Tchad : Retour des Tensions Politiques Après L’enlèvement du Leader D’Un Parti de L’Opposition

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Tchad : Retour des Tensions Politiques Après L’enlèvement du Leader D’Un Parti de L’Opposition
Tchad : Retour des Tensions Politiques Après L’enlèvement du Leader D’Un Parti de L’Opposition

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Tchad. Le Tchad demeure toujours instable et les Tchadiens ne sont pas du tout « aux Anges » ! C’est en tout cas ce qu’en pensent « politiciens, civils, organisations des droits de l’Homme » et autres à N’Djamena.

Il importe de noter à cet effet que la prestation de serment et l’investiture de Mahamat Idriss Deby à la tête du pays, le 23 mai de l’année en cours, après des élections présidentielles tenues le 6 mai dernier, ont marqué officiellement la fin de la période de transition de trois ans au Tchad.

Cet état de fait laisse croire que le Tchad est en passe de vivre une situation chaotique, avec des tensions politiques qui s’y sont installées et qui continuent de prendre de l’ampleur, notamment depuis « l’assassinat odieux par une balle dans la tête» du candidat du parti à la présidentielle, Yaya Dillo Djerou, en février 2024, par la junte militaire au pouvoir, comment l’ont indiqué l’opposition et les médias à l’époque.


Yaya Dillo assassiné le 28 février 2024

Malgré le démenti officiel de l’armée tchadienne qui indiquait que l’arrestation de Dilo était nécessaire après qu’il ait été accusé d’avoir mené une attaque contre les services de renseignement, l’opposition confirme que Dillo a été tué de sang-froid.

• Enlèvement du leader du parti « Socialistes sans Frontières »

En effet, le parti d’opposition Socialistes sans frontières au Tchad a confirmé l’enlèvement de son Secrétaire général, Robert Gam, par des éléments soupçonnés d’appartenir aux services de renseignement.

Selon les membres dudit parti, sa disparition s’est produite après une grande réunion avec les dirigeants de l’opposition, et cela représente une nouvelle escalade dans le conflit entre le parti et le gouvernement militaire au pouvoir.

On rapporte même que l’endroit où s’est déroulée la réunion avait été témoin de mouvements suspects, représentés par l’apparition de trois voitures sans plaques d’immatriculation et aux vitres teintées, et de plusieurs motos, avant la disparition de Robert Gam, ce qui renforce les soupçons sur l’implication des services de renseignement dans ce kidnapping.

Il importe de rappeler également que le pouvoir militaire avait nié auparavant « toute exécution », invoquant la nécessité en février 2024 d’appréhender Yaya Dillo, suspecté d’avoir mené une « attaque » contre les services de renseignement et tenté de faire libérer un responsable de son parti arrêté.

A noter qu’une vingtaine de proches de Yaya Dillo avaient été interpellés le jour de sa mort et sont toujours « détenus au secret », selon Amnesty International.

De facto, le samedi 14 septembre dernier, Robert Gam a organisé une conférence de presse, lors de laquelle il a exigé leur « libération immédiate », menaçant autrement d’« organiser des contestations » sous un mois. Deux jours après, l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) a dénoncé une multiplication des arrestations et des détentions hors procédures par les services de renseignement tchadiens.

• Un regain de tension prévisible

Manifestation dirigée par Wakit Tama à N’Djamena

C’est ainsi que la tension politique est revenue intensément au Tchad, dans la journée du mardi 24 septembre 2024, après l’annonce de l’enlèvement du leader du parti Socialistes sans Frontières, Robert Gam, après sa rencontre avec des dirigeants de l’opposition, notamment des camarades du « Parti des Patriotes ».

Ces évolutions soulèvent donc la question de savoir si le pays allait désormais être confronté à une nouvelle crise après une courte période de répit politique.

Dans ce contexte, un analyste politique spécialisé dans les affaires sahéliennes africaines, qui a voulu garder l’anonymat, a commenté cette évolution en estimant qu’elle « pourrait ouvrir la voie à une crise politique houleuse au Tchad en raison de la capacité du parti Socialistes sans Frontières à mobiliser des militants dans la rue, contrairement aux autres partis d’opposition ».

L’analyste a souligné également que les questions portent d’abord sur:
-/- le sort de Robert Gam,
-/- et ensuite sur la capacité du gouvernement tchadien à contenir une escalade potentielle.

Néanmoins, en affirmant s’attendre également à ce qu’il y ait une large solidarité avec Robert Gam et ses camarades du parti Socialistes sans frontières, l’analyste s’est quand même demandé: « Cette solidarité est-elle à elle seule capable d’arrêter la machine de répression au Tchad ? »

Sauf qu’on ne peut pas l’affirmer avec certitude, d’autant plus que le Tchad se rapproche de la Russie et s’éloigne progressivement de l’Occident, ce qui signifie qu’il se débarrassera tout de même de toute pression ».

• Des signes d’étouffement de la dissidence

Certaines parties de l’opposition ont prétendu que: « La crise politique au Tchad est déjà revenue sur le devant de la scène à la lumière du maintien en détention d’un certain nombre de dirigeants politiques et du refus des autorités de répondre aux appels d’organisations internationales de défense des droits humains, comme Amnesty International, pour les libérer ».

Elles n’ont pas hésité à affirmer que « Deby suit les traces de son père en étouffant l’opposition politique dans le pays, en pariant sur l’armée comme ‘force’ afin d’empêcher toute échappatoire permettant à l’opposition, qui comprend le parti des Transformateurs (un parti politique tchadien fondé en 2018 par Succès Masra et légalisé le 14 juin 2019), celui des Socialistes sans frontières, ainsi que d’autres, de manifester ou de l’embarrasser devant l’opinion publique ».

Selon les partis de l’opposition, bien qu’il ait été élu président du pays il y a quelques mois, Mahamat Idriss Deby aurait choisi la fuite vers l’avant, défiant l’opposition farouche à laquelle il est confronté.

Ces incidents s’ajoutent à une série d’arrestations et de détentions condamnées par Amnesty International et par l’OMCT, qui auraient été effectuées sans respect des procédures régulières.

Il convient en plus de noter que le parti « Socialistes sans frontières » (PSF) est un parti d’opposition au Tchad, connu pour sa position contre le régime militaire au pouvoir. Le parti bénéficie d’un large soutien d’organisations internationales de défense des droits humains qui critiquaient le traitement sécuritaire répressif infligé aux dirigeants de l’opposition.

• Autres menaces

Les arrestations de dirigeants de l’opposition et la répression des organisations de défense des droits humains et de la société civile font désormais partie de la vie quotidienne au Tchad, un pays qui souffre de taux élevés de pauvreté et de chômage, avec un manque criant de services de base tels que les soins de santé et l’éducation.

Et c’est dans cette optique que Robert Gam a laissé entendre que son parti n’hésiterait pas à organiser des manifestations à grande échelle dans tout le pays si le gouvernement ne répondait pas à sa demande de libération immédiate et inconditionnelle des prisonniers.

C’est cette déclaration qui serait à l’origine de ses ennuis.

Robert Gam n’a plus donné signe de vie depuis qu’il a quitté les locaux du parti Socialiste sans frontières, le vendredi 20 septembre en fin d’après-midi. Son parti, pour qui il était dans le collimateur des services secrets tchadiens depuis la mort de Yaya Dillo en février dernier, les accuse de l’avoir enlevé.

• Le pouvoir serait-il revenu aux « vieilles méthodes » ?

Réagissant à cette situation, le coordonnateur du « Mouvement citoyen pour la préservation des libertés », Sosthène Mbernodji (écrivain, journaliste, enseignant, activiste et militant des droits humains) a appelé au respect des libertés consacrées constitutionnellement.

Selon lui, on ne peut pas comprendre que, pour une raison ou une autre, un leader politique qui fait une déclaration se trouve aussitôt derrière les barreaux.

Il s’agirait là d’une méthode de la vieille dictature qui connaît un recyclage avec ce pouvoir. « Nous sommes dans une nouvelle République et les vieilles méthodes caduques, les méthodes de répression sont remises en selle. C’est regrettable ».

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