Olam et CotonTchad SN, un mariage heureux ?

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Olam et CotonTchad SN, un mariage heureux ?
Olam et CotonTchad SN, un mariage heureux ?

Maher Hajbi

Africa-Press – Tchad. Malgré deux campagnes difficiles, la production d’or blanc tchadien a été multipliée par huit en cinq ans, depuis que le géant singapourien est entré au capital de la compagnie cotonnière nationale. Et celle-ci poursuit son essor, avec l’ouverture de nouvelles usines.

Fer de lance du renouveau de l’industrie cotonnière à N’Djamena, le tandem formé depuis désormais cinq ans par Olam et la CotonTchad Société nouvelle (SN) continue de restructurer et de développer la filière, malgré une saison 2021-2022 compliquée, en raison des pluies tardives et de la forte hausse des prix des intrants. En effet, ces aléas conjoncturels ne semblent pas freiner la dynamique de relance du secteur, d’autant qu’une unité de délintage a été inaugurée, en février dernier, à Gounou-Gaya, dans l’est du pays, où une nouvelle usine d’égrenage sera bientôt opérationnelle.

Le complexe industriel de Gounou-Gaya, doté en outre d’une huilerie-savonnerie, facilitera la production de semences délintées et traitées. Ces investissements, programmés pour accompagner l’augmentation de la production d’or blanc et renforcer la capacité industrielle de la CotonTchad SN, vont créer près de 1 750 emplois, 250 directs et 1 500 indirects. « Le partenariat avec le groupe Olam est un gage de développement socioéconomique pour le Tchad, pas seulement pour la filière cotonnière », souligne Robertine Walendom, la ministre de l’Industrie et du Commerce.

Montée en puissance réussie
En avril 2018, le géant singapourien Olam International, très actif sur le continent, a racheté – pour plus de 9 milliards de F CFA (13,72 millions d’euros) –, 60 % des parts de la compagnie nationale cotonnière tchadienne, alors en grande difficulté financière. L’État a gardé 35 % des parts de la société, 5 % ont été gracieusement cédés aux producteurs et, au passage, la major agro-industrielle a épongé les dettes de la CotonTchad SN (estimées à 35 milliards de F CFA au 31 décembre 2017) et réglé les impayés dus par l’État aux cotonculteurs, en se fixant pour objectif de restructurer la filière et de booster la contribution du coton à l’économie du pays, dont il constitue le troisième produit d’exportation.

Depuis la privatisation partielle de la compagnie nationale, un programme stratégique de développement de la filière a été mis en place afin de rehausser graduellement la production pour atteindre 300 000 tonnes (t) de coton-graine à l’horizon 2024. Une montée en puissance réussie : la récolte est passée de moins de 17 000 t de coton-graine à l’issue de la campagne 2016-2017 à 116 000 t en 2019-2020, puis à 125 000 t en 2020-2021.

Pour la campagne 2021-2022, la CotonTchad misait sur une production de 180 000 t de coton-graine, qui a finalement été revue à la baisse, à 146 000 t. « Les raisons sont multiples. Ce sont notamment les répercussions du Covid – qui planaient encore sur les activités économiques –, les pluies tardives, la hausse des prix des intrants agricoles à hauteur de 46 % et, pour couvrir les besoins, l’importation du carburant à un coût très élevé », a indiqué Ibrahim Malloum, le secrétaire général chargé du commerce et de la communication au sein de la Cotontchad SN.

Les estimations pour la campagne 2022-2023 ont elles aussi été revues à 135 000 t, au lieu des 175 000 t initialement prévues, en raison des conditions météorologiques défavorables, entre une période de sécheresse particulièrement sévère, en mai 2022, à laquelle ont succédé, en juillet-août, des pluies abondantes qui ont inondé les champs.

Remobilisation des cotonculteurs
Toutefois, cette contre-performance ne semble pas freiner l’engouement des 400 000 cotonculteurs et des 3 millions de Tchadiens qui tirent l’essentiel de leurs revenus de l’or blanc.

Après sa prise en main de la CotonTchad SN, Olam s’est en effet chargé du financement des campagnes cotonnières, de la réhabilitation et du renforcement des usines de Moundou et de Pala, ainsi que de l’aménagement des pistes cotonnières pour augmenter les surfaces exploitées par les cotonculteurs. Sous l’impulsion de la nouvelle direction, la remobilisation des producteurs – qui, depuis la fin des années 2000, découragés, avaient peu à peu abandonné la filière –, a été un élément essentiel de la politique de relance du secteur.

Pour inverser la tendance d’avant la privatisation, la CotonTchad SN a procédé au renforcement des cotonculteurs à travers des formations sur les nouvelles techniques agricoles et des dispositifs d’appui en équipement ou argent selon les catégories (grands producteurs, producteurs moyens et petits producteurs). Le prix du coton-graine est d’ailleurs passé de 203 F CFA à l’arrivée d’Olam, en 2018, à 272 F CFA pour la campagne 2022-2023, soit une hausse de 35 % en cinq ans.

CES NOUVELLES UNITÉS FACILITERONT LA VIE À DE MILLIERS DE PRODUCTEURS

Cette « opération reconquête » s’est appuyée sur un partenaire bancaire, la Société générale. Avant d’annoncer, au début de juin, son désengagement du Tchad, le groupe bancaire français avait en effet accordé un premier crédit revolving et une lettre de crédit d’un montant de 30 milliards de F CFA. En 2022, il avait également assuré un financement global d’un montant de 45 milliards de F CFA pour la restructuration des activités de la CotonTchad SN, la modernisation des phases de récolte et d’égrenage, ainsi que l’augmentation de sa capacité de production.

Objectif : concurrencer le Cameroun
Pilier de l’économie tchadienne dans les années 1990, avant la montée en puissance de l’industrie pétrolière, l’or blanc est redevenu ces cinq dernières années un secteur prioritaire pour les pouvoirs publics tchadiens, qui s’activent pour atteindre une production de 300 000 t/an, et venir concurrencer le Cameroun, leader de la production de coton-graine dans l’espace Cemac (347 000 t en 2021-2022, contre 370 000 t lors de la campagne précédente).

Parallèlement aux engagements d’Olam d’assainir la gouvernance financière de la CotonTchad SN et de relancer sa productivité, les autorités tchadiennes ont multiplié les initiatives pour développer l’ensemble de la filière. En 2020, l’État a signé une convention de financement de la subvention pluriannuelle sur les intrants agricoles avec l’Union nationale des producteurs de coton (UNPC) et la CotonTchad SN, dotant d’une enveloppe de 16 milliards de F CFA les subventions aux intrants, de façon à ce que celles-ci s’élèvent à 3 milliards de FCFA par saison cotonnière jusqu’à 2024.

Par ailleurs, les nouvelles usines de délintage et d’égrenage de Gounou-Gaya devraient résoudre les difficultés logistiques auxquelles nombre de cotonculteurs sont confrontés pour acheminer les balles de coton depuis les champs jusqu’aux usines en empruntant des pistes rurales. « Ces nouvelles unités faciliteront la vie à de milliers de producteurs, parce qu’ils n’auront plus à faire des centaines de kilomètres pour convoyer leur coton », a souligné Laoukein Kourayo Médard, le ministre tchadien de l’Agriculture, lors de l’inauguration de l’unité de délintage de Gounou-Gaya.

La Source: JeuneAfrique.com

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