Anouar CHENNOUFI
Africa-Press – Tchad. Il y a quelques années, le Lac Tchad était classé comme le sixième plus grand lac du monde et fournissait la subsistance quotidienne à plus de 30 millions de personnes travaillant dans des domaines tels que l’agriculture, la pêche, l’élevage et d’autres, mais tout cela est aujourd’hui sévèrement menacé.
S’intéressant de prés à la situation dans laquelle se trouve le Lac Tchad, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Administration nationale de l’aéronautique et de l’espace des États-Unis (NASA), aussi bien que l’Union africaine, ont averti que le lac s’assèche alors que le niveau de ses eaux continue de baisser.
Il importe de rappeler que le bassin du Lac Tchad revêt une grande importance économique et écologique, sachant qu’il abrite des millions de personnes essentiellement au carrefour du Cameroun, du Tchad, du Niger et du Nigéria, et ses écosystèmes abritent une faune sauvage vaste et diversifiée.
Bien que des pays comme l’Algérie, la Libye, le Soudan et la République centrafricaine ne soient pas des pays riverains du Lac Tchad, ils y sont étroitement liés, ce qui signifie que les répercussions de la disparition de larges parties de celui-ci affecteront d’autres pays de la région.
Ainsi, en l’absence d’une stratégie claire de la part des pays concernés, l’avenir du lac restera incertain, surtout qu’il est confronté à un défi existentiel sous forme de sécheresse, qui entraîne l’érosion continue du lac, alors qu’il représente un trésor pour une grande partie de la population des pays susmentionnés.
Malgré les avertissements croissants selon lesquels ce lac, qui semble déjà victime du terrorisme et du changement climatique, étant devenu le cœur de batailles féroces entre les armées de la région et les organisations terroristes armées, pourrait perdre tous ses composants d’ici quelques années, les autorités concernées n’ont pas de plans concrets pour le sauver de sa crise, surtout à la lumière des maux climatiques et autres, dont souffre actuellement la région.
Selon de nombreuses études, la superficie du lac aurait diminué de près de 90 pour cent, passant d’environ 25.000 kilomètres carrés à environ 2.000 kilomètres carrés aujourd’hui.
• Initiatives de sauvetage du Lac Tchad
Au cours des dernières années, de nombreuses organisations ont dépensé de l’argent pour sauver le lac des dangers qui le menacent, à un moment où les Nations Unies ont approuvé un processus complexe pour récolter environ 50 milliards de dollars, à travers lesquels elles visent à mettre en œuvre un plan pour sauver le lac et aussi le spectre de la famine pour des millions de personnes.
-/- Première initiative
En 2008 déjà, le Cameroun, le Tchad, le Niger et le Nigeria avaient adopté un plan pour sauver le Lac de la disparition, et ce plan consistait à draguer le fleuve Chari-Logone, qui est la principale source d’eau du lac.
Ce sont les deux principaux fleuves qui alimentent le Lac Tchad. Le Chari, qui prend sa source en République centrafricaine et arrose le Tchad, et le Logone qui prend sa source dans les monts Mbang, massif de l’Adamaoua. Les deux fleuves coulent parallèlement sur plusieurs centaines de kilomètres et s’unissent à N’Djamena.
-/- Deuxième initiative
Une autre option pour ces pays est de transférer une partie des eaux du fleuve Oubangui, le plus grand affluent du fleuve Congo, qui constitue la frontière naturelle entre la République centrafricaine, la République démocratique du Congo et le Congo.
Le transfert d’eau étendra la superficie du Lac Tchad à environ 5.500 kilomètres carrés, ce qui permettra au niveau du lac d’augmenter d’au moins un mètre après avoir baissé d’environ quatre mètres depuis quelques décennies.
De facto, la sauvegarde du bassin du Lac Tchad, est devenue un enjeu régional majeur, et en l’absence d’une stratégie claire de la part des pays concernés, l’avenir de ce lac restera incertain, surtout que le lac rétrécit alors que sa population explose, d’une part.
