Africa-Press – Tchad. En Turquie, on la consomme surtout violette. En Inde, plutôt rouge. Et principalement orange dans les pays occidentaux. La couleur de la carotte dépend des pigments qu’elle contient. Pour la carotte orange, il porte le nom de carotène. « Un nom similaire car il a été isolé pour la première fois dans une carotte, dans les années 1800 », précise à Sciences et Avenir Massimo Iorizzo, chercheur à l’université de Caroline du Nord (États-Unis).
Avec son équipe, il s’est intéressé à la génétique des carottes. En 2016, les scientifiques parviennent à séquencer le génome de ce légume pour la première fois. Objectif de cette nouvelle étude : éclairer l’histoire de sa domestication. Quels caractères nos ancêtres ont-ils sélectionnés pour que ce légume ressemble à ce qu’il est aujourd’hui ? Comment expliquer sa couleur ? Leurs résultats ont été publiés dans la revue Nature plants.
Des gènes inactivés
« Grâce à une analyse statistique, nous avons identifié trois gènes responsables de la couleur orange des carottes. Mais, étonnamment, ils doivent être désactivés pour fonctionner », rapporte le chercheur. Comment ça marche ? La carotte orange doit sa couleur à sa forte concentration en carotènes : alpha et bêta, deux composés chimiques pigmentaires. Ils sont stockés dans de petits organites : les chromoplastes, très nombreux dans la racine.
« On estime que deux des gènes mis en évidence régulent le nombre et la taille de ces chromoplastes, indique Massimo Iorizzo. Le troisième serait impliqué dans la biosynthèse de l’α-carotène et du β-carotène. » Ces deux composés sont des précurseurs de la vitamine A, un nutriment essentiel à notre organisme. “Elle permet notamment le maintien d’un système immunitaire sain, une bonne croissance et un développement normal », détaille le scientifique. Elle contribuerait même à réduire le risque des maladies oculaires.
Croisement entre carotte blanche et carotte jaune
L’étude éclaire également les facteurs qui ont orienté la sélection de la carotte orange que nous connaissons. A l’issue des balayages sélectifs, procédés mettant en évidence les variations génétiques entre deux groupes, les chercheurs se rendent compte que les gènes liés à la floraison ont subi une forte sélection. « Par exemple, la comparaison des carottes d’une population sauvage (typiquement à floraison annuelle) avec celles d’une population cultivée (typiquement à floraison biannuelle), montre que la sélection a réduit le temps de floraison », illustre le généticien. Et pour cause : la floraison rend la racine de la carotte ligneuse et non-comestible.
Et côté historique ? “Elle a été domestiquée au début du Moyen Âge dans la région qui s’étend de l’Asie occidentale à l’Asie centrale », souligne Massimo Iorizzo. Les carottes violettes et jaunes sont alors courantes, et importées en Europe. Toutefois, le goût des carottes jaunes les rend plus populaires.
Probablement le résultat d’un croisement entre carotte blanche et carotte jaune, la variété orange fait son apparition en Europe occidentale à la Renaissance. Sa couleur et son goût plus sucré la rendent particulièrement appréciée, à tel point que les agriculteurs la privilégient. A partir du 16ème siècle, différents types de carottes orange se développent dans le nord de l’Europe. En témoignent les peintures de l’époque. A mesure que les scientifiques explorent le rôle du carotène et les bienfaits de la vitamine A, la popularité de la carotte orange croît, jusqu’à atteindre le succès qu’elle connaît aujourd’hui.
Et qu’en est-il de la carotte violette ? Les chercheurs espèrent élucider, pour, elle aussi,, l’origine moléculaire de sa couleur et son histoire, au cours d’une prochaine étude.
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