Africa-Press – Tchad. Le procureur général, Louapambe Mahouli Bruno, a présidé ce mercredi une cérémonie de remise en liberté de 73 détenus condamnés ayant purgé leur peine, mais restés en détention à la maison d’arrêt de Kléssoum, en dépit d’une recommandation préalable confirmée lors d’une mission de suivi et de contrôle.
Surpopulation carcérale et dysfonctionnements judiciaires
Dans son point de presse, le procureur général a rappelé que la surpopulation carcérale au Tchad constitue un problème majeur, aggravé par l’augmentation de la criminalité mais aussi par les dysfonctionnements de l’appareil judiciaire.
Cette situation entraîne de nombreuses difficultés: des problèmes de santé physique et mentale (troubles anxieux, dépressifs, maladies infectieuses), l’affaiblissement des liens familiaux, un accès limité aux soins, des conditions de vie particulièrement difficiles pour les mineurs, les femmes et les personnes handicapées. Le magistrat a dénoncé le défaut de suivi de l’exécution des peines, les délais de détention dépassés, la lenteur judiciaire, ainsi que la mauvaise qualité des repas liée à la surpopulation.
Mise en place d’une commission spéciale
Pour assainir le milieu carcéral, le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, a créé par arrêté n°057/PR/PM/MJDH/SE/SG/25 une commission chargée du suivi et du contrôle des détentions dans les principales maisons d’arrêt du pays. Cette commission a pour mission de: dresser l’état général de la population carcérale, contrôler l’exécution des peines, identifier les causes de la surpopulation, examiner le traitement des dossiers des détenus, proposer des solutions concrètes au ministre de la Justice. Elle a débuté ses travaux à la maison d’arrêt de Kléssoum du 1er au 15 mai 2025.
Des cas de détentions abusives
Le rapport révèle que Kléssoum accueille non seulement des détenus de N’Djamena, mais aussi de nombreuses autres juridictions (Mandelia, Massaguet, Koundoul, Mao, Bokoro, Moussoro, etc.), ainsi que des détenus transférés pour raisons de sécurité depuis Abéché ou Sarh. Beaucoup de prisonniers affirment ne pas savoir s’ils ont été condamnés, d’autres disent n’avoir jamais comparu en audience, et plusieurs condamnés arrivés au terme de leur peine n’ont pas été libérés faute de documents (extraits de jugement, procès-verbaux d’audience) ou en raison du non-paiement d’amendes.
Application de la loi et libérations
La commission a recommandé la mise en liberté immédiate des condamnés ayant purgé leur peine, en application de l’article 450 du Code de procédure pénale qui stipule: « Tout prévenu relaxé ou absous, ou condamné avec sursis ou à une simple amende est immédiatement mis en liberté. Il en est de même du prévenu condamné à une peine d’emprisonnement aussitôt que la durée de sa détention aura atteint celle de la peine prononcée. » Concernant les détenus en détention préventive au-delà des délais légaux, la commission préconise une procédure spéciale de libération, notamment pour les mineurs dont la détention ne peut excéder six mois.
Une première étape vers la réforme carcérale
Le procureur général a confirmé que le parquet général saisira prochainement la chambre d’accusation pour appliquer ces recommandations et améliorer la chaîne pénale. La libération des 73 détenus constitue une première étape concrète dans la lutte contre la surpopulation carcérale et les détentions arbitraires, mais d’autres mesures seront progressivement mises en œuvre pour améliorer durablement les conditions de détention au Tchad.
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