Et d’autre part, ce n’est pas la disparition du Lac Tchad, auparavant la plus grande ressource en eau douce de l’Afrique assurant la survie de plus de 30 millions de personnes, qui est une nouveauté, mais c’est plutôt la crise humanitaire complexe qui s’y déroule, ainsi que l’insécurité et les violences qui seraient l’une des plus graves au monde.
« A cause des violences régulières, plus de dix millions de personnes dans la région ont besoin d’une aide d’urgence. La plupart de ces gens vivaient déjà dans une grande pauvreté, avec très peu d’accès aux services de base, comme l’éducation et la santé, et subissaient les effets catastrophiques du changement climatique », jugent les experts des affaires africaines.
• Autres actions liées au Lac Tchad
-/- Trois techniques de restauration écologiques ont également été développées, permettant la réhabilitation des terres dégradées et l’amélioration des compétences communautaires.
-/- Sept activités génératrices de revenus portant sur l’apiculture, la pisciculture, le maraîchage agro-écologique, la riziculture et l’arboriculture ont été également lancées permettant ainsi à des milliers de bénéficiaires de diversifier leurs sources de revenus et de renforcer leur résilience socio-économique.
-/- Enfin, une réserve de biosphère a été créée, deux autres ont été proposées ainsi qu’un site transfrontalier du patrimoine mondial, tandis que deux radios communautaires ont été lancées, participant ainsi à la prévention de l’extrémisme violent, la promotion de la paix, la protection de l’environnement et le développement durable.
• A propos de sécurité et de coopération régionale
Les conflits pour l’accès aux ressources naturelles se multiplient, exacerbés par la présence de groupes armés et criminels, tels que Boko Haram, qui créent et exploitent cette instabilité. Les déplacements forcés de populations, la pauvreté et les maladies liées à l’eau contaminée aggravent encore la situation humanitaire.
Le bassin du Lac Tchad est devenu une zone de conflits où sévissent des groupes armés. Les pays membres de la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT) doivent renforcer leur coopération pour assurer la paix et la sécurité dans la région. Une approche intégrée, combinant développement économique et lutte contre l’extrémisme, est nécessaire.
• Une vision d’avenir pour le bassin du Lac Tchad
La vision de sauver le Lac Tchad nécessite une action multidimensionnelle coordonnée, combinant la restauration écologique, le développement socioéconomique et la sécurité améliorée. Les pays locaux ayant un soutien international doivent investir dans des projets structurés et durables. La restauration du lac et de ses écosystèmes ne profite pas seulement aux groupes de population locaux. Il contribue également à la lutte contre le changement climatique mondial.
Enfin, le bassin est à une intersection importante. Sans intervention urgente et coordonnée, les résultats humanitaires, environnementaux et de sécurité peuvent être irréversibles. Il est temps de préserver ce patrimoine naturel et culturel unique au profit des générations actuelles et futures.
• Rôle actif de l’Union africaine dans la question de la préservation du patrimoine dans la région du bassin du lac Tchad
Il est à noter que selon une circulaire émise par l’UNESCO, un projet intitulé « BioPlate » a été lancé pour renforcer les capacités des États membres de la Commission du bassin du Lac Tchad à conserver et à gérer les ressources hydrologiques, biologiques et culturelles de manière durable, ce qui contribue à éradiquer la pauvreté et à promouvoir la paix.
Ce projet comprend un large éventail d’activités allant de la mise en place d’un système d’alerte précoce pour faire face aux phénomènes de sécheresse et d’inondation et à la restauration des écosystèmes dégradés, comme les habitats des éléphants et de la race bovine Kori, une race endémique symbolique qui joue un rôle important dans la cohésion sociale.
Le projet met également l’accent sur les activités génératrices de revenus à travers la promotion d’une économie verte, ainsi que sur la valorisation des ressources naturelles du bassin du Lac Tchad, et aidera notamment les pays à préparer les dossiers de candidature pour la création d’une réserve de biosphère transfrontalière dans le bassin, et les dossiers de nomination du Lac Tchad comme site du patrimoine mondial.
