfour, dans l’ouest du Soudan, par Khartoum en 2010.
Si ces groupes s’entendaient sur des stratégies, ils sont divisés selon des critères ethniques et des ambitions personnelles, et se sont même affrontés. Ses combattants se livrent généralement à diverses formes de trafic illicite et servent parfois de mercenaires aux milices libyennes.
Frustration populaire
Il importe de constater que le plus grand danger pour la stabilité politique provient de l’intérieur turbulent. La frustration populaire régnait déjà avant la pandémie de covid-19, reflétant la baisse du niveau de vie, les opportunités économiques limitées et les libertés personnelles restreintes. L’impact continu de la récession causée par la pandémie est susceptible d’exacerber la frustration du public dans la période post-Deby. Par conséquent, le risque de troubles sociaux généralisés est élevé, mais il n’est pas exclu que le Conseil militaire de transition puisse recourir à la force pour contenir les manifestations antigouvernementales, ce qui signifie que la stabilité générale de la région ne sera pas affectée par le soutien des partenaires occidentaux.
Un voisinage à multiples tensions et conflits
Cependant, la réalité géopolitique du Tchad donne une autre dimension à l’héritage de l’ère post-Déby. En conséquence, l’évolution des événements doit être comprise dans le cadre du contexte général, le Tchad étant un État enclavé entouré de diverses régions qui représentent des foyers de tensions et de conflits, comme la République centrafricaine et la région des lacs, qui comprend le Cameroun, Nigeria, Niger, Libye et Darfour au Soudan. La mobilité est un problème majeur au Tchad depuis des décennies pour l’accès au marché et les échanges avec les pays voisins, ainsi que les mouvements migratoires, les déplacements internes forcés et les mouvements de réfugiés ou de rapatriés. Selon les estimations de novembre 2020, près d’un demi-million de personnes sont déplacées à l’intérieur du Tchad. Cela est principalement dû à l’insécurité liée aux groupes armés non étatiques, au changement climatique et aux facteurs environnementaux, ainsi qu’aux expulsions de Libye.
C’est d’ailleurs le conflit civil en Libye qui aurait permis aux groupes rebelles de se regrouper sans surveillance significative, ce qui constitue une menace pour tous les pays voisins.
L’Armée tchadienne : puissance et fidélité

Quoi qu’il en soit, malgré cette mauvaise situation sécuritaire, l’armée tchadienne reste l’une des plus puissantes de la région et devrait rester fidèle au successeur de du président Idriss Deby (assassiné), à savoir son fils le lieutenant-général Mahamat Idriss Deby. Ce qui soutiendra la stabilité politique et la survie du régime.
Quand le Qatar s’en mêle

Dans le même contexte, lors de la visite au Qatar du président du Conseil militaire de transition, l’émir Cheikh Tamim bin Hamad Al Thani s’est entretenu avec lui à propos des moyens de développer les relations entre les deux pays, mettant également l’accent sur l’ouverture de nouvelles voies de dialogue avec les groupes d’opposition tchadiens présents sur le sol qatari, pour tenter de réussir le dialogue national appelé par Deby Jr. pour mettre fin au conflit.
Le Qatar a trouvé dans les efforts de l’autorité de transition au Tchad une opportunité appropriée pour passer du soutien à l’opposition à celui de médiateur entre les belligérants, ce qui renforce sa présence au Tchad en jouant sur des axes opposés pour assurer son influence continue en cas de des changements politiques soudains et des changements majeurs dans la situation à l’avenir.
Alors que Doha s’était auparavant directement impliquée dans le soutien des forces opposées au régime du président Idriss Déby, le père, et que ses relations avec son régime étaient tendues, elle a tenu par contre à établir des relations avec le Conseil militaire de transition, dirigé par le fils, en charge des affaires du pays. .
Les visites diplomatiques entre responsables des deux pays se sont multipliées ces derniers mois, et Doha a cherché à se poser en partisan de la sécurité et de la stabilité du Tchad et à condamner tous les actes de violence qui feraient obstacle à la feuille de route annoncée par le lieutenant-général Mahamat Idriss Deby.
Pourrait-on contenir l’opposition ?
Commentant la situation au Tchad, le professeur de sciences politiques à la Faculté de recherche et d’études africaines du Caire, Heba Al-Bashbeshi, a expliqué que les expériences de la plupart des pays africains indiquent l’échec des tentatives de contenir l’opposition, et la plupart des conflits se terminent par la domination de l’autorité au pouvoir, l’exclusion des opposants ou le renversement du pouvoir par les rebelles et la destitution du nouveau régime, ce qui rapproche l’actuel de manœuvres qui n’aboutiront à rien de tangible.
Mahamat Iriss Deby réussira-t-il finalement à « contenir » l’opposition et les opposants à sa prise du pouvoir dans son pays ?