Après 30 années au pouvoir, un sixième mandat assuré pour le Tchadien Déby

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Après 30 années au pouvoir, un sixième mandat assuré pour le Tchadien Déby
Après 30 années au pouvoir, un sixième mandat assuré pour le Tchadien Déby

Africa-PressTchad. Le maréchal-président Idriss Déby Itno, au pouvoir sans partage depuis 30 ans au Tchad, brigue dimanche un 6e mandat qui ne pourra lui échapper, face à six candidats faisant pâle figure et après avoir écarté, parfois violemment, les rares ténors d’une opposition divisée qui pouvaient lui faire un peu d’ombre.

Vendredi après-midi, pour le meeting de clôture du président Déby dans un stade archi-comble de N’Djamena, des milliers de jeunes acheminés dans la nuit ont bravé les 45°C pour écouter les 30 minutes de discours du candidat, scandant à la moindre occasion « Premier tour K.O. », « le K.O. est déjà là ».

« Les diplômés chômeurs, ne perdez pas espoir ! Nous allons travailler ensemble », a promis à la foule le président sortant du troisième pays le moins développé du Monde, où le chômage touche 22% des moins de 25 ans, selon la Banque mondiale.

« Réveillez-vous tôt dimanche et allez voter massivement », a-t-il exhorté, pour que sa victoire soit adossée à une forte participation, l’une des seules inconnues de cette élection.

Dans les rues de N’Djamena, la majorité des habitants semblent se désintéresser d’un scrutin « joué d’avance » et tentent péniblement de joindre les deux bouts, entre deux coupures d’eau et d’électricité, parfois plusieurs jours d’affilée.

Depuis plusieurs mois, le régime interdit systématiquement les « marches pacifiques pour l’alternance » que tentent d’organiser chaque samedi les partis d’opposition les plus virulents. Et la redoutable police anti-émeutes, le GMIP, disperse manu militari chaque début de rassemblement, lesquels n’attirent pas plus que quelques dizaines de convaincus ou téméraires. L’ONG Human Rights Watch (HRW) a qualifié jeudi de « répression implacable » cet usage de la force.

Mais rien n’y fait, le maréchal Déby fait campagne principalement sur la « paix et la sécurité » dont il dit être l’artisan, dans son pays mais aussi dans une région tourmentée: le Tchad, enclavé entre la Libye, le Soudan, la Centrafrique entre autres, est un contributeur de poids à la guerre contre les jihadistes au Sahel, en projetant des troupes aguerries jusqu’au Mali et parfois au Nigeria.

« Je vais voter Idriss Déby pour continuer d’avoir la paix et la stabilité », a déclaré à l’AFP Khadidja Hamid, qui vend quelques mangues sur un marché du quartier populaire de Champ de Fil.

– Candidatures invalidées –

Dans un autre petit marché du quartier défavorisé de Gassi, dans le brouhaha des engins qui broient le maïs pour en tirer la farine servant à confectionner la boule, le plat national, la plupart des gens ne savent même pas qui sont les autres candidats. Ou pensent, à l’unisson de l’opposition dure, qu’il s’agit de simples « faire-valoir » inoffensifs et tolérés par le pouvoir, voire manipulés par lui.

Il y a deux mois encore, 15 partis d’opposition regroupés dans une Alliance victoire propulsaient un « candidat unique » face à M. Déby, avant de voler en éclat. Ce sont finalement 16 prétendants qui se sont avancés pour défier le maréchal.

La Cour suprême a invalidé sept candidatures. Puis trois candidats, dont le rival « historique » Saleh Kebzabo, se sont retirés pour protester contre les violences et ont appelé au boycott du scrutin, mais la Cour a maintenu leurs noms sur les bulletins de vote qui affichent donc 10 candidats.

Six seulement défieront le président: Félix Nialbé Romadoumngar, Albert Pahimi Padacké, Théophile Yombombe Madjitoloum, Baltazar Aladoum Djarma, Brice Mbaïmon Guedmbaye et, première femme candidate de l’histoire du Tchad, Lydie Beassemda.

– Certain de gagner –

« Je n’en connais aucun à part Pahimi et Déby. Si ça doit être Déby, alors OK s’il a la volonté de reconstruire le pays, mais si c’est le même, alors ça ne vaut pas la peine d’aller voter », lâche Abdel, 34 ans, dans sa petite échoppe de pièces détachées de moto au marché de Gassi.

M. Déby « a su rouler tout le monde dans la farine, il a embarqué ces gens avec lui dans ses égarements et dans la gestion de la vie politique, c’est lui qui tire leurs ficelles », résume le politologue Evariste Ngarlem Tolde, de l’université de N’Djamena.

« Qui les empêche de se présenter? Personne », rétorque Jean-Bernard Padaré, porte-parole du puissant Mouvement Patriotique du Salut (MPS) de M. Déby, fustigeant ceux qui se sont retirés comme M. Kebzabo et appellent au boycott. « Le jeu est ouvert mais ils sont les chefs de partis sans militants », assène-t-il.

« Sans les candidats historiques et avec les moyens considérables mobilisés par Déby, il est certain qu’il va gagner », résume Kelma Manatouma, chercheur tchadien en sciences politiques à l’université Paris-Nanterre.

« La seule chose qui compte aux yeux de Déby, c’est de l’emporter dès le premier tour avec une participation importante, pour qu’on ne lui objecte pas qu’il a été mal élu », résume un diplomate sous couvert de l’anonymat.

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