Dans ce contexte, la Banque africaine de Développement (BAD) finance ce projet de trois ans, à hauteur de 6.456.000 dollars
• Qui sauvera donc le Lac Tchad ?
La restauration du bassin du Lac Tchad a été au cœur des discussions lors du 37e Sommet de l’Union africaine qui s’est tenu à Addis-Abeba, en Éthiopie, les 17 et 18 février de l’année dernière.
Lors de ce sommet qui s’est clôturé le 18 février 2024 dans un contexte de multiples crises en Afrique, la Banque africaine de développement (BAD) s’est engagée à soutenir les efforts de restauration dans le bassin du Lac Tchad.
L’accent a été mis sur la sécurité dans la région du Sahel en raison de la prédominance de la question des relations des dirigeants des coups d’État militaires au Niger, au Mali et au Burkina Faso avec le groupe CEDEAO, duquel les trois pays se sont retirés et ont formé ce qu’on appelle l’Alliance des Etats du Sahel (AES).
A noter que les conflits entre éleveurs et agriculteurs dans le bassin du Lac Tchad n’ont pas cessé de s’intensifier.
• Rôle de la Banque africaine de Développement (BAD)
Le président du Groupe de la Banque africaine de développement (BAD), Akinwumi Adesina, qui participait au 37e Sommet de l’UA à Addis-Abeba, a signé un protocole d’accord avec l’ambassadeur nigérian Mamman Nuhu, Secrétaire exécutif de la Commission du bassin du Lac Tchad (CBLT), portant sur la réhabilitation de cette étendue d’eau douce d’Afrique centrale.
La BAD a fait ses preuves en matière de soutien efficace à la Commission du bassin du Lac Tchad et à ses objectifs, depuis l’année 2005, où la Banque a financé 241,3 millions de dollars pour plusieurs projets multinationaux dans les domaines de l’eau, des transports, de l’environnement et des projets sociaux.
Par ailleurs, la Banque a récemment approuvé 17,8 millions de dollars pour l’initiative du PNUD « Briser le cycle de la fragilité par la stabilisation du Lac Tchad ». Cette initiative devrait mobiliser 21,5 millions de dollars de financements supplémentaires auprès d’organisations partenaires.
Il importe de noter que la BAD élabore également un programme pluriannuel de renforcement des capacités institutionnelles pour:
A- Renforce la Commission du bassin du Lac Tchad,
B- Mener des études environnementales, techniques et économiques approfondies,
C- Orienter les solutions, la prise de décision et les besoins de financement pour la restauration du bassin,
D- Financer également l’élaboration du deuxième plan d’investissement quinquennal pour constituer une réserve de projets pour l’utilisation durable et bénéfique des ressources en eau du bassin et préparer le terrain pour de nouveaux investissements.
Pour conclure, on peut estimer que le projet de transfert de l’eau douce de la rivière Ubangi vers le Lac Tchad représente à la fois une opportunité et une menace pour la République démocratique du Congo.
Pour qu’il soit une opportunité, il est essentiel que des études d’impact approfondies soient menées, que les risques écologiques et sociaux soient minimisés, et que des mécanismes équitables de partage des bénéfices soient mis en place. En revanche, sans une gestion rigoureuse et inclusive, ce projet pourrait menacer les écosystèmes et les populations de la RDC, tout en exacerbant les tensions régionales.
Une approche prudente et collaborative est donc indispensable pour garantir que ce projet serve les intérêts de tous les acteurs concernés.
Autant le dire également, selon certains experts, l’assèchement de ce lac est dû à deux facteurs: sa surexploitation et la baisse du débit de ses affluents, en plus du réchauffement climatique.
Ces experts prétendent entre-autres que, contrairement à toutes les rumeurs circulant à ce propos, le bassin du Lac Tchad ne s’assèche pas d’aussi tôt. Il serait même en train de se reconstituer naturellement depuis plusieurs années, en se basant sur une étude menée et publiée par l’Institut de recherche pour le développement (IRD).
Le Lac Tchad demeure finalement un « patrimoine à préserver ».